David Lisnard : « L'AMF doit être le vaisseau amiral de la voix des communes »
David Lisnard, maire de Cannes, vice-président de l'AMF et candidat à la présidence de l'association, a répondu à Maire info et Maires de France pour donner sa vision de l'avenir de l'association, qu'il veut « dynamiser » dans un contexte où les communes sont de plus en plus « dévitalisées ».
Extraits de l'interview.
Pourquoi avez-vous décidé de vous porter candidat à la présidence de l’AMF ?
Pour moi, l’AMF doit être plus que jamais l’institution indépendante, forte, représentative de la diversité de nos communes, au service de tous les maires. Ce qui me motive, c’est d’essayer d’être au service de tous mes collègues. C’est une vision d’intérêt général, mais il y a une raison plus personnelle : j’ai commencé dans la chose publique avec Jacques Pélissard [président de l’AMF de 2004 à 2014] dont j’ai été le bras droit, et qui m’a donné la passion de l’AMF et la passion des communes. J’ai la chance d’être vice-président de l’AMF, d’avoir la confiance de François Baroin, et je souhaite ardemment pouvoir œuvrer à ce que notre association soit plus que jamais dynamique, au service des communes.
Quel a été votre parcours professionnel et votre parcours d’élu local ?
J’ai eu un parcours professionnel dans le privé, j’ai été salarié de plusieurs entreprises, j’ai été également gérant de société, j’ai eu des petits commerces de distribution à Limoges et Cannes. Je n’en ai plus depuis 2016 – ma fonction de maire m’accapare à 100 %. J’ai une formation juridique, j’ai dirigé un cabinet d’audit et la société d’exploitation du Palais des Congrès. Parallèlement, j’ai été directeur de cabinet de Jacques Pélissard. Je suis élu local depuis 2001. Je suis conseiller départemental depuis 2008. Après avoir été adjoint au maire, puis premier adjoint, je suis maire de Cannes depuis 2014.
Pourriez-vous définir les caractéristiques des deux listes que vous déposez (bureau et comité directeur) ?
Ce sont des listes d’union qui apportent la garantie de l’indépendance de l’AMF. Cette garantie, c’est la représentativité des listes que nous avons composées avec André Laignel. Une majorité de colistiers n’ont pas de carte dans un parti politique. Pour les maires qui ont un engagement, comme c’est mon cas, nous avons veillé à avoir tout le panel de la représentativité, ce qui permet d’équilibrer et de veiller à ce que l’AMF soit indépendante de tous les pouvoirs. C’est aussi la représentativité géographique, la représentativité hommes/femmes. C’est l’équilibre entre la ruralité et l’urbanité. Il est très important d’avoir cet équilibre géographique, démographique, économique et politique. C’est la garantie de la pérennité de l’institution AMF et de son efficacité.
Comment souhaiteriez-vous voir évoluer les relations entre l’AMF et les autres associations d’élus locaux ?
Il y a à la fois complémentarité et compétition, il faut dire les choses clairement. Si j’ai l’honneur d’être président de l’AMF, je conforterai ce que François Baroin a réussi à mettre en place avec ses homologues des régions et des départements, Territoires unis. C’est extrêmement important de trouver un dénominateur commun des collectivités territoriales pour être force de propositions et de vigilance à l’égard de l’exécutif. Je crois qu’il est important que les autres associations se sentent représentées dans Territoires unis. Avec toutes les associations du bloc communal, j’essayerai de veiller à entretenir ce dialogue. On doit réussir à travailler en réseau. L’AMF doit être le vaisseau amiral de la voix des communes et porter la voix forte du bloc communal.
Comment les relations de l’AMF avec le gouvernement et le Parlement doivent-elles évoluer ?
