Médiation : les maires ne peuvent pas tout régler
Interpellés par leurs administrés pour intervenir dans des conflits, le plus souvent de voisinage, les élus sont dans l'écoute pour désamorcer les tensions ou réorienter les personnes vers les bons interlocuteurs.

Pour Nathalie Perez-Leroux, maire de La Roque-Esclapon (245 habitants, Var), l’écoute est la première phase de la médiation et constitue déjà une bonne partie de la réponse aux problèmes : «c’est dire aux personnes : “je vous ai écoutés, je vous ai entendus et je vais voir ce que je peux mettre en œuvre”. »
Les élus constatent que si les habitants se tournent spontanément vers les maires, c’est parce qu’ils ont avant tout besoin de l’écoute d’une personne extérieure.
Le maire de Petit-Canal, en Guadeloupe (8 200 habitants), Blaise Mornal, explique ainsi recevoir les personnes mais il n’hésite pas non plus à se déplacer pour écouter, analyser la situation et s’assurer que la demande soit légitime.
Trouver un consensus
Le chien qui aboie, un autre qui vagabonde, les branches de l’arbre qui tombent chez le voisin, un empiétement sur une voie d’accès privée… «On intervient souvent pour des conflits classiques de voisinage mais ça peut être aussi un conflit avec un chasseur ou même du conseil juridique. Quand on se présente aux élections municipales, on sait que les sujets d’intervention vont être larges mais à ce point-là, c’est assez surprenant », relate Nathalie Perez-Leroux.
Blaise Mornal partage ce constat, précisant être fréquemment sollicité pour régler les litiges. «Je suis maire depuis dix ans et oui, ce rôle de médiateur est grandissant. Nous sommes vraiment des élus de proximité pour la population. » L’élu confie d’ailleurs être parfois appelé pour des conflits d’ordre privé, familiaux, comme un conflit au sein d’un couple en pleine séparation. «Lorsqu’on s’engage pour être maire, on ne s’attend pas à intervenir sur ce genre de situation. Il m’arrive alors de convoquer les deux parties pour trouver un consensus, pour que ça ne se dégrade pas ou qu’ils puissent gagner du temps en évitant d’aller devant les tribunaux. Je peux demander au mari ou à l’épouse d’accorder un délai supplémentaire à l’un ou à l’autre pour pouvoir s’organiser en attendant que les choses soient prononcées », explique le maire de Petit- Canal.
Nathalie Perez-Leroux le confirme : «On rentre plus dans l’intimité des personnes, sur des sujets dont on ne parlait pas auparavant, des sujets tabous, ce qui est nouveau. »
Dans les allées du 106e Congrès des maires de France et des présidents d’intercommunalité à Paris, en novembre dernier, les élus l’affirmaient : ce qui revient constamment, et les épuisent aussi parfois, ce sont les conflits de voisinage. Ils constatent unanimement une évolution des comportements, une tendance des personnes à s’énerver plus vite, à se parler et à s’écouter de moins en moins, sans prise de recul. «Le premier interlocuteur, c’est le maire ! », rapporte Nathalie Perez-Leroux. Mais pas toujours évident d’être dans la conciliation ou la médiation avec des personnes mécontentes, ou quand la tension est forte. Il faut alors faire preuve de pédagogie, prendre le temps d’expliquer, répéter les devoirs de chacun, rétablir le contact entre les individus, voire négocier parfois.
Ne pas dépasser certaines limites
Certains maires le reconnaissent, ils ne sont pas forcément toujours à l’aise, notamment dans les conflits familiaux, craignant aussi de ne pas «avoir les bons mots » ou «les bonnes réponses ». Pour Blaise Mornal, «il faut trouver une solution ». Il peut ainsi se faire accompagner de techniciens ou s’appuyer sur les autres élus, et notamment un élu de quartier qui va être plus proche de la personne ou de la famille. «Dans 85 % des cas, ça fonctionne. Les gens s’engagent à rectifier leur comportement, mais il arrive qu’il faille procéder à des rappels à la loi », explique-t-il.
« L’échange et le respect, c’est la base de la médiation. Même en étant fâché, quelle que soit la situation, il y a un cadre à respecter. Dès qu’il n’y a plus ce respect, des propos ou des comportements qui dépassent les limites, je me protège car cela ne sert à rien d’aller plus loin », concède le maire de Petit-Canal qui, en 2023, a été agressé par une administrée mécontente.
Les maires peuvent notamment s’appuyer sur la gendarmerie pour les aider, mais «vous êtes quand même globalement tout seul devant les personnes », confie Daniel Christel, maire de Saint-Désert (900 habitants, Saône-et-Loire, lire ci-dessous).
Gérard Fillon, maire de Beurey-sur-Saulx (420 habitants) et président de l’Association départementale des maires de la Meuse, pointe les limites et met en garde sur ce rôle de médiateur. «Les personnes peuvent effectivement venir nous faire part de difficultés. Pour des conflits classiques, je leur dis de se rencontrer et d’en discuter. Si ça ne marche pas, je leur donne les coordonnées du conciliateur (NDLR : lire ci-contre) qui est au tribunal judiciaire et je leur dis de le saisir. C’est son rôle, pas le nôtre. »
Les conflits familiaux ne relèvent pas non plus, selon lui, de la compétence du maire qui pourrait d’ailleurs même aggraver les choses. «Je suis maire depuis vingt-cinq ans et je me souviens qu’au début, j’intervenais. Il m’est arrivé de me retrouver à minuit au milieu de la rue en train de régler des conflits de fin de barbecue. Aujourd’hui, les recommandations que nous donnons aux élus, c’est de ne plus faire ça, parce que c’est trop aléatoire et trop dangereux. » Stéphanie Dumoulin, maire de Chauffailles (3 700 habitants, Saône-et-Loire), témoignait en 2021, dans nos colonnes (mairesdefrance.com/920), de son implication en tant que maire facilitateur : «Au début de mon mandat, il ne se passait pas une semaine sans que je sois amenée à intervenir dans des conflits de voisinage. C’était particulièrement chronophage. »
Quatre ans plus tard, la situation n’est plus la même. L’élue s’en étonne et s’en réjouit à la fois, et fait le lien avec le fait d’avoir pris le temps d’expliquer aux habitants que le maire ne peut pas tout régler, tout en orientant les personnes vers la police municipale et le conciliateur de justice. «Tout cela a porté ses fruits. » «Mais dans nos petites communes rurales, pour les personnes, ce conciliateur, ça reste le maire, parce qu’elles le connaissent et sont en confiance, constatait un maire croisé dans les allées du 106e Congrès de l’AMF, en novembre 2024. Et pour de simples différends, comme l’arbre qui gêne, je ne me vois pas les renvoyer vers un conciliateur ! »

Daniel Christel, maire de Saint-Désert
(900 habitants, Saône-et-Loire)
« Il est difficile de ne pas intervenir »
Cet article a été publié dans l'édition :
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