Sport : l'accès aux crédits reste une course d'obstacles
Le changement de gouvernance du sport en France avec la création, en 2019, de l'Agence nationale, des conférences régionales du sport et des conférences des financeurs auxquelles participent les collectivités locales, doit faciliter les cofinancements des projets et donc le montage des projets. La mise en place des instances territoriales a pris du retard.

objectifs : soutenir le sport de haut niveau en vue des Jeux olympiques et paralympiques de 2024, développer la pratique sportive dans tout le pays.
Une gouvernance dorénavant partagée entre quatre acteurs (État, collectivités territoriales, mouvement sportif, monde économique et social) au niveau national, au sein de l’Agence. Et, au niveau local, dans les conférences régionales du sport (CRdS) et dans les conférences des financeurs (CF).
L’ANS étudie les gros projets structurants pour le pays et ceux qui sont au-delà d’un certain montant. Dans ces cas, les dossiers sont à déposer auprès de l’ANS. Les crédits (auparavant accordés par les commissions de l’ex-Centre national du sport) relevant des enveloppes régionales de l’ANS sont désormais confiés aux conférences régionales du sport, par l’intermédiaire des Délégations régionales académiques de la jeunesse, de l’engagement et des sports, dites Drajes, sous l’autorité des préfets de région (délégués territoriaux de l’Agence). Ces crédits permettent de financer les projets locaux.
Par exemple, pour le programme national 5 000 équipements de proximité, les crédits sont débloqués, souvent lors d’appels à projets, au niveau national pour les fédérations qui souhaitent construire des équipements en nombre, et au niveau régional pour les collectivités qui auraient des projets correspondant à ce programme. Ces crédits peuvent être conditionnés à certains critères (comme avoir conclu un contrat de relance et de transition écologique). Ils n’excluent pas l’apport d’autres financements de l’État (dotation de soutien à l’investissement local – DSIL, dotation d’équipement des territoires ruraux – DETR) ou de la part d’autres collectivités, du sponsoring privé ou de fédérations sportives (la Fédération française de football finance, par exemple, 200 nouveaux équipements entrant dans le cadre du programme 5 000 équipements et la création de 400 emplois).
Conférences des financeurs :
quel lien avec le projet sportif territorial ?
Les CRdS doivent réaliser des diagnostics des politiques et installations sportives de leur territoire, véritable «vision de tout l’écosystème sportif : existant, possibilités, lacunes, risques, afin d’établir un projet sportif territorial (PST). À partir de ce diagnostic, sont déterminées des priorités d’action sur cinq ans ainsi que les modalités de suivi et d’évaluation », précise Anne-Lise Titon, conseillère chargée des territoires à l’ANS. Tous ces éléments constituent le préalable au PST régional que la CRdS adopte en séance plénière. Le PST sert en quelque sorte de référentiel à la conférence des financeurs pour étudier les dossiers de demandes de subventions.
Ces conférences des financeurs étudient un dossier uniquement s’il entre dans les priorités », déterminées par le PST, avertit Anne-Lise Titon. Le PST «n’est pas prescriptif, il est incitatif », précise David Lazarus, maire de Chambly (10 280 habitants, Oise), co-président du groupe de travail sport de l’AMF et vice-président du collège des collectivités locales au sein de l’ANS.
Sur le terrain, la mise en place de cette nouvelle organisation a pris du retard en raison de la crise du Covid, des élections locales et du long délai de publication de textes réglementaires. Fin juin 2022, soit plus de trois ans après la réforme, 14 CRdS étaient installées et seulement deux CF (en Centre-Val de Loire et en Île-de-France ; la région Provence-Alpes-Côte d’Azur devait installer la sienne début juillet). Autant dire que le dispositif ne tourne pas encore à plein régime. Loin de là. Il reste même assez nébuleux, y compris pour les maires qui suivent localement le sujet.
Des comités transitoires
Le fonctionnement de ces instances et l’implication des acteurs locaux sont tout à fait variables. Exemple en Bretagne. La CRdS est en place, mais sans CF. Un bureau temporaire travaille sur le diagnostic et le PST est en passe d’être finalisé. La conférence des financeurs ne sera installée qu’après adoption du PST, conformément au décret n° 2020-1280 du 20 octobre 2020. En attendant, les projets sont validés au sein d’une CRdS allégée (quelques membres) avec la Drajes, devenu un acteur majeur dans le fonctionnement du système sportif français depuis 2019. Les Drajes sont placées sous l’autorité des recteurs de région académique et rattachés fonctionnellement aux préfets de région, délégués territoriaux de l’ANS.
