La réforme de la lutte contre l'habitat indigne
Les dispositions législatives et réglementaires concernant la lutte contre l'habitat indigne ont été profondément modifiées depuis le 1er janvier 2021.
Fusion des polices, définition des autorités compétentes et transferts
• La nouvelle police de sécurité et salubrité. Depuis le 1er janvier 2021, quatre des cinq anciennes polices spéciales de l’habitat indigne sont regroupées dans une seule police dite de la sécurité et salubrité des immeubles, locaux et installations, au sein du Code de la construction et de l’habitation (L. 511-1 à L. 511-22 du CCH). Les situations que recouvre cette nouvelle police sont établies en détail au nouvel article L. 511-2 du CCH. Par défaut et sans délégation, tous les points listés, sauf l’insalubrité, relèvent de la compétence de la commune ou du président de l’EPCI si la compétence lui a été transférée.
• Le transfert des polices spéciales de la commune à l’EPCI. Les modalités de transfert des polices spéciales en matière d’habitat indigne ont été modifiées au 1er janvier 2021. Le transfert automatique à l’EPCI se fait toujours en bloc et concerne :
• la police visée par l’article L. 5211-9-2 du Code général des collectivités territoriales (CGCT, police relevant de la sécurité ERP à usage d’hébergement, articles L. 184-1 et suivants du CCH),
• la nouvelle police administrative spéciale de la sécurité et de la salubrité des immeubles, locaux et installations (dont la seule partie transférable est celle relevant de la compétence du maire).
Sont concernés par le transfert automatique : les métropoles, communautés urbaines, d’agglomération et de communes, sous réserve pour ces dernières qu’elles disposent d’une compétence habitat. Le président de la communauté peut renoncer à exercer cette police si la moitié des maires se sont opposés au transfert ou si les maires qui s’y sont opposés représentent au moins 50 % de la population de la communauté.
Nouvelles procédures
De nouvelles procédures ont été instituées pour les maires face aux situations qui relèvent de leurs compétences.
• Pouvoirs de visite. Désormais, l’autorité compétente est autorisée à faire des visites chez les particuliers de façon encadrée (horaires, conditions si l’occupant s’oppose…) par l’article L. 511-7 du CCH. à noter : l’accès aux terrains qui ne sont pas à usage d’habitation est a priori total et sans limitations, sous réserve de l’existence d’un signalement quelconque ou même d’un soupçon d’une des situations énoncées à l’article L. 511-2 du CCH qui relèvent de la compétence du maire. La mise en place de cette disposition était souhaitée par l’AMF : elle permet au maire de constituer une équipe d’investigation qui peut efficacement accéder à des lieux dans des situations préoccupantes.
• Rapport d’évaluation. Les modalités de la rédaction du rapport d’évaluation ont également changé (article L. 511-9 du CCH). L’autorité compétente peut rédiger le rapport d’expertise elle-même ou faire appel à un expert dépêché par le tribunal administratif et censé intervenir dans les 24 heures. Les procédures liées à la rédaction du rapport sont désormais identiques pour les situations relevant de l’urgence ou non, puisque la rédaction du rapport est maintenant préalable à la décision de statuer sur l’urgence.
Les frais d’expertise engagés par la mairie ou par l’EPCI à cette étape ne seront jamais remboursés si les travaux sont réalisés par le propriétaire dans les délais qui lui sont donnés ou si simplement le rapport ne conclut pas à l’obligation de prendre des mesures pour sécuriser le lieu.
A l’issue de la rédaction du rapport d’évaluation, l’autorité compétente décide de poursuivre la voie contradictoire ou d’engager une procédure d’urgence.
• Procédure contradictoire. L’autorité compétente informe le propriétaire qu’au vu de la situation, elle souhaite mettre en place un arrêté de mise en sécurité. à défaut de pouvoir le contacter, un affichage en mairie est nécessaire à toutes les étapes de la procédure (art. R. 511-3 du CCH).
Le propriétaire est invité à présenter ses observations (il doit disposer au moins d’un mois pour le faire). à l’issue de ce délai, l’autorité compétente peut prendre un arrêté de mise en sécurité, qui fixe un délai d’un mois au moins au propriétaire pour prendre des mesures : réparation, démolition, cessation de mise à disposition du local, interdiction d’habiter ou d’accéder temporaire ou définitive (cette dernière imposant au propriétaire de trouver des options de relogement pour les occupants). Le détail des mesures à prendre doit se trouver dans l’arrêté et être fonction du rapport préalablement établi.
L’arrêté doit mentionner les mesures qui seront prises par l’autorité compétente en cas de non-respect du délai (astreinte, travaux d’office). Au terme du délai, soit l’autorité compétente constate que les mesures prises ont mis fin durablement au danger (un arrêté de mainlevée met fin à la procédure) ; soit ce n’est pas le cas et elle peut exécuter les dispositions prévues par l’arrêté.