Dans un respect réciproque. Lorsque le pouvoir central attaque la liberté et la responsabilité locales, l’AMF assume son rôle de vigie exigeante. Il y a eu des tensions dans les périodes récentes, lorsque le pouvoir a pioché dans la dotation globale de fonctionnement (DGF) des collectivités en 2014. L’AMF, grâce à sa pluralité, a réagi. Plus récemment, avec la nationalisation de la taxe d’habitation, le hashtag #BalanceTonMaire, le dispositif des contrats de Cahors, l’AMF a réagi. Si j’ai cette charge de présider l’AMF, j’essayerai également d’en faire une entité proactive et force de propositions sur la décentralisation. Je propose par exemple que l’on crée un groupe de travail institutionnalisé avec les grands directeurs des administrations centrales, des parlementaires et des maires, dont des maires de la ruralité, en amont, sur tous les textes de loi concernant l’organisation des pouvoirs publics qui seront examinés au Parlement. Je voudrais aussi que l’on ait un regard sur les textes règlementaires d’application des lois, qui sont souvent hors sol.
Si vous étiez élu président de l’AMF, quelles actions engageriez-vous pour lutter contre la baisse des moyens et de l’autonomie financière et fiscale des collectivités ?
Le principe que je proposerai, c’est que chaque strate doit avoir un impôt. Si on n’a plus la liberté fiscale, on n’a plus de liberté d’action. Au sein des communes comme des intercommunalités, les évolutions à venir sur les impôts de production vont à nouveau nous mettre en position de dépendance et de quémandeurs. Or moi je ne veux plus que l’on soit quémandeurs d’un argent qui nous appartenait et que l’État nous a pris. Il faut un impôt pour l’intercommunalité lié à l’activité économique, un impôt pour les communes lié à la notion de résidence. Si on n’a plus la liberté fiscale, on dévitalise nos mairies.
L’AMF demande l’adoption d’une grande loi de décentralisation. Quelles sont vos propositions ?
On a eu des grandes lois de décentralisation, mais depuis, il y a eu progressivement une forme de retour de tutelle. Une double tutelle : il y a un retour à une tutelle masquée de l’État qui a multiplié les appels à projets, lesquels enlèvent de la liberté d’action locale et privilégie les grandes entités qui ont l’ingénierie juridico-administrative pour y répondre. Une autre forme de tutelle est celle de la schématisation : lorsque vous voulez porter un projet, vous avez le SCoT, la DTA, le Sraddet, et j’en oublie. Ces schémas ont une contrainte normative : on crée de la centralisation dans la décentralisation. L’AMF doit porter la voix de la liberté et de la responsabilité des communes, et cela passe par le fait de retrouver la subsidiarité.
Quel regard portez-vous sur l’évolution de l’intercommunalité et pensez-vous nécessaire de faire évoluer sa gouvernance pour préserver les maires ?
La nécessité ne sera pas d’avoir une grande loi sur l’intercommunalité, mais d’apporter des ajustements qui redonnent de la capacité de décision sur les compétences. Celles-ci ne doivent pas être imposées, un maire doit pouvoir dire : «J’assume cette compétence et si je n’y arrive pas, ou si j’y trouve un intérêt, je la mutualise. » Il faut remettre, par petites touches, de la simplicité et rendre la capacité décisionnelle aux maires.
Comment jugez-vous le dispositif de l’agenda rural et quelles sont vos propositions pour les territoires ruraux ?
L’agenda rural part d’une bonne intention, mais quand on creuse, cet agenda a repris beaucoup de dispositifs qui existaient et leur a donné un habillage. Je crois qu’il faut surtout bien mieux utiliser l’ingénierie juridico-administrative et la mettre au service des maires. L’Agence nationale de cohésion des territoires devrait être au service des projets des communes et des intercommunalités rurales !
Si vous deveniez président de l’AMF, quel changement prioritaire souhaiteriez-vous impulser pour accroître davantage encore l’efficacité de l’association ?
Je créerai au sein de l’AMF une cellule qui sera H24 à disposition des maires en cas de catastrophe ou d’événements imprévus, pour apporter un soutien immédiat, jour et nuit. C’est vrai aussi pour le soutien des maires qui sont mis en cause dans l’exercice de leur mandat de façon injuste.
Avec les associations départementales de maires, je proposerai que l’on puisse travailler en réseau sur des objectifs communs pour institutionnaliser encore plus qu’aujourd’hui la remontée des attentes du terrain.
Cet article a été publié dans l'édition :
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