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Maires de France

Juridique
06/05/2025 AVRIL 2025 - n°433
Commande publique

Le régime juridique des délégations de service public

Qu'est-ce qu'une délégation de service public ? Quelles sont ses caractéristiques ? Comment conclure et exécuter ce type de contrat ? Rappel des règles principales.

Par Samuel Couvreur, avocat au cabinet Seban
Le contrat peut prévoir la réalisation d'investissements et de travaux, on parlera alors de contrat de concession.
© AdobeStock (photo générée à l'aide de l'IA)
Le contrat peut prévoir la réalisation d'investissements et de travaux, on parlera alors de contrat de concession.
La délégation de service public est un contrat encadré par les dispositions du Code général des collectivités territoriales (CGCT) et par le Code de la commande publique (CCP) permettant à une personne publique chargée d’un service public de déléguer son exercice et une partie de sa responsabilité à un opérateur.  
 

I - Les attributs d’une délégation de service public

Le recours à une délégation d’un service public est libre et n’a donc pas à être motivé spécifiquement. Selon l’article L. 1411-1 du CGCT, «les collectivités territoriales, leurs groupements ou leurs établissements publics peuvent confier la gestion d’un service public dont elles ont la responsabilité à un ou plusieurs opérateurs économiques par une convention de délégation de service public définie à l’article L. 1121-3 du Code de la commande publique préparée, passée et exécutée conformément à la troisième partie de ce code ».

• Contrat de concession et contrat d’affermage. L’article L. 1121-3 du CCP précise : «Un contrat de concession de services a pour objet la gestion d’un service. Il peut consister à concéder la gestion d’un service public. » Le contrat peut prévoir la réalisation d’investissements et de travaux, on parlera alors de contrat de concession. Il peut porter seulement sur l’exploitation du service, avec peu ou pas d’investissement. On parlera alors plutôt de contrat d’affermage.

Périmètre de la délégation. La délégation de service public se caractérise par l’absence d’obligation d’allotir et, corrélativement, par la possibilité d’inclure dans un même contrat plusieurs services distincts, la seule limite étant que le périmètre ne soit pas manifestement excessif et ne réunisse pas en son sein des services qui n’auraient manifestement aucun lien entre eux (CE, 21 septembre 2016, communauté urbaine du Grand Dijon, req. n° 399656).

Risque d’exploitation et rémunération du délégataire. Dans le cadre d’une délégation de service public, le délégataire est investi, à ses frais, risques et périls, d’une mission de service public sous le contrôle de la collectivité publique. Le délégataire doit assumer une partie des risques liés à l’exploitation. Sa rémunération est donc substantiellement tirée des recettes de l’exploitation du service.

À cet égard, il importe peu que la rémunération soit versée directement par l’usager (redevances) ou par la collectivité organisatrice du service dès lors qu’elle laisse à l’entreprise une part substantielle du risque de l’exploitation, c’est-à-dire qu’elle soit conditionnée, au moins pour partie, par les résultats obtenus dans l’exploitation du service.

Autonomie du délégataire. Le délégataire dispose d’une réelle autonomie dans la prise en charge de l’activité de service public qui lui est confiée même si, bien entendu, cette gestion s’opère sous le contrôle de la collectivité qui en détermine les modalités essentielles (horaires d’ouverture, égal accès, tarifs particuliers…).

Durée du contrat. Il résulte de l’article L. 3114-7 du CCP que la durée des contrats de délégation de service public «doit être limitée. Elle est déterminée par l’autorité concédante en fonction de la nature et du montant des prestations ou des investissements demandés au concessionnaire ».

Plus précisément, l’article R. 3114-2 du CCP fait obligation, pour les contrats d’une durée supérieure à cinq ans, de limiter la durée au temps raisonnablement escompté par le concessionnaire pour qu’il amortisse les investissements réalisés pour l’exploitation des ouvrages ou services avec un retour sur les capitaux investis.  
 

II - Conclure une délégation de service public

La passation d’une délégation de service public est soumise à la fois aux règles de la commande publique issues du CCP et aux règles spécifiques issues du CGCT.

Lancement de la procédure. La procédure est lancée par l’organe délibérant de la collectivité après avis, le cas échéant, de la commission consultative des services publics locaux (art. L. 1413-1 du CGCT) et du comité social (art. L. 251-1 et suivants du Code de la fonction publique) qui se prononce sur la base d’un rapport contenant les caractéristiques essentielles de la délégation (art. L. 1411-4 du CGCT).

Consultation des entreprises. Un avis de concession et un dossier de consultation des entreprises (DCE, contenant notamment le projet de contrat de délégation) sont alors publiés. Les candidats disposent d’un délai suffisant pour déposer leurs dossiers, lesquels sont analysés (candidature puis offre) par la commission de délégation de service public (art. L. 1411-5 du CGCT).

Négociations. Sur la base de cette première analyse, des négociations peuvent s’engager librement sur divers aspects techniques, juridiques et financiers du projet, sans toutefois qu’il soit possible de négocier des caractéristiques dites essentielles, préalablement définies par l’autorité délégante dans le DCE.

Analyse des offres finales. Une fois les négociations abouties, des offres finales sont déposées, analysées par les services, et l’exécutif de la collectivité rédige un rapport présentant l’analyse des offres finales, en particulier celle de l’attributaire pressenti qu’il se propose de soumettre à l’assemblée délibérante, et les caractéristiques principales du futur contrat.