• Procédure d’urgence. Dans ce cas, un arrêté dit de « cessation de danger » (art. L. 511-19 du CCH) est directement pris par l’autorité compétente. Dans cet arrêté, transmis au propriétaire, celle-ci fixe librement un délai dans lequel le propriétaire devra prendre toute mesure possible pour mettre fin au danger immédiat. Au terme du délai, s’il n’a pas été mis fin au danger immédiat (aucune action du propriétaire ou mesures insuffisantes), l’autorité compétente doit effectuer des travaux d’office.
A l’issue des travaux d’office ou du constat de fin du danger imminent, un autre constat est à réaliser par l’autorité compétente (article L. 511-21 du CCH) pour déterminer s’il a été mis fin au danger durablement ou non. Si oui, l’autorité compétente prend un arrêté de mainlevée et met fin à toute procédure. Si non, elle peut passer à la procédure contradictoire.
Dans la procédure d’urgence, il y a donc une différenciation qui doit être faite entre ce qui relève du danger imminent et ce qui n’en relève pas.
A noter : la procédure contradictoire impose des délais assez longs avant que la commune puisse engager des travaux d’office (un mois minimum pour laisser le propriétaire présenter ses observations, puis un autre mois au moins pour qu’il prenne les mesures nécessaires). Dans des situations qui correspondent à un péril ou un péril imminent, ces deux mois peuvent être un risque. Il est clair que pour ces situations de péril, les maires utiliseront souvent la procédure d’urgence. La frontière entre ce qui relève de l’urgence et ce qui n’en relève pas reste toujours floue et dépend fortement du rapport d’évaluation, qui se doit donc d’être sérieusement établi.
• Modalités de financement. Lors des travaux d’office ou des expertises, la mairie engage des frais censés être remboursés par le propriétaire concerné au terme des procédures. Mais la difficulté à recouvrer ces sommes est bien connue. La possibilité de mettre en place une astreinte n’existe pas dans le cas de la procédure d’urgence, ni celle de recourir aux aides de l’ANAH (alors que c’est possible avec la procédure contradictoire).
En revanche, quelle que soit la procédure, il est possible de recourir au Fonds d’aide au relogement d’urgence pour l’hébergement d’urgence, le relogement temporaire ou certains travaux permettant d’interdire l’accès à des locaux dangereux.
• Démolition du bien. Un arrêté de mise en sécurité contradictoire ne peut prescrire la démolition ou l’interdiction définitive d’habiter que s’il n’existe aucun moyen technique de remédier à l’insalubrité ou à l’insécurité ou lorsque les travaux nécessaires à cette résorption seraient plus coûteux que la reconstruction (art. L. 511-11 du CCH). S’il s’agit d’un arrêté de mise en sécurité d’urgence, l’autorité compétente peut faire procéder à la démolition complète après y avoir été autorisée par jugement du président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond (art. L. 511-19 du CCH).
• En revanche, les procédures d’appropriation existent et peuvent être activées parallèlement aux arrêtés pris dans le cadre de la lutte contre l’habitat indigne. Dans le cas où le propriétaire est inconnu ou disparu (au sens de l’article L. 1123-1 du Code général de la propriété des personnes publiques - CGPPP), la procédure des biens sans maître peut être activée. Au terme de celle-ci, la mairie peut intégrer le bâtiment dans son patrimoine et en faire ce qu’elle veut. Le vendre peut être une option pour recouvrer les frais engagés par les travaux d’office à la suite d’une procédure de lutte contre l’habitat indigne.
Dans le cas où le propriétaire est connu, la procédure de reprise des biens en état d’abandon manifeste peut être activée. Elle nécessite toutefois le paiement d’une indemnité car elle fait appel à une expropriation.
L’autorité compétente peut être pénalement poursuivie si elle ne suit pas les procédures correctement et qu’un drame a lieu, au titre de l’article 121-3 du Code pénal. Rappelons qu’un arrêté de mise en sécurité ou d’urgence peut prescrire une évacuation.
Pour rappel : un arrêté d’évacuation est exécutoire (pas besoin de passer par un huissier) et le préfet doit prêter le concours de la force publique au maire si besoin.
L’article L. 521-3-2 du Code de la construction et de l’habitation prévoit une clause engageant la responsabilité du maire dans le cas où les options de relogement n’auraient pas été trouvées par le propriétaire du bien évacué.
• Ordonnance n° 2020-1144 du 16 septembre 2020 relative à l’harmonisation et à la simplification des polices des immeubles, locaux et installations.
• Décret n° 2020-1711 du 24 décembre 2020 relatif à l’harmonisation et à la simplification des polices des immeubles, locaux et installations.
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Cet article a été publié dans l'édition :
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