Incendies, sécheresse : gérer la forêt autrement
Le réchauffement climatique impose une gestion rigoureuse du foncier et des plantations.

Pour surveiller le bon entretien d’espaces forestiers, classés comme tels ou non, les élus doivent avoir une vision claire de qui possède quoi, ce qui est souvent une gageure, nombre d’espaces forestiers s’étant développés sur d’anciennes parcelles agricoles ou viticoles, avec une multitude de propriétaires qui se sont souvent perdus au gré des générations.
La Fédération nationale des communes forestières (FNCOFOR) aide les élus : depuis trois ans, elle a mis en place un observatoire opérationnel sur cinq régions et en cours d’installation sur deux autres qui permet, sur la base des données cadastrales et fiscales, une analyse complète du foncier forestier et des parcelles forestières abandonnées grâce au croisement avec des données de l’IGN.
Objectif : permettre aux communes de disposer d’une meilleure visibilité du potentiel foncier de leur territoire pour engager des stratégies de restructuration permettant notamment de mieux lutter contre les risques (notamment incendies), en adoptant une cohérence de gestion entre forêts privées et publiques. La commune peut décider d’intégrer ces parcelles abandonnées au patrimoine communal et donc les soumettre au régime forestier en impliquant l’Office national des forêts (ONF), ou de les proposer à la vente ou à l’échange avec des propriétaires privés.
La FNCOFOR a publié un guide à l’attention des élus. Cette démarche s’impose car le chef de l’État a mis la pression sur les élus, fin octobre (lire ci-dessous).
Entretenir le foncier
Il existe aussi des possibilités d’intervenir sans mener d’opérations complexes : la constitution d’associations foncières pastorales libres (AFPL) permet de mettre en rapport des propriétaires forestiers et des éleveurs dont les bêtes vont entretenir les broussailles et les sous-bois, prévenant ainsi les départs de feux.
Sur les communes de Bouziès (93 hab.) et de Saint-Cirq-Lapopie (202 hab.), dans le Lot, 180 hectares avaient été consumés en 1984 ; moins de trente ans plus tard, en 2011, elles ont constitué une AFPL avec l’aide du conseil départemental, qui accompagne les communes sur ce plan. Elle gère 563 hectares dont 300 sont actuellement pâturés – «car il manque des financements pour l’installation de parcs à moutons supplémentaires », explique Michèle Folichon, première adjointe au maire de Bouziès et présidente de l’AFPL. 38 propriétaires sont adhérents, et une quinzaine d’autres ont donné une autorisation de pâturage sur leurs terres.
C’est aussi une solution gagnante pour eux car les parcelles en bordure des habitations sont soumises aux obligations légales de débroussaillement (OLD), ce dont les moutons s’occupent à leur place. «Pour l’éleveur aussi, c’est un apport de ressources, et les chasseurs ont constaté une hausse du grand gibier, qui apprécie les clairières », rapporte l’élue. Plusieurs parcs sont disposés le long de la future piste d’accès définie dans le plan de défense des forêts contre l’incendie (DFCI). Les résultats sont déjà probants : un feu qui s’est déclenché l’an dernier sur la commune a été vite circonscrit et n’a détruit que trois hectares.
La sensibilisation des citoyens, et notamment des jeunes, à la culture du risque est aussi essentielle – neuf incendies sur dix sont dus à des causes humaines. Lamanon (2 078 hab., Bouches-du-Rhône) fait partie des communes qui ont mis en place l’opération «La forêt fait école », lancée par la FNCOFOR, qui a pour principe de confier aux enfants la gestion d’une parcelle de forêt – ici, 21 hectares principalement plantés de pins d’Alep.
« Nous avons choisi le thème de la défense contre les incendies. Les enfants passent des demi-journées en forêt, puis y montent une expédition avec leurs parents et les élus », témoigne Christian Delavet, président des communes forestières du département. À la fin de l’année, après avoir également visité une caserne de pompiers, les élèves de CM1 et CM2 ont réalisé une exposition rappelant les gestes de prudence à observer en forêt, et la réaction à avoir en cas de départ de feu. «Le message est largement diffusé au-delà de l’école », assure l’élu.
Replanter avec les enfants
Lui-même avait failli mourir dans le grand incendie de 1989, qui avait ravagé 5 000 hectares de forêt sur la montagne Sainte-Victoire, et a «rebattu les cartes » en poussant à la création des premiers plans intercommunaux de débroussaillement et d’aménagement forestier (lire Maires de France, novembre 2022, pp. 74-75).
À Carros (12 686 hab., Alpes-Maritimes), commune dévastée par un incendie très virulent en 2017, le maire a souhaité associer les enfants à la replantation de la forêt, en partenariat avec l’ONF (lire ci-contre). C’est également le cas à Ligny-en-Barrois (4 153 hab., Meuse), où la forêt a été victime non pas d’incendies mais d’une autre conséquence du réchauffement global : le scolyte, un parasite qui s’est attaqué notamment aux épicéas, au départ surtout dans le Grand Est, mais gagne désormais les autres régions. Selon l’ONF, depuis 2018, plus de 300 000 hectares de forêt publique ont été dévastés par les parasites, les champignons et la sécheresse, à mettre en rapport avec les 70 000 hectares brûlés en 2022.
À Ligny-en-Barrois, les collégiens de la section d’enseignement adapté (SEGPA) participent à la production de plants de cèdres et de cormiers, «une essence d’origine méditerranéenne très prometteuse dans le cadre du réchauffement climatique », selon Fabrice Varinot, l’adjoint au maire à l’environnement. Dans les dix ans à venir, ce sont les jeunes du centre éducatif renforcé, situé sur la commune, qui prendront aussi part à l’entretien des parcelles et à la plantation des nouvelles essences, dans le cadre d’une «régénération naturelle acquise », explique l’élu. Un processus «validé par les recherches de l’ONF et du Centre national de la propriété forestière (CNPF) », qui est le pendant privé de l’Office.
« Nous réduirons le morcellement des terres qui conduit à une dilution des responsabilités », a-t-il souligné. Le chef de l’État a promis «un dispositif de soutien à la reconstitution des forêts incendiées » et veut «replanter un milliard d’arbres en dix ans », en adaptant les essences au changement climatique, sans évoquer de financement précis. Il a appelé à «massifier le nombre d’hectares soumis à un plan de gestion durable », sans parler du manque de moyens de l’ONF chargé d’établir ces plans.

Yannick Bernard, maire de Carros (12 686 hab., Alpes-Maritimes)
« Choisir les essences adaptées »
Nous avons beaucoup travaillé avec l’Office national des forêts (ONF) pour le choix des essences adaptées au réchauffement climatique : cormier, merisier, sorbier des oiseleurs, charme houblon… Nous avons voulu y associer les 1 600 enfants de la commune, qui ont chacun planté leur arbre, pour qu’ils sachent qu’on ne replante pas n’importe quoi n’importe où, et qu’ils comprennent l’importance de préserver la forêt. L’ONF a aussi planté une dizaine d’hectares près des habitations pour le compte de grands producteurs de carbone, comme l’aéroport de Nice. »
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