Aveyron : tous soudés pour sauver une fonderie
Dans le bassin de Decazeville (5 300 hab., Aveyron), la fermeture de la Société aveyronnaise de métallurgie mobilise les élus, qui se battent, depuis fin 2021, aux côtés des salariés, pour une reprise du site.

La commune d’Aubin (3 800 hab.), membre tout comme Viviez de Decazeville communauté, est, quant à elle, située à 4 km du site. Son maire, Laurent Alexandre, explique que 41 familles sont directement concernées par la fermeture de la SAM, sans compter les emplois indirects et les prestataires. « Tout le monde est effondré, raconte-t-il. Depuis les années 1960, on plie nos industries, les services publics ferment… C’est inacceptable. »
Au-delà de ces communes, l’ensemble du bassin se désespère : « Cette nouvelle catastrophique représente un coût terrible pour notre territoire, dénonce François Marty, maire de Decazeville et président de Decazeville communauté. En 50 ans, notre ville est passée de 10 000 à 5 300 habitants… Et notre EPCI va perdre environ 400 000 € de taxes par an. Cet énorme manque à gagner impactera nos investissements et donc les perspectives d’emploi. »
Dès l’annonce de cette liquidation, les élus se sont mobilisés. « Les salariés de la SAM attendent que l’on se batte avec eux. Ils nous demandent un soutien politique. Ils veulent vivre de leur travail, explique Laurent Alexandre. Nous, élus, sommes partie prenante dans cette crise. » Ensemble, ils ont manifesté à plusieurs reprises aux côtés des salariés, interpellé le conseil régional d’Occitanie, multiplié les courriers à l’état pour trouver un repreneur : « Tous les élus sont montés au créneau, quelle que soit leur tendance politique », raconte François Marty. Des ministres se sont rendus sur place tandis que « les élus locaux sont montés plusieurs fois à Paris pour rencontrer des officiels. Depuis l’annonce de cette fermeture, il n’y a pas eu un jour sans que je passe du temps sur ce dossier. »
Solidarité avec les salariés
Le 7 janvier 2022, une trentaine de maires, adjoints, conseillers municipaux et départementaux accrochaient symboliquement leurs écharpes tricolores devant l’usine afin de protester contre l’inertie du gouvernement. « C’était un geste fort visant à réveiller nos politiques », explique Laurent Alexandre. Les salariés de la SAM, eux, se relayaient dans l’usine depuis l’annonce de la liquidation judiciaire, afin que l’outil industriel ne soit pas vendu aux enchères.
Saisi par les mandataires liquidateurs, début mars, le tribunal de Rodez leur avait ordonné, le 29 mars, de libérer les lieux au plus tard le 5 avril, jugeant cette occupation illicite. C’est le 25 avril que les salariés ont mis fin à l’occupation du site. Une cagnotte a été mise en place pour les soutenir : chacun peut y contribuer, sur ses deniers personnels, et les élus n’ont pas hésité à y participer.
À Aubin, une subvention exceptionnelle a été votée par le conseil municipal, en décembre, pour les salariés de la SAM qui résident dans le village. « Cette aide, qui s’élève à 3 800 €, soit 1 € par habitant, sera versée à l’organisation syndicale de l’usine et va servir à l’ensemble des salariés », précise Laurent Alexandre. Decazeville s’apprête également à voter une subvention communale.
Au-delà de ces aides politiques et financières, les élus soutiennent moralement les salariés : « Je passe les voir plusieurs fois par semaine, poursuit Laurent Alexandre. Prendre du temps à leurs côtés nous permet d’entendre leur colère, leur désarroi et leur amener un peu d’espoir. » Après 154 jours d’occupation de l’usine, l’espoir est en effet bien là : une fonderie du Lot souhaite investir sur ce site (lire ci-dessous). Les études vont être lancées. Une décision devrait être prise en juin-juillet.

Jean-Louis Denoit,
maire de Viviez (12)
« Cette annonce est un coup
de poignard »
Cette fonderie se situe sur un site de six hectares à cheval sur la commune de Decazeville et notre village. Elle représente l’une des dernières usines importantes de notre bassin, si ce n’est la dernière. Une trentaine de familles de Viviez sont touchées par la fermeture de cette fonderie.
Nous ne subissons pas encore de répercussions, par exemple sur nos commerces ou nos écoles. Mais de tels problèmes risquent de surgir d’ici deux ou trois ans et concerner l’ensemble du territoire.
• Comment avez-vous vécu l’annonce de cette fermeture ?
Depuis cinq ans, cette entreprise traverse de nombreuses difficultés, avec notamment le rachat catastrophique par un groupe chinois (NDLR : la SAM avait été placée en redressement judiciaire une première fois en 2016, avant d’être rachetée par un groupe chinois, parti en 2019). Alors qu’elle comptait autrefois une cinquantaine de clients, la SAM est progressivement entrée dans un entonnoir pour ne plus dépendre que de Renault. Moi qui suis maire depuis 2001, je n’ai donc pas du tout été surpris de l’évolution de la situation.
Il n’empêche que nous avons reçu cette annonce comme un coup de poignard. Dans ce territoire né du charbon, tant d’entreprises ont déjà mis la clé sous la porte ! C’est un coup supplémentaire porté à notre tissu économique. Imaginez : nous en sommes à la troisième génération de salariés mis dehors.
