EPCI. Regards croisés de présidentes sur leur mandat
Peu nombreuses à la présidence d'EPCI, cinq élues, au parcours et à l'histoire différentes, témoignent de leur vécu à une fonction qu'elles jugent plus exigeante encore pour une femme. Échanges de vues.

Ces présidentes, tout autant que leurs confrères hommes, ne sont pas arrivées à cette fonction «par hasard ». La question de leur légitimité ne se pose pas à leurs yeux. Mais elles n’occultent pas le fait de devoir parfois jouer des coudes, s’imposer, se confronter encore à certains «archaïsmes ».
Présidente de la communauté de communes de la Sologne des Étangs (Loir-et-Cher, 12 communes, 8 816 habitants), Agnès Thibault, 63 ans, a été élue il y a deux ans dans un contexte particulier : «je suis maire d’un petit village, Marcilly-en-Gault, depuis 27 ans, et nous avons rejoint cette communauté en 2019. J’ai fait campagne parce que j’avais cette expérience et je voulais être présidente. Dans le Loir-et-Cher, nous sommes deux femmes à la présidence de communauté de communes et, je pense, un peu fières quand même. On commence à bien connaître les rouages de la territoriale et l’envie est d’aller plus loin, plus haut et de faire plus ».
Une envie et une vision que partage Pia Imbs, présidente de l’Eurométropole de Strasbourg (Bas-Rhin, 33 communes, 505 272 habitants), entrée en politique il y a six ans. «Mon élection à cette fonction en tant que femme sans étiquette et maire d’une petite commune, Holtzheim (3 733 habitants), a provoqué énormément de surprise. Beaucoup pensaient que ça ne pouvait pas être possible. Si j’y suis arrivée, c’est parce que j’ai rédigé, travaillé, porté une feuille de route au regard de ma vision de maire d’une petite commune en expliquant comment la Métropole pouvait être plus européenne, plus proche, plus transparente, plus participative… ».
Composer dans un univers masculin
Cette nécessité de s’inscrire dans une gouvernance partagée et dans la complémentarité (lire ci-contre) ne fait pas débat pour ces femmes présidentes. «Mon seul but, c’est de bosser avec tout le monde, avec des hommes et avec des femmes, et que ça marche. Ce n’est pas une question d’égalité mais d’entente et de complémentarité », affirme Agnès Thibault.
« On ne travaille plus au sein d’une intercommunalité comme on pouvait le faire il y a dix ou quinze ans, constate Nathalie Le Yondre, présidente du bureau des maires à la communauté d’agglomération du Bassin d’Arcachon Nord (Gironde, 8 communes, 70 862 habitants). Il est attendu aujourd’hui une vision plus partagée des missions et telle est bien ma volonté. Pour moi et pour la plupart de mes collègues maires, l’intercommunalité est un outil au service des communes et d’un territoire et nous partageons cette vision sur des sujets structurants. Le fait que nous soyons de plus en plus de femmes, avec des assemblées qui se féminisent, composées donc de personnalités multiples venant de divers horizons, avec parfois des tranches d’âges différentes, amène d’autres regards, des positions plus équilibrées et change aussi la vision des projets. »
Pour autant, les présidentes doivent encore aujourd’hui composer dans un environnement majoritairement masculin, avec ses avantages et ses désagréments. Seule femme parmi douze maires, Agnès Thibault se dit habituée à cette situation. «Je ne me suis jamais sentie inférieure. C’est une question de compétences. Le fait d’être une femme, je m’en sers aussi et peux en jouer, chacun ses armes. Mais il n’y a jamais d’ambiguïté avec moi. »
