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18/10/2022 OCTOBRE 2022 - n°405
104e Congrès de l'AMF 2022 AMF Décentralisation Energie Environnement Finances Santé

André Laignel : " Nous attendons des actes sur la décentralisation et les finances locales "

Dans un entretien accordé à Maires de France, André Laignel, premier vice-président délégué de l'AMF et maire d'Issoudun (36), demande à l'état d'indexer la DGF sur l'inflation en 2023 et de soutenir les collectivités frappées par la hausse des coûts de l'énergie. Il appelle de ses voeux une « grande loi sur les libertés locales » et une refonte de la fiscalité locale.

Propos recueillis par Bénédicte Rallu et Xavier Brivet
Pour André Laignel, premier vice-président délégué de l'AMF et maire d'Issoudun (36), " le gouvernement est méfiant vis-à-vis des collectivités car il assoit la confiance sur la contrainte ".
© Arnaud Février
Pour André Laignel, premier vice-président délégué de l'AMF et maire d'Issoudun (36), " le gouvernement est méfiant vis-à-vis des collectivités car il assoit la confiance sur la contrainte ".

• Le climat semble apaisé entre l’AMF et l’État. Est-ce la réalité ?

Le ton a changé, il est plus aimable et respectueux. Malheureusement, le fond à ce jour est rigoureusement identique à ce que nous avons vécu lors du début du quinquennat précédent. On nous avait alors annoncé la suppression de la taxe d’habitation (TH) et la mise en place des contrats de Cahors encadrant la dépense publique locale. Aujourd’hui, on nous annonce la suppression de
la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et la mise en place d’un dispositif restreignant la dépense locale, qui concernera beaucoup plus de collectivités sans que nous ne connaissions le détail du dispositif. Si les élus ne respectaient pas la baisse de leurs dépenses de fonctionnement au niveau de l’inflation moins 0,5 %, ils seraient sanctionnés.
 

• Que vous inspire cette situation ?

Le gouvernement reste méfiant vis-à-vis des collectivités puisqu’il assoit la confiance sur la contrainte et procède à un rétrécissement des libertés et de l’autonomie financière locales. Tout dispositif qui met à la charge des collectivités le redressement des finances publiques est scandaleux alors que les collectivités ne pèsent en rien sur les déficits et la dette publics. Je rappelle que depuis 2014, les collectivités ont pourtant été taxées de 46 milliards d’euros via, notamment, la baisse de la DGF jusqu’en 2017 et sa très relative stabilisation depuis lors. Nous avons largement donné pour redresser les comptes de la Nation !
 

• Quels sont les autres sujets de discorde avec l’État ?

L’AMF exige une indexation de la DGF sur l’inflation. Sinon, avec une inflation à 7 % environ, les collectivités perdraient entre 1,2 et 1,5 Mde de dotation. Cela serait un nouveau prélèvement de l’État qui, lui, bénéficie de l’inflation car elle fait progresser ses recettes. Le gouvernement reste à ce stade évasif sur ses intentions. Il évoque un geste pour les collectivités les plus en difficulté, comme si tout le monde n’était pas touché par l’inflation.
 

• Que lui demandez-vous face à la flambée du coût de l’énergie ?

Chaque jour, des maires me disent qu’ils ne peuvent plus honorer les factures de gaz et d’électricité, qu’ils vont devoir fermer des équipements et réduire des services publics. Or, les collectivités, ­hormis les plus petites, sont les seules à ne pas bénéficier, à la différence des ménages et des entreprises, du bouclier tarifaire alors qu’elles supportent une charge très lourde. L’AMF demande un bouclier pour toutes les collectivités et l’accès à un tarif réglementé. Si le gouvernement n’indexe pas la DGF sur l’inflation et ne protège pas les collectivités de cette flambée, la situation sera intenable.
 

Comment jugez-vous la suppression de la CVAE ?

