103e Congrès. Les maires en première ligne face aux crises
Le Congrès, marqué par le renouvellement des instances de l'AMF, sera l'occasion de valoriser le rôle des élus au sortir de la crise sanitaire, tout en cernant les principaux enjeux de leur mandat. Et, à cinq mois de l'élection présidentielle, de rappeler leurs attentes en matière de décentralisation.
L’AMF a donc logiquement intitulé son congrès «Les maires en première ligne face aux crises ». L’occasion de rendre hommage aux élus préférés des Français, comme en atteste encore la dernière édition du Baromètre AMF-Cevipof, publiée cet été. Mais aussi de rappeler à l’État qu’ils sont les «piliers de la République », comme le souligne François Baroin.
Faire confiance aux élus locaux
« Durant la crise sanitaire, l’État a fait ce qu’il a pu, mais nous, élus, nous avons fait tout ce qu’il n’a pas pu et c’est immense ! », a résumé le président de l’AMF dans un entretien à Maires de France (lire dans le n° 394 d’octobre, pp. 12-14). Selon l’AMF, la gestion de la crise a confirmé la nécessité pour l’État d’engager une nouvelle étape de la décentralisation en confiant aux collectivités la gestion des principales politiques de proximité, en privilégiant la liberté et la subsidiarité, et en faisant confiance aux élus locaux.
Le débat d’ouverture du 103e Congrès (« Les libertés locales à l’épreuve des crises : la libre administration en question », le 16 novembre) sera consacré à ces questions. Un autre débat soulignera le rôle clé des communes et de leurs intercommunalités dans la relance économique (17 novembre). Plusieurs forums montreront l’implication des élus auprès de leur population, déterminante en période de crise (« Mieux répondre à l’urgence du grand âge », le 16 novembre ; «Les maires mobilisés contre les inégalités d’accès des enfants à l’éducation » et pour des «solidarités en faveur des plus vulnérables et des jeunes », le 17 novembre, «Agir pour la santé des habitants », le 18 novembre).
Décentralisation : un texte peu ambitieux
La décentralisation sera, une fois de plus, au cœur des échanges, au terme d’un quinquennat qui laisse les élus sur leur faim. Dès 2018, l’AMF appelait, dans la résolution générale de son 101e Congrès, à «un nouvel acte de décentralisation ». Las, ni la loi «Engagement et proximité » du 27 décembre 2019, ni la loi organique du 19 avril 2021 relative à la simplification des expérimentations, sans parler de la révision constitutionnelle avortée de 2018, n’ont répondu aux attentes des élus pour clarifier et étoffer les compétences des collectivités, renforcer le principe de subsidiarité et respecter la diversité des territoires en appliquant le principe de différenciation. Pas plus que le projet de loi «3DS » (différenciation, décentralisation, déconcentration et simplification), porté par Jacqueline Gourault, et dont le gouvernement espère sans certitude une adoption, début 2022, juste avant la fin de la législature… et du quinquennat. Ce texte, déclaré d’urgence et adopté en juillet dernier par les sénateurs, sera discuté à l’Assemblée nationale «les semaines des 6 et 13 décembre prochain », a indiqué la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, qui «espère » une commission mixte paritaire (CMP) conclusive dans la foulée.
Le projet de loi comporte des mesures utiles de simplification mais il n’est pas la «grande loi sur les libertés locales », souhaitée par l’AMF, qui consacrerait «l’organisation (…) décentralisée » de la République, inscrite à l’article 1er de la Constitution. Les élus auront sans doute à cœur de rappeler au chef de l’État – que l’AMF a invité au congrès – l’engagement qu’il avait pris devant eux, en 2019, lors du 102e Congrès de l’AMF : «oui à un grand débat, une grande avancée sur la décentralisation, mais à condition de dire que la compétence va avec la responsabilité démocratique et avec des financements clairs ». Deux ans plus tard, «on est très, très loin du compte en terme de libertés locales. L’État ne tire pas les leçons de son impuissance, ni celles de l’efficacité des collectivités », résume sèchement le président de l’AMF.
Contentieux financier
Le contentieux s’est aussi épaissi entre l’État et les collectivités sur le plan financier. Les élus n’ont jamais digéré la suppression de la taxe d’habitation annoncée dès 2017 par Emmanuel Macron, et ont souligné le dispositif complexe de compensation de l’État. Cette mesure emblématique du quinquennat bafoue les principes d’autonomie fiscale et financière des collectivités, corollaires indispensables d’une vraie décentralisation, et que l’AMF souhaiterait voire inscrits dans la Constitution. L’amputation récente d’une partie de la fiscalité économique des collectivités renforce, selon elle, la tendance à une «nationalisation » de la fiscalité locale. La création des contrats encadrant les dépenses des collectivités, destinés à les faire participer à l’objectif de ralentissement de la croissance de la dépense publique (13 milliards d'euros sur le quinquennat), a été très mal vécue même s’ils ne concernaient que 322 d’entre elles. Le gouvernement, fort opportunément diront certains, à quelques mois de la présidentielle, a supprimé le dispositif à partir de l’an prochain.
La stagnation des dotations depuis cinq ans (après les baisses entre 2014 et 2017) n’a pas pris en compte l’inflation et un grand nombre de communes ont vu baisser leur dotation globale de fonctionnement, souligne le Comité des finances locales. Enfin, l’État n’a pas assez compensé aux collectivités les multiples dépenses qu’elles ont engagées depuis 18 mois pour faire face au Covid-19 et aux pertes de recettes fiscales, domaniales et tarifaires provoquées par la crise, que l’AMF évalue à plus de 5 milliards d'euros. L’Association a demandé en vain, par la voix de son président, une «nationalisation de la dette Covid ». C’est dans ce contexte tendu que se tiendra, dans le cadre du congrès, un débat intitulé «Finances locales : le double défi de l’investissement et des services à la population » (le 18 novembre).
Dans la foulée, l’AMF adoptera la résolution finale de son congrès dans laquelle elle devrait rappeler l’ensemble de ses attentes et propositions. Une feuille de route en quelque sorte adressée aux candidats à l’élection présidentielle, à cinq mois du scrutin.
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