La gestion de fait
Le maniement de deniers publics par une personne n'ayant pas la qualité pour le faire constitue une violation du principe de séparation des ordonnateurs et des comptables.

I - Définition
La gestion de fait, qui ne constitue pas à proprement parler un délit dont la définition relèverait du Code pénal, correspond à une situation bien spécifique. Elle peut être définie d’une manière générale comme l’immixtion dans les fonctions de comptable public d’une personne n’ayant pas cette qualité. Aux termes de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963, la gestion de fait concerne plus précisément «toute personne qui, sans avoir la qualité de comptable public ou sans agir sous contrôle et pour le compte d’un comptable public, s’ingère dans le recouvrement de recettes affectées ou destinées à un organisme public », ou «reçoit ou manie directement ou indirectement des fonds ou valeurs extraits irrégulièrement de la caisse d’un organisme public ».
Le maniement de deniers publics par une personne n’ayant pas la qualité de comptable public constitue une violation du principe de séparation des ordonnateurs (les exécutifs locaux par exemple) et des comptables publics (qui manient les fonds, en tant que caissiers ou en tant que payeurs). La gestion de fait peut ainsi concerner des élus locaux, des agents ou encore des membres d’associations, voire des habitants.
En pratique, la gestion de fait repose sur deux éléments constitutifs cumulatifs :
• d’une part, l’opération budgétaire ou comptable doit porter sur des deniers publics ou des deniers privés règlementés ;
• d’autre part, les deniers doivent être manipulés par une personne dépourvue d’habilitation régulière.
II - Exemples concrets
Ont ainsi été considérés comme gestionnaires de fait :
• un maire ayant encaissé le produit de la location d’une salle des fêtes et de dons pour les reverser à une société de chasse (chambre régionale des comptes - CRC - Bourgogne, 1990) ;
• une bibliothécaire ayant encaissé les recettes de la bibliothèque municipale sans recourir à la création d’une régie municipale (chambre territoriale des comptes Polynésie française, 1993) ;
• un maire ayant encaissé les recettes d’un chalet-buvette (CRC Bourgogne-Franche-Comté, 26 octobre 2017). Dans cette affaire, le maire a été condamné à deux amendes de 10 000 euros chacune ainsi qu’au reversement à la commune des sommes indûment encaissées (11 668,60 euros).
À noter : le risque de gestion de fait se situe particulièrement dans les relations entre la commune et les associations dont le conseil d’administration est majoritairement composé d’élus et de personnels communaux, dès lors qu’elles encaissent des recettes afférentes à une activité organisée par la collectivité publique.
III - Sanctions
Toute personne en situation de gestion de fait peut être sanctionnée par une amende ainsi qu’au remboursement des sommes indûment maniées. Cette sanction est alors prononcée par le juge des comptes (chambres régionales et territoriales des comptes compétentes) sur le fondement de l’article L. 131-11 du Code des juridictions financières. En outre, l’article 433-12 du Code pénal rend passibles les comptables de fait de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende (Cass.crim, 21 mars 2018, 17-81.011).
Le Conseil constitutionnel a confirmé qu’il pouvait y avoir, en fonction des situations, cumul entre sanction pénale et sanction pour gestion de fait (décision QPC n°2020-838/839, 7 mai 2020).
Le Code général des collectivités territoriales prévoyait, jusqu’à il y a peu, que «le maire déclaré comptable de fait par un jugement du juge des comptes statuant définitivement est suspendu de sa qualité d’ordonnateur jusqu’à ce qu’il ait reçu quitus de sa gestion » (art. L. 2342-3). Cette disposition a cependant été abrogée par l’article 17 de l’ordonnance n° 2022-408 du 23 mars 2022 (lire ci-dessous).
Elle crée une infraction spécifique : «faute grave ayant causé un préjudice financier significatif dans l’application des règles relatives à l’exécution des recettes et des dépenses ou à la gestion des biens de l’État ou des collectivités territoriales ».
Cette qualification peut être appliquée aussi bien aux ordonnateurs qu’aux comptables. Le dispositif relatif à la gestion de fait est maintenu.
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Cet article a été publié dans l'édition :
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