Conclusion du contrat. L’assemblée délibérante acte ce choix en autorisant l’exécutif à conclure le contrat, après respect de certaines formalités particulières (envoi des dossiers aux élus quinze jours avant la délibération, transmission au contrôle de légalité, envoi de courriers de rejets aux candidats non retenus, respect d’un délai de onze jours avant signature…).

À noter : la délégation peut être attribuée à une société dédiée, parfois constituée sous la forme d’une société d’économie mixte locale (art. L. 1521-1 du CGCT) ou d’une société d’économie mixte à opération unique (art. L. 1541-1 du CGCT), mais toujours à l’issue d’une procédure de mise en concurrence. Seules les sociétés publiques locales (art. L. 1531-1 du CGCT) permettent, la plupart du temps, une attribution directe (art. L. 3211-1 du CCP).  
 

III - Exécuter une délégation de service public

L’exécution des contrats des délégations est suivie avec plus ou moins de rigueur par les services des collectivités. C’est d’ailleurs l’un des griefs principaux de la Cour des comptes dans son rapport sur les délégations de gestion des services publics locaux publié en décembre 2024 (lire encadré ci-dessous).

Contrôle du délégataire. Au cours du contrat, l’assemblée délibérante doit voter pour prendre acte de la transmission obligatoire du rapport d’activité annuel par le délégataire de service public. De même, la commission consultative des services publics locaux, qui comprend des représentants des usagers, examine chaque année ces rapports, ainsi que les rapports sur le prix et la qualité du service public d’eau potable et d’assainissement visés à l’article L. 2224-5 du CGCT. L’analyse de ces rapports permet de s’assurer de la réalité et de la suffisance des informations transmises. C’est également l’occasion de vérifier la position du délégataire sur l’intéressement éventuel de la collectivité aux résultats de l’exploitation qu’il est fortement conseillé de prévoir dans le contrat.

Pénalités. L’application des pénalités prévues au contrat est également gage d’une exécution sérieuse du contrat et la collectivité doit mettre en œuvre ces sanctions si elle constate des manquements.

Avenants. Le contrat peut faire l’objet d’avenants, encadrés par les dispositions des articles R. 3135-1 et suivants du CCP. À cet égard, la Cour des comptes alerte toutefois, dans son rapport du 19 décembre 2024 (lire ci-dessous), sur le risque que «les avenants émaillant la vie du contrat [conduisent] à faire évoluer l’équilibre économique initial au profit de l’entreprise délégataire ».

Fin de la délégation. La fin des délégations est sans doute le moment le plus sensible, avec la nécessité de faire le point sur l’état des biens, les informations à transmettre pour une transition avec un nouveau mode de gestion (une régie par exemple) ou, dans le cadre d’une nouvelle procédure de délégation, le solde de tout compte avec, le cas échéant, la détermination d’une soulte en fin de contrat si les investissements n’ont pas pu être amortis, la gestion des contrats de travail... Un protocole de fin de contrat peut utilement venir encadrer les modalités de sortie du contrat quelques années avant son terme.
 

Information du public    
Dans les communes de 3 500 habitants et plus, les documents relatifs à l’exploitation des services publics délégués, qui doivent être remis à la commune en application de conventions de délégation de service public, sont mis à la disposition du public sur place à la mairie et, le cas échéant, à la mairie annexe, dans les quinze jours qui suivent leur réception par voie d’affiche apposée (art. L. 1411-13 du CGCT).
Le public est avisé par le maire de cette mise à disposition par voie d’affiche apposée en mairie et aux lieux habituels d’affichage pendant au moins un mois.
Ces dispositions s’appliquent aux établissements publics administratifs des communes de 3 500 habitants et plus, aux EPCI et aux syndicats mixtes mentionnés à l’art. L. 5711-1 du CGCT, qui comprennent au moins une commune de 3 500 habitants et plus.

 

 Les «leviers d’action » proposés par la Cour des comptes
Dans son rapport publié le 19 décembre 2024, la Cour des comptes formule plusieurs «leviers d’action » pour améliorer les relations des collectivités avec leurs délégataires, parmi lesquels :  
contrôle du délégataire : imposer aux délégataires de transmettre à la première demande du délégant l’ensemble des données et des bases de données collectées ou produites à l’occasion de l’exploitation du service public faisant l’objet du contrat de délégation ; proportionner les pénalités à l’absence de réalisation des objectifs par le délégataire ;
retour financier : «prévoir systématiquement (…) des clauses garantissant aux entités locales délégantes un retour financier lorsque le résultat dépasse significativement les prévisions initiales ou actualisées » établies avec le délégataire ;
résiliation anticipée : prévoir ses conséquences dès le contrat initial pour l’entreprise délégataire et l’autorité délégante ;
fin de la délégation : dans le cadre d’un contrat de délégation de service public d’eau ou d’assainissement, la Cour des comptes suggère de porter de six à dix-huit mois avant l’échéance du contrat, le délai minimal pour la transmission par l’entreprise délégataire à la collectivité délégante du fichier des abonnés, des caractéristiques des compteurs et des plans des réseaux d’eau et d’assainissement (art. L. 2224-11-4 du CGCT).

 

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Cet article a été publié dans l'édition :

n°433 - AVRIL 2025
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