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18/04/2025 AVRIL 2025 - n°433
Environnement Votre mandat

Le maire et les champignonneurs

Maire d'Aiglepierre (424 habitants, Jura), Jean-Marie Renaud lutte contre les cueillettes sauvages de certains champignons dans la forêt par des populations itinérantes venues d'Europe centrale.

Par Bruno Leprat
Confronté à la cueillette illégale de lactaires dans sa commune, Jean-Marie Renaud, maire d'Aiglepierre (424 habitants, Jura), a fait poser des barrières sur des accès stratégiques à la forêt. Et cela marche !
© Mairie d'Aiglepierre
Confronté à la cueillette illégale de lactaires dans sa commune, Jean-Marie Renaud, maire d'Aiglepierre (424 habitants, Jura), a fait poser des barrières sur des accès stratégiques à la forêt. Et cela marche !

 

Cueillette sauvage

« En septembre 2024, je suis en mairie quand un randonneur me croise et me dit : “M. le maire, ça y est, ils sont de retour.” Là je sais de qui il parle. “Ils”, ce sont les cueilleurs de champignons qui, tous les ans depuis une dizaine d’années environ, viennent dans notre forêt communale pour prélever tout ce qu’ils peuvent de lactaires sanguins pour les envoyer en Espagne.

Ces personnes qui, pour la plupart, sont d’origine roumaine, pillent le bois alors qu’en principe, ce sont un ou deux kilos de champignons par jour et par personne qui sont autorisés.

Par ailleurs, ils vivent dans des conditions insalubres, sous des tentes ou des abris de fortune, dans la forêt, ce qui fait mal au cœur. Sans compter les dommages collatéraux : dépôts sauvages, larcins dans les commerces ou sur les chantiers, arbres coupés pour alimenter les feux de campement. »  
 

Dissuasion

« En septembre dernier, je tente de limiter ces désagréments, toujours dans l’indifférence des pouvoirs publics, tout en supposant que d’autres départements que le Jura sont concernés par ces trafics de champignons, voire d’êtres humains. J’installe, aux frais de la commune, deux barrières sur des accès stratégiques à notre forêt de 150 hectares. Elles devraient empêcher les véhicules d’entrer et l’établissement de ces campements qui peuvent compter, si le champignon est vigoureux, jusqu’à 50-60 personnes, dont des enfants et personnes âgées.

Et cela marche ! Jusqu’en décembre, nous avons eu seulement une dizaine de cueilleurs indésirables, et collecté une seule petite benne de détritus. Les barrières étaient cadenassées, j’avais donné la clé aux seuls services de secours, riverains et chasseurs ainsi qu’aux champignonneurs amateurs. »
 

Itinérance

« Nous allons évidemment refermer ces barrières la saison prochaine, dès septembre. J’ai conscience que les cueilleurs iront sans doute dans une autre commune mais que dire ?! On connaît ce phénomène de délinquance itinérante et des solutions existent. La preuve : c’est un adjoint qui a trouvé cette idée de barrière en allant dans une autre commune.

Il y a quelques années, nous avions tenté une autre option, qui consistait à placarder des affiches en roumain demandant de respecter la forêt et de réunir en un seul endroit les canettes, couches, banquettes de voiture et autres postes de TV (en pleine forêt !) avant de partir. Très gentils, nos interlocuteurs roumains avaient acquiescé et, au final, en plein mois de décembre, nous avions dû ratisser les fourrés pour nettoyer après leur départ ! Ces barrières vont nous changer la vie. »
 

Ce qu’il retient
Abondance : « Notre forêt est riche en champignons. Cela donne un étrange paysage avec, d’un côté, nos habitants qui viennent sagement pour les girolles ou les trompettes de la mort, et ces populations qui séjournent là des mois, avec le lactaire sanguin pour seule visée. »
Misère : « J’ai mal au cœur quand je vois ces campements, ces familles et une forme d’esclavagisme derrière ce commerce sauvage. Les lactaires partent en Espagne. Personne ne contrôle rien. Notre forêt est souillée, de même que la dignité des personnes. »
Filière : «Mes collègues de Vaux-sur-Poligny ont jusqu’à 1 000 cueilleurs de l’Est dans leur forêt par saison ! Nous avions, à un moment, une coopérative locale qui achetait ces champignons. Cela aurait réorganisé le marché. Hélas, la filière n’a pas été pérennisée. »

 

Remerciements
« Je remercie mes élus qui ont accepté d’investir 4 400 euros dans ces barrières et qui, avec des chasseurs et des habitants, ont fait, pendant des années, des “corvées” de collecte de détritus après les séjours de cueilleurs. J’espère les solliciter de moins en moins.
Un grand merci aussi aux forces de l’ordre qui, en cette fin ­d’année 2024, ont eu pour consigne de contrôler et verbaliser ces cueilleurs de l’Est. Des cagettes de lactaires ont été détruites, des camions ont été interdits de stationner. Cela a sûrement contribué à diminuer le trafic. »

 

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Cet article a été publié dans l'édition :

n°433 - AVRIL 2025
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