C’est une mauvaise mesure, même si elle est étalée sur deux ans. L’AMF s’y oppose d’autant que l’état n’a pas précisé les modalités de compensation de cette perte de 9,6 milliards d’euros de recettes aux collectivités. Nous demandons une étude d’impact de cette suppression qui, par ricochet, aura des répercussions sur d’autres ressources locales. Si la suppression est actée, nous voulons une compensation sous la forme d’un dégrèvement en 2023. L’état ne semble pas retenir cette solution mais plutôt l’attribution d’une fraction de TVA appuyée sur la cotisation foncière des entreprises (CFE). Ceci entraînerait des distorsions considérables entre les collectivités. Il faut une compensation évolutive et territorialisée. Nous allons saisir le Parlement de plusieurs amendements sur ces sujets.
 

Quelles seront les conséquences de cette suppression ?

Outre une perte de recettes pour les collectivités car, ne nous leurrons pas, la compensation ne sera pas pérenne dans la durée, cela pose de nouveau la question de l’autonomie financière et fiscale des collectivités. Cette suppression coupant le lien fiscal entre les collectivités et les entreprises – comme celle de la TH l’a fait avec les administrés –, elle risque aussi de décourager les élus qui n’auront plus aucun intérêt à se battre pour le développement industriel de leur territoire, qui génère parfois des nuisances, puisqu’il n’y aura plus de retour financier. Dans un contexte où l’état veut réindustrialiser la France… S’y ajoutent les contraintes induites par le zéro artificialisation nette (ZAN) qui limitera l’extension des zones industrielles. Tout ceci est incohérent. 
 

• Le chef de l’État semble disposé à approfondir la décentralisation. Que souhaite l’AMF ?

L’AMF demande une grande loi sur les libertés locales permettant d’accélérer de nouveaux transferts de compétences aux collectivités, notamment dans le domaine du sport, de la culture, du social. Elle devra s’accompagner d’une réforme fiscale entérinant une véritable autonomie des collectivités.

Pour l’instant, le gouvernement n’évoque que le transfert du logement, un domaine qui a été sinistré sous le mandat précédent. Dans une vraie décentralisation, toutes les compétences devraient être décentralisées, à l’exception des domaines régaliens et de la solidarité nationale. Les principes de subsidiarité et de proximité devraient prévaloir. Nous attendons des actes. Cela démarre mal : aucune concertation n’a ainsi été engagée avec les collectivités avant la présentation, fin septembre, du projet de loi sur les énergies renouvelables alors que les élus sont des acteurs essentiels dans ce domaine.  
 

• La santé doit-elle être décentralisée ?

C’est un droit fondamental qui doit rester géré au niveau national. Ce n’est pas la main invisible du marché qui permet une répartition harmonieuse des médecins sur le territoire national. Cinq millions de nos concitoyens n’ont pas de médecin traitant. C’est inacceptable. Je suis favorable à ce que l’état oriente les praticiens, à la sortie de leurs études, vers les zones déficitaires pendant deux à trois ans. Mais les collectivités sont parties prenantes de la santé à travers la multitude de dispositifs qu’elles mettent en place : contrat local de santé, maisons de santé, etc. De même, dans le domaine de la sécurité qui relève de l’état, les collectivités peuvent être dans une logique de coopération, dans le cadre du continuum de sécurité, mais certainement pas dans une logique de substitution.  
 

• La Première ministre propose d’élaborer un agenda territorial partagé avec les élus. Cela vous rassure-t-il ?

Nous allons mettre nos propositions à l’agenda. L’AMF a de quoi nourrir deux prochains quinquennats tant elle fourmille de propositions ! Seront-elles prises en compte ? Le gouvernement ne doit plus seulement nous écouter. Il doit nous entendre.
 

PLF 2023 : les élus mécontents
Le gouvernement a confirmé, le 26 septembre, devant le Comité des finances locales (CFL), la non indexation de la DGF sur l’inflation au bénéfice d’un dispositif destiné à stabiliser la dotation de chaque commune dont il n’a pas précisé le contenu.

La CVAE sera supprimée en deux ans (2023 et 2024) et la compensation de la perte de recettes aux collectivités serait indexée sur la TVA en prenant comme critère les bases de CFE.

Les collectivités ayant un budget supérieur à 40 millions d’euros devront limiter la progression de leurs dépenses de fonctionnement au niveau de l’inflation moins 0,5 %. Le dispositif sera précisé par un arrêté. L’AMF fustige une «recentralisation au mépris de l’autonomie des collectivités ».  


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Cet article a été publié dans l'édition :

n°405 - OCTOBRE 2022
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