• Comment vous êtes-vous impliqué dans ce dossier ?
Avec d’autres élus, nous sommes allés au ministère de l’économie en décembre et nous avons activé nos réseaux pour tenter de faire avancer toutes les pistes de reprise pour ce site. Nous avons également alimenté, avec nos fonds personnels, une cagnotte pour les salariés de la SAM. Ici, la culture du travail demeure une valeur vivace, et j’espère que ce dossier va pouvoir vite rebondir.
La région Occitanie : le conseil régional s’est investi dans ce dossier dès la fin novembre, notamment dans la recherche d’éventuels repreneurs. Le 18 février, la commission permanente de la région votait une aide de 1,2 million d’euros pour la réalisation d’études concernant le projet de création d’une nouvelle unité de production sur le site de la SAM.
Les salariés de la SAM : dès l’annonce de la fermeture, ils ont occupé jour et nuit leur usine. Cette présence a permis de faciliter les contacts avec les élus et les médias, de peser dans les discussions avec les pouvoirs publics et de préserver leur outil de travail. Les lieux ont été libérés le 25 avril, après 154 jours d’occupation.
D’ici à juin 2022, des investissements supérieurs à 90 M€ sur trois ans seront lancés, sur une vingtaine de projets industriels afin de créer, dès cette année, 150 emplois. Enfin, la région (à hauteur d’1,2 M€) et l’état (200 000 €) soutiennent l’étude d’une reprise partielle du site de la SAM par le groupe lotois MH Industries, tandis que Business France, structure chargée de la promotion et du développement des entreprises françaises, contactera 200 entreprises à travers le monde pour leur présenter ce site industriel aveyronnais. Objectif : une réouverture de la fonderie en 2023.
Suivez Maires de France sur Twitter: @Maires_deFrance
Cet article a été publié dans l'édition :
- Le maire et le sentier
- Télétravail : l'accord-cadre publié
- Les quartiers populaires ne veulent pas être les oubliés du prochain quinquennat
- Faut-il créer un service public de la petite enfance ?
- Bruxelles veut mieux protéger les indications géographiques
- Ruralité : Leader, un instrument pertinent
- Politique de cohésion : retard à l'allumage
- Accueil des Ukrainiens : financement des projets
- Pollution urbaine : doit mieux faire
- Europe : rendez-vous ruraux
- Observer les forêts pour mieux les protéger
- AMF 69 - Printemps des cimetières
- Andam - Congrès 2022
- AD 41 - Congrès
- AD 51 - Salon régional
- AD 69 - Congrès 2022
- Urbanisme. Le ZAN est un casse-tête pour les élus locaux
- Puy-de-Dôme. Un fleuron industriel revit
- Loi " 3DS ". Les dispositions en matière d'urbanisme
- « Quelles sont les modalités de mise en commun des agents de police municipale entre communes ? »
- L'intercommunalité en 2022 : le nombre d'EPCI stabilisé
- Loi 3DS : tout savoir sur le volet intercommunal
- Compensation de taxe d'habitation : l'État doit revoir sa copie
- ADGCF, Intercommunalités de France, AMF : les événements à retenir
- France Services. Des structures utiles à conforter
- Friches. Comment s'approprier ces gisements fonciers
- Se séparer à l'amiable d'un agent titulaire de la fonction publique
- Précarité menstruelle. Saint-Georges-de-Commiers brise les tabous
- Il héberge les victimes de violences conjugales
- Aveyron : tous soudés pour sauver une fonderie
- Maîtriser les dépenses d'énergie
- Référent handicap : une mise en place obligatoire
- La dématérialisation de la publicité des actes des collectivités
- Travailler avec... le réseau de l'AFPA
- Favoriser la pratique du vélo
- Patrimoine : un outil d'aide à la restauration
- Travaux à proximité des réseaux : limiter les risques
- Savoir rouler à vélo : tout un programme !
- Portez le Bleuet de France !
- Précarité à l'école : lever les freins
- Meublés de tourisme : y voir plus clair
- Le maire et les animaux
- Textes officiels - Réforme du régime de responsabilité financière des comptables publics
- Textes officiels - Généralisation de la médiation préalable obligatoire
- Textes officiels - Six mois pour demander le transfert d'une route nationale
- Textes officiels - Expérimentation sur la «réservation de repas » dans les cantines scolaires
- L'AMF vous répond - Comment les maires peuvent-ils bénéficier du dispositif " Maire Alerte " ?
- L'AMF vous répond - CDD : une collectivité peut-elle verser une indemnité de fin de contrat ?
- L'AMF vous répond - Comment la dotation élu local est-elle attribuée ?
- Trait de côte : l'ordonnance est parue
- Commande publique : adaptation des règles
- Hôtel de tourisme : nouveau classement
- Les terrasses chauffées désormais interdites
- La publicité des actes des communes de plus de 3 500 habitants sont à dématérialiser
- Machine à voter : règlementation
- Maires-procureurs : une relation à développer
- Prévenir la prise illégale d'intérêts
Maires de France est le magazine de référence des maires et élus locaux. Chaque mois, il vous permet de décrypter l'actualité, de partager vos solutions de gestion et vous accompagne dans l'exercice de votre mandat. Son site Internet, mairesdefrance.com, vous permet d’accéder à toute l'information dont vous avez besoin, où vous voulez, quand vous voulez et sur le support de votre choix (ordinateur, tablette, smartphone, ...).