Vent de colère pour les communes forestières
Les élus contestent une hausse des frais de garderie et une baisse des moyens de l'Office national des forêts qui menacent le régime forestier.
Adopté par le conseil d’administration (CA) de l’ONF, à une voix de majorité (celle prépondérante de son président, le préfet Jean-Yves Caullet), ce contrat prévoit la hausse de la contribution financière des 14 000 communes forestières au titre de ces frais de 7,5 millions d’euros en 2023 et 10 millions d’euros en 2024 et 2025, ainsi que la suppression de 500 postes à l’ONF.
Le président du CA de l’ONF a eu beau préciser, dans Maire info (édition du 5 juillet), que la hausse des frais de garderie est une «éventualité » qui devra être votée dans deux ans par le Parlement en loi de finances, et que les suppressions des postes à l’ONF «ne se feront pas au détriment du maillage de la gestion du régime forestier dans les territoires », le mal est fait. «Nous demandons une redéfinition du contrat État-ONF, la suppression de la hausse «hypothétique » des frais de garderie, une remise à plat des missions et des moyens dévolus à l’ONF », martèle Dominique Jarlier, maire de Rochefort-Montagne (63) et président de la FNCofor (lire ci-dessous).
Dominique Jarlier, maire de Rochefort-Montagne (63) et président de la FNCofor
Il est donc urgent que l’État définisse clairement les missions qu’il assigne à l’ONF – service public ou prestataire de services facturés aux communes ? –, et le dote de moyens conséquents pour garantir le service public forestier.
L’ONF est en difficulté financière depuis quinze ans. La hausse des frais de garderie serait un cautère sur une jambe de bois ! Il faut remettre à plat la gouvernance et le financement du régime forestier et l’adapter aux spécificités locales. »
La Fédération a non seulement voté contre le contrat mais elle continue, depuis l’été, d’appeler les communes à adopter des motions de soutien à ses demandes, tout en gelant les discussions avec l’ONF sur la signature d’une convention censée décliner le COP.
Baisse des coupes de bois
L’initiative est soutenue par l’AMF qui demandait dès 2019 à l’État, dans la résolution générale de son Congrès, la tenue d’assises « pour définir ensemble un plan de sauvegarde des forêts et la mise en œuvre d’une politique nationale ambitieuse en faveur de la filière forêt-bois ». Depuis plusieurs années, beaucoup de communes forestières connaissent un effet de ciseau : face au réchauffement climatique qui provoque le dépérissement de certaines essences, elles doivent engager une diversification et un repeuplement coûteux des massifs tout en accusant une baisse des recettes provenant de la vente du bois.
Cette situation concerne principalement les «forêts de rapport » situées notamment en Bourgogne-Franche-Comté, fortement dépendantes de la vente (30 % de leurs recettes budgétaires en moyenne) et touchées de plein fouet par les scolytes dues aux étés chauds et secs, qui détruisent les arbres, comme en témoigne Michel Bourgeois, président de l’Union régionale des communes forestières : «beaucoup de petites communes du Doubs, du Jura et de la Haute-Saône sont exsangues financièrement, explique le maire d’Entre-deux-Monts (39). Pour ma commune, le produit des ventes constituait 25 % du budget, il est tombé à 10 %. »
La situation est encore plus catastrophique dans les Vosges, à l’image de celle de la commune de Gigney où les quelques parcelles épargnées par une tornade survenue en 1984 ont été entièrement ravagées par les scolytes ! «Nous avons dû tout couper il y a deux ans et vendre le bois au dixième de sa valeur. Aujourd’hui, nous n’avons plus de bois à vendre et donc plus aucune recette, témoigne le maire, Jérôme Thomas qui préside aussi l’Association départementale des communes forestières. Il faudrait réinvestir pour replanter mais nous n’en avons pas les moyens. »
Dans ce contexte, la hausse des frais de garderie est jugée «intolérable » par les élus : «les communes forestières ont déjà subi de plein fouet la baisse de la DGF depuis 2015 qui a été calculée sur les recettes brutes des ventes de bois ! Elles ont donc largement acquitté la hausse des frais de garderie envisagée », estime Michel Bourgeois en précisant que l’adoption de motions par les communes contre cette décision «est en plein boom ! »
Les élus déplorent dans le même temps l’amoindrissement des moyens dévolus par l’État à l’ONF, partenaire historique dans l’entretien et la gestion (notamment la commercialisation) des forêts publiques. «Le gouvernement accélère depuis deux ans la disparition des emplois de terrain, notamment des ouvriers forestiers, mise à part dans les zones productives où l’enjeu économique lié aux ventes est fort, souligne Dominique Jarlier. Ceci se traduit par une baisse des missions d’intérêt général et de proximité. »
Donner des moyens à l’ONF
« Nous avons absolument besoin des agents de l’ONF pour préserver la biodiversité des massifs, assurer un rôle de surveillance contre l’incendie, les dépôts sauvages, les pratiques abusives en forêt telles que le quad ou la moto, confirme Francis Cros, président de l’Union régionale des collectivités forestières d’Occitanie et maire de La Salvetat-sur-Agout (34). Or, nous assistons depuis une dizaine d’années à une décrue régulière des effectifs de gardes forestiers et d’agents du patrimoine. Ceci menace la gestion durable de la forêt. On ne peut demander aux communes forestières de payer plus pour avoir moins de services et d’agents de l’ONF sur le terrain ! »
L’État semble avoir pris la mesure de la colère des élus : sur la suggestion du président de la FNCofor, il a annoncé, le 24 juillet, l’organisation d’« Assises de la forêt et du bois » qui devaient se tenir fin septembre ou en octobre. «Nous saluons cette initiative mais j’espère que l’État ne compte pas nous endormir avec des beaux discours, souligne Dominique Jarlier.
Aucun échange n’est prévu à ce stade sur les relations ONF-communes forestières. » Le gouvernement annonce aussi augmenter de 100 millions d'euros les moyens dévolus aux différents dispositifs de soutien à la filière forêt et bois dans le cadre du plan France relance, qui lui affectait déjà 200 millions d’euros. La FNCofor, qui tiendra son CA le 12 octobre et son assemblée générale le 20 octobre, maintient cependant la pression sur l’État.
Deux éléments de sa réponse ont de quoi inquiéter les élus des communes forestières. D’une part, Julien Denormandie demande à l’ONF de poursuivre «un effort de réduction de ses charges » notamment en matière d’emploi. D’autre part, il indique qu’« un soutien complémentaire des communes propriétaires de forêts sera sollicité, dans une logique de transparence des coûts de gestion et de juste rémunération des missions que l’établissement porte dans leurs forêts » !
Une manière de confirmer la hausse des frais de garderie prévue par le COP et rejetée par les élus.
Cet article a été publié dans l'édition :
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