Référents déontologues. Les collectivités s'organisent pour les recruter
Chargés de conseiller les élus locaux sur les questions déontologiques, ils devaient être désignés le 1er juin. Les initiatives se sont multipliées pour ce faire.
Son rôle ? Apporter, «en toute indépendance et impartialité », «tout conseil utile au respect des principes déontologiques consacrés dans la charte de l’élu local » (lire l’article de Maires de France sur Les référents déontologues des élus locaux).
Sollicités «en raison de leur expérience et de leurs compétences », des professeurs de droit et des magistrats, en activité ou à la retraite, se sont engagés. Ces personnes présentent les «profils types », indique Louis Mathevet-Bidini, qui prépare une thèse sur les référents déontologues et exerce lui-même cette mission. Mais, de telles compétences sont rares dans certains départements, en particulier ruraux, comme les Hautes-Alpes.
Dans la deuxième quinzaine de juin, «très peu de collectivités » du département avaient trouvé un référent, signalait Jean-Michel Arnaud, président de l’Association des maires et présidents de communautés. En lien avec le centre départemental de gestion (CDG), celle-ci faisait appel à ses réseaux afin de tenter d’établir une liste de professionnels compétents à la retraite, et, ainsi, la proposer aux collectivités. Mais elle n’y parvenait pas.
L’AMF et les Associations départementales en soutien
L’Association des maires et présidents de communautés des Hautes-Alpes s’est notamment rapprochée de l’Ordre des avocats. En vain, car les intéressés se sont aperçus qu’en acceptant la mission de référent, ils seraient contraints de renoncer à toute relation de type commercial avec la collectivité correspondante, relate Jean-Michel Arnaud, car le référent doit être extérieur à la collectivité. Il y aurait un autre problème : le montant des indemnités de vacation accordées à tout référent déontologue – au maximum 80 € par dossier – semble insuffisamment attractif.
Constatant également la difficulté, notamment pour les petites communes, de nommer un référent déontologue, Philippe Tissier, directeur de l’Union des maires du Val-d’Oise, et Karine Le Gouhir, directrice adjointe, ont été volontaires pour exercer conjointement la mission, à titre personnel et gracieusement. Plus du quart des communes val-d’oisiennes avaient, mi-juin, retenu ce binôme de juristes, pour qui la déontologie est loin d’être une matière neuve. «Nous répondions déjà, auparavant, aux questions des élus sur le sujet, dans le cadre de consultations que nous avons initiées », relate Philippe Tissier.
Pour aider les collectivités, l’AMF (lire ci-contre) et les associations départementales (AD) de maires et présidents d’intercommunalité proposent une liste indicative de personnes compétentes et ayant donné leur accord pour assurer la mission de référent (lire ci-contre).
C’est le cas dans la Marne, où l’AD a réuni six noms sur sa liste. Une initiative prise en concertation avec le CDG, qui n’a pas souhaité s’investir sur ce dossier, précise Karine Rolland, directrice de l’association. Certains CDG, comme celui du Loiret, ont en effet considéré que la désignation d’un référent déontologue des élus locaux n’entre pas dans leurs compétences.
Ce que la DGCL confirme dans son «guide » publié sur le sujet, fin juillet. Elle indique qu’« en l’absence de disposition législative expresse les y autorisant, les centres de gestion ne peuvent être habilités pour désigner et exercer la fonction de référent déontologue de l’élu local au bénéfice des collectivités ».
Sur 64 CDG ayant répondu en mars à une enquête de l’Association nationale des directeurs et directeurs-adjoints des centres de gestion (ANDCDG), près de la moitié (31) n’envisageaient pas de proposer la mission. En revanche, les autres (33) comptaient la mettre en œuvre, au titre de leurs compétences facultatives, auprès des collectivités qui le souhaitent.
Incertitudes sur les modalités de paiement
Certains CDG s’étaient engagés avant la parution du guide de la DGCL. Ils s’appuient, par exemple, sur les référents déontologues (magistrats, universitaires…) qu’ils ont désignés au titre de leur mission obligatoire, en matière de déontologie auprès des agents publics. Ces personnes assurent donc aussi la mission de déontologue des élus, ce que la DGCL autorise dans son guide.
« Les collectivités, notamment les plus petites, apprécient d’avoir un accès plus aisé au déontologue, et trouvent intéressant de tendre vers une cohérence au niveau départemental », souligne Gilles Rendler, directeur du CDG du Haut-Rhin. L’établissement public s’est allié à ses homologues du Bas-Rhin et du Territoire-de-Belfort pour proposer un collège de trois référents déontologues. Le CDG du Rhône et de la métropole de Lyon propose, lui aussi, aux collectivités une solution mutualisée (avec cinq autres CDG). «Le CDG gère toute la partie administrative », explique Laurence Marlier-Cannata, directrice du pôle appui aux collectivités.
Les collectivités qui ont déjà désigné leur référent ont fait feu de tout bois. Par exemple, la commune de Cheverny (41) a sollicité l’une de ses habitantes, qui est notaire à Saint-Aignan. Batz-sur-Mer (44) s’est, elle, tournée vers un conseiller-maître à la Cour des comptes. À Sallenôves (74), le conseil municipal a désigné Bernard Accoyer, ancien député de la circonscription et ex-président de l’Assemblée nationale. Dans l’Yonne, les communes et intercommunalités ont désigné en nombre un «collège de déontologie », composé notamment de Louis Mathevet-Bidini. L’expert s’est rapproché d’un professeur universitaire, Patrice Raymond, et d’un psychologue, Benoît Haigre, pour répondre aux sollicitations des collectivités.
Selon lui, certaines communes seraient réservées à l’égard du référent déontologue – notamment car elles n’ont «pas de moyens de contrôle » de cette personne indépendante – et ne se hâteraient donc pas d’en désigner un. D’autant que des incertitudes perdurent sur les modalités pratiques du paiement des indemnités et de facturation.
Aucune sanction n’est, certes, prévue pour les collectivités récalcitrantes. Mais il serait «hasardeux » que ces dernières se passent du dispositif, estime l’Observatoire Smacl des risques de la vie territoriale. La charte de l’élu local touche à des problématiques qui peuvent avoir des incidences pénales, explique-t-il. Or, «le juge pourrait déduire de l’absence de désignation d’un référent déontologue une indifférence des élus de la collectivité aux règles déontologiques », fait remarquer l’observatoire.
En cas de condamnation, les peines prononcées pourraient ainsi être plus lourdes.
L’AMF a rédigé une note sur le référent déontologue et un modèle de courrier de demande de mise en relation avec un référent déontologue que les élus peuvent adresser à plusieurs destinataires (Bâtonnier du département, président d’université, président de la chambre régionale des comptes, président de tribunal administratif, notamment). Attention : les communes intéressées doivent recueillir l’accord du ou des experts qu’elles souhaitent nommer préalablement à la délibération du conseil municipal entérinant le choix.
L’AMF a aussi mis en place un comité de référents déontologues qui l’accompagnera dans l’application du dispositif.
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Cet article a été publié dans l'édition :
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