Pour Nathalie Le Yondre, «même si les clichés s’atténuent, ils sont encore bien existants… » Elle explique se protéger. «Dans mes réunions et dans mes prises de parole, je fais souvent “de l’auto-contrôle” parce qu’effectivement, je vais peut-être entendre certains qualificatifs que je ne souhaite pas avoir et qui ne reflètent pas la réalité. Ce qui peut être toléré d’un comportement masculin ne sera pas toléré de la même façon d’un comportement féminin. Un mandat d’élue, ça vous expose et ça peut vous toucher sur le plan personnel, même si dans les faits vous ne le laissez pas paraître. C’est pour cela qu’il faut aussi accompagner les jeunes élues. »
Irène Felix reconnaît avoir grandi dans un univers de codes masculins en se les appropriant, parfois même en les reproduisant. «J’ai 59 ans et, dans ma génération, on a fait avec et on continue de faire avec. Mais si j’ai un message, c’est que nous pouvons changer les règles du jeu. Je trouve très bien que les jeunes femmes d’aujourd’hui abordent ces questions différemment de ma génération. »
Une exigence accrue
À 38 ans, Véronique Pouzadoux, présidente de la communauté de communes Saint-Pourçain Sioule Limagne (Allier, 60 communes, 34 740 habitants) depuis 2017, confie aussi être dans le contrôle : «je porte mon rôle d’élue et j’en suis très fière, il n’y a pas de problème, mais je me suis mis un niveau d’exigence. Il est vrai que lorsque je suis dans mon territoire, j’ai une exigence de comportement. Tout est calculé pour ne jamais laisser la place à l’incertitude. Et j’ai toujours travaillé et maîtrisé mes dossiers parce que je ne veux pas être prise en défaut sur la compétence ».
Un trait commun à toutes ces présidentes d’EPCI qui reconnaissent s’ajouter certainement une exigence supplémentaire. «Notre goût et notre besoin de travailler beaucoup les dossiers, d’aller au fond des choses, c’est une force, mais je crois que nous nous adjoignons aussi une grande charge de travail pour toujours montrer que nous maîtrisons les dossiers, les sujets. Je reste aussi convaincue que les personnes, les élus autour de nous, continuent de demander plus aux femmes qu’aux hommes. Qu’il y a une plus grande exigence à notre égard », juge Pia Imbs.
« Il est vrai que les femmes se rajoutent aussi une exigence parce qu’on attend de nous sans doute d’être irréprochables partout, dans notre vie personnelle comme dans notre vie professionnelle, et on se met d’autant plus la pression. J’ai 56 ans, ça a toujours été le cas et ça l’est encore », avoue Nathalie Le Yondre. Et Pia Imbs d’ajouter : «pour être présidente, il faut avoir du courage, oser et avoir une grande confiance en soi, c’est de loin l’essentiel. J’aime cette image : labourer en profondeur et garder la tête dans les étoiles ! »

Véronique Pouzadoux, présidente de la communauté de communes Saint-Pourçain Sioule Limagne* (Allier, 60 communes,
34 740 habitants)
« Au sein de l’intercommunalité, il faut de l’humain. Nous avons créé ce contact humain à la communauté et la clé, pour moi, c’est un travail en confiance. Je pars du principe qu’on ne travaille bien qu’en collectif, parce qu’il y a tellement à faire dans nos collectivités. C’est aussi plus simple dans mon territoire parce qu’il n’y a pas ou très peu de jeux de pouvoirs. En milieu rural, nous n’avons pas ce “ luxe ” de nous diviser.
En tant que présidente, je suis le maillon pour que les maires puissent se rencontrer, pour que l’on puisse trouver des solutions ensemble. Nous avons besoin d’hommes et de femmes pour avoir un regard complémentaire et pour faire de bonnes politiques publiques, et il importe de garder nos différences. Mais parfois, il est nécessaire d’être un peu féministe. Mon expérience et mon vécu montrent qu’on nous pardonne beaucoup moins qu’à un homme. Tous les jours, dans nos actions, nous ne devons rien laisser passer. »
* Également maire de Gannat, présidente de l’Association des maires et des présidents d’intercommunalité de l’Allier.
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Cet article a été publié dans l'édition :
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