Les Drajes «constituent la porte d’entrée administrative » pour toutes les demandes de subventions, explique David Lazarus. «Les Drajes ne sont pas des instances de débat. Elles étudient et préparent les dossiers. La conférence des financeurs se prononce », précise-t-il. «Sans conférence des financeurs, un comité technique transitoire doit, sous l’autorité du préfet de région, consulter les quatre collèges [État, collectivités, mouvement sportif, monde économique]. Le préfet devrait échanger avec chacun de leurs représentants. Nous souhaitons que ces commissions transitoires soient élargies, revendique David Lazarus, pour qu’il n’y ait plus un seul représentant des collectivités, mais quatre. » Une position que rejoint l’Association nationale des élus du sport (Andes).
Pour le moment, «ce sont essentiellement les Drajes qui affectent les crédits, note Vincent Saulnier, maire délégué à Château-Gontier-sur-Mayenne (17 616 hab., Mayenne) et secrétaire général de l’Andes. Elles assurent aussi le secrétariat de la plupart des conférences régionales du sport. Nous souhaitons la mise en place de commissions transitoires techniques et financières regroupant les Drajes et les quatre collèges. Elles pourraient assurer le suivi, la mise en œuvre et les cofinancements croisés. C’est ce que nous avons fait dans les Pays de la Loire sur la prévention des violences dans le sport. Nous travaillons pour essaimer ce modèle. Ces commissions seraient en quelque sorte une préfiguration des conférences des financeurs. »
Les Hauts-de-France et la région Auvergne-Rhône-Alpes seraient sur le point d’adopter ce modèle.
Seulement, il semblerait aujourd’hui que ces comités techniques transitoires n’existent pas partout, en tout cas pas dans le format avec les quatre collèges. Certains comités travailleraient en format restreint avec le préfet de région, la Drajes et le mouvement sportif… Les collectivités seraient donc écartées des échanges. L’ANS a prévu d’investiguer car ce fonctionnement aurait pour effet de reproduire plus ou moins l’ancien système lorsqu’existait encore le CNDS, dans lequel l’État décidait de l’affectation des crédits.
Dans les conférences des financeurs installées, comme celle du Centre-Val de Loire, comment cela fonctionne-t-il ?
« Nous, services de l’État, regardons les sujets prioritaires [par rapport au PST] entre nous et essayons de voir comment partager les crédits entre les différents projets, explique Rodolphe Legendre, le délégué régional académique (Drajes) et secrétaire général de la conférence régionale du sport Centre-Val de Loire. Nous attendons des têtes de réseaux (AMF, ANDES, entreprises, mouvement sportif) qu’ils en fassent autant. Nous confrontons les dossiers lors des commissions techniques qui se réunissent en préambule de la conférence des financeurs. Par exemple, une salle polyvalente qui fait aussi gymnase entre dans divers schémas de cohérence et de priorités de l’ANS, de l’État, des entreprises qui cherchent un créneau entre 12h00 et 14h00 pour leurs salariés, des collectivités qui sont dépourvues d’installations. L’ensemble des parties fait le coportage financier. Objectif : optimiser [et réunir] tous les cofinancements possibles. L’État se mobilise pour aller chercher tous les crédits [au sein de ses services]. Nous attendons que les collectivités en fassent autant de leur côté. Un conseil départemental a, par exemple, lors de notre réunion du 24 mai, été intéressé par le projet de salle polyvalente et a, à cette occasion, découvert d’autres projets qu’il a décidés de cofinancer (cinq à six en tout). »
Logique de cofinancement
La nouvelle stratégie nationale pour le sport se fonde sur la logique du cofinancement des projets pour permettre d’optimiser les subventions. Surtout, elle assure désormais un échange entre les potentiels financeurs représentants les quatre collèges. «C’est le changement fondamental ! », se félicite David Lazarus.
« Avec le CNDS et ses déclinaisons territoriales, c’étaient les préfets qui listaient les financements. Les collectivités étaient très peu consultées. Dorénavant, elles participent à la conférence de financeurs et les président. » Sous-entendu, elles ont maintenant leur mot à dire.
« La nouveauté [par rapport au CNDS] est que ces crédits ANS régionalisés sont apportés à la table des conférences des financeurs et peuvent donc être complétés par des cofinancements, détaille Anne-Lise Titon, de l’ANS. L’objectif est d’aboutir à des logiques de financement plus efficaces. [Pour le moment], les porteurs d’un projet vont demander des subventions à l’ANS, à une collectivité, à un établissement public de coopération intercommunale... On travaille en silo. Mais à terme, nous souhaitons aboutir à un guichet unique, même si cela va être long et compliqué. Nous voulons permettre une meilleure visibilité et lisibilité aux porteurs de projets, et sortir de cette logique de silo. Il ne s’agit pas de financer plus, mais de financer mieux. Certains acteurs sont des spécialistes des subventions et savent aller chercher les aides. Nous voulons aider ceux qui ne savent pas en mutualisant et en rationalisant. » Comme les petites collectivités.
Pour l’heure, l’accès à ces crédits relève encore du chemin de croix pour les petites communes. «Je ne suis au courant [de l’existence des crédits ANS] que parce que je suis dans le groupe de travail sport de l’AMF, membre de la conférence régionale du sport, vice-présidente aux sports de l’agglomération et que je m’y intéresse, témoigne Noëlle Chenot, maire de Surzur (4 429 hab., Morbihan). Et j’ai de la chance : nous avons un ingénieur en aménagement du territoire qui est allé chercher les aides et a trouvé des astuces » pour que le projet de la commune puisse en bénéficier.
La maire fait construire plusieurs équipements (pump track, équipements de fitness, padel tennis). «Nous avons obtenu 70 % de subventions (DETR, DSIL, ANS, agglomération). Raison pour laquelle nous pouvons faire. Sinon, cela n’aurait pas été possible, nous n’avions pas de financement du département ni de la région. Mais c’est une usine à gaz. Rien que le montage du dossier [pour les crédits de l’Agence nationale du sport] nous a pris un mois… Pour les élus, qui plus est novices comme moi, c’est illisible. Je suis pourtant fonctionnaire de métier et je gère un établissement, donc je suis habituée à l’administratif. Autour de la commune, les petites collectivités ne se lancent pas dans ce genre de montage de dossier. Souvent, leurs élus ne connaissent pas l’existence de la conférence régionale du sport. En outre, les petites collectivités manquent de ressources humaines pour le faire. Une secrétaire de mairie n’a pas le temps. Cela retombe sur les élus. Il faudrait un portail unique sur lequel les maires pourraient demander toutes les subventions : DTER, DSIL, ANS, etc. »
Ce témoignage n’est qu’un parmi d’autres. Même dans de plus grandes villes comme Niort (61 027 hab., Deux-Sèvres), les élus rencontrent nombre de difficultés pour s’approprier cette nouvelle gouvernance. Or, l’enjeu est grand si les élus, notamment du bloc local, qui figurent parmi les principaux financeurs des équipements sportifs, ne veulent pas à nouveau être écartés des choix.

David Lazarus, maire de Chambly
(10 280 hab., Oise), co-président du groupe de travail sport de l’AMF et vice-président du collège des collectivités au sein de l’Agence nationale du sport (ANS)
« Faciliter le dialogue
entre tous les acteurs »
Rapportés aux 9,3 milliards d’euros annuels dépensés par les collectivités pour le sport, selon l’Association nationale des élus du sport (Andes), les crédits restent «insuffisants sur les équipements structurants, juge Vincent Saulnier, secrétaire général de l’Andes. Le “ plan 5 000 équipements de proximité ” de 200 millions d’euros sur trois ans et l’effort sur la rénovation énergétique sont de bons signaux, estime-t-il. Mais nous militons pour un plan Marshall des équipements. Dans les Pays de la Loire, nous avons un budget de 648 000 euros, les demandes d’aide s’élèvent à plus de 11 millions d’euros. Les moyens sont déconnectés de la réalité des territoires et des effets leviers nécessaires. »
Les besoins du sport pourtant évoluent profondément (réchauffement climatique, pratiques autonomes, sport-santé…), selon une étude de mai 2022. www.agencedusport.fr
• *La nouvelle gouvernance du sport a été mise en œuvre à travers la création de l’Agence nationale du sport (www.agencedusport.fr), le 24 avril 2019. Quatre associations d’élus y ont participé : l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité, Régions de France, l’Assemblée des départements de France, France urbaine.
• Les contacts des membres (élus compris) des CRdS sont disponibles sur le site de l’ANS (rubrique «Sport en territoires »).
• Lire la note «Politique d’intervention en faveur des équipements sportifs structurants » ; le «Guide pratique : plan 5 000 équipements de proximité ».
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Cet article a été publié dans l'édition :
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