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Maires de France

Interco et territoires
01/01/1970 JANVIER 2022 - n°397
Environnement Intercommunalité

CRTE : les élus s'interrogent sur les moyens financiers

Alors que la moitié des contrats sont signés, les élus déplorent l'absence de financement pluriannuel, par l'État, de ces documents qui s'appliqueront jusqu'en 2026.

Emmanuel Guillemain d'Echon
Signature, en juillet 2021, du premier CRTE du Cantal par Céline Charriaud, ­présidente de Saint-Flour communauté, et 
Serge Castel, préfet.
© PHOTOPQR/LA MONTAGNE/Isabelle Barnerias
Signature, en juillet 2021, du premier CRTE du Cantal par Céline Charriaud, ­présidente de Saint-Flour communauté, et Serge Castel, préfet.
La plupart des élus qui se sont lancés dans la préparation d’un contrat de relance et de transition écologique (CRTE) ont accueilli favorablement la perspective d’une contractualisation globale. Mais la compression des délais et l’ambition d’un tel document ont fortement pesé sur les exécutifs et les fonctionnaires territoriaux. « En interne, cela a demandé un boulot énorme, il a fallu une mobilisation totale des élus et de nos services », témoigne Emmanuelle Fouilladieu, directrice générale des services (DGS) de Saint-Flour Communauté (Cantal), qui a été l’une des premières à signer son CRTE, en juillet 2021. Le préfet du Cantal a mis une forte pression sur les élus pour tenir les délais initiaux, qui prévoyaient une signature avant le 30 juin 2021, afin de répartir au plus vite les crédits du plan France relance.

Le gouvernement a cependant assoupli ce calendrier puisque début décembre dernier, seule la moitié des contrats avaient été signés (lire ci-contre). Pour autant, Emmanuelle Fouilladieu n’est pas mécontente du travail accompli dans cette intercommunalité « XXL » de 53 communes. « Ce n’est pas un exercice facile d’aboutir à un document qui reprend l’ensemble de nos contractualisations et projets avec l’État : nous avons trois communes dans le programme Petites villes de demain (PVD), un contrat de transition écologique (CTE), un contrat local de santé, une opération de revitalisation du territoire (ORT), un label Pays d’art et d’histoire, un projet alimentaire territorial (PAT), etc. Mais maintenant, nous avons un document qui est la synthèse de tout cela, avec notre projet de territoire, un diagnostic détaillé de l’état des lieux actuel, des fiches actions et des interlocuteurs associés à chacune d’entre elles. Nous l’avons distribué à toutes les communes, au réseau des secrétaires de mairie », ce qui permet de clarifier le projet de territoire pour tous, explique la DGS.
 

Un meilleur accès à l’ingénierie

L’État a aidé les acteurs locaux en terme d’ingénierie et les services de la préfecture se sont montrés plus accessibles, notamment grâce à la montée en puissance de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT). «Aujourd’hui, nous avons deux interlocuteurs pour le CRTE par lesquels nous passons systématiquement pour les projets France relance : le directeur départemental des territoires (DDT), qui est le référent de l’ANCT à la préfecture, et le responsable DDT à la sous-préfecture de Saint-Flour », détaille Emmanuelle Fouilladieu.

Tous les préfets n’ont pas encore désigné leur référent ANCT. En Côte-d’Or, c’est un autre dispositif lancé par l’Agence dont a bénéficié la communauté de communes Norge et Tille : un volontaire territorial en administration (VTA), recruté en novembre pour rédiger le CRTE, dont la signature est espérée en janvier. « C’est lui qui a rédigé le document-martyr et notamment les fiches actions. Sans lui, la charge aurait été beaucoup plus lourde pour des fonctionnaires déjà très occupés », explique Ludovic Rochette, président de la communauté et de l’association des maires du département. Les services préfectoraux ont également fait pression sur les élus pour une signature en juin 2021, avant de la relâcher au point de presque sembler absents, puis de relancer le processus en fin d’année.

Même si la charge de travail repose sur les collectivités – «la préfecture a amendé notre document, mais c’est nous qui l’avons construit », rappelle Emmanuelle Fouilladieu, c’est donc l’État qui donne le rythme. Cependant, une fois le document signé, les élus n’ont pas de visibilité sur les moyens dédiés par l’État (lire ci-dessous). Ce qui est pourtant nécessaire selon eux pour accompagner des contrats qui s’étaleront jusqu’en 2026. Contrairement aux contrats de ruralité, il n’y a pas de maquette financière pluriannuelle. Il faut donc être prêt chaque année dans des délais serrés pour faire la liste des projets du CRTE éligibles aux deux dotations « classiques » qui semblent être les deux principales sources de financement de ce contrat : la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) et la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR).
 

TÉMOIGNAGE
Dominique Denieul, président
de la communauté de communes du Pays
de Châteaugiron (35)
« Nous attendons de voir quel financement nous obtiendrons »
« Nous avons été les troisièmes à signer notre contrat dans le département, car nous sommes une petite intercommunalité – cinq communes – et avons rapidement mobilisé les services. Nous en avons fait une priorité, même si ce n’était pas facile car il fallait tout interconnecter en même temps : le CRTE, deux programmes «Petites villes de demain » pour lesquels il est dur de recruter des managers de centre-ville car tout le monde le fait en même temps.

Dans le contrat, nous avons inclus plusieurs projets, notamment des haltes multimodales pour la mobilité. L’État a mis des moyens pour aider nos agents à rédiger les 55 fiches actions. Mais maintenant, nous attendons de voir à quoi nous pouvons nous attendre sur le plan financier. Nous y sommes allés car nous avons bien compris que si nous voulions être accompagnés par l’État, il fallait vite signer. »


À Saint-Flour, les services sont en train de peaufiner le premier avenant au contrat, qui récapitulera les financements accordés pour 2021. « Il fallait déposer les dossiers pour la DSIL 2021 avant le 10 octobre, et nous sommes déjà en train de travailler sur les dossiers pour 2022 qu’il faudra boucler au premier trimestre », témoigne Emmanuelle Fouilladieu. Ce n’est pas tout : il faut également «être prêt à chaque appel à projets, et très rapide ». Ludovic Rochette s’inquiète ainsi de savoir si, avec un contrat signé en janvier 2022, les signataires pourront déposer une demande pour le financement d’un PAT, dont l’appel à projets sera clos à la fin du mois. L’État assure que ce sera le cas dans le cadre de la mobilisation des crédits du plan de relance. Dans la résolution finale de son 103e Congrès, l’AMF souligne qu’elle «vérifier[a] scrupuleusement que les moyens promis dans le cadre de ces CRTE soient bien versés au bénéfice des projets tels qu’ils ont été définis localement ».
 

Pas de visibilité  

Les élus attendent de voir dans le détail quels seront les projets financés. Car l’État regarde de près le contenu des CRTE, comme dans le Cantal où les fiches actions doivent inclure « des projets structurants, entendus comme tels par le préfet, qui répondent à une stratégie de transition écologique ». En Côte-d’Or, précise Ludovic Rochette, « il nous a demandé d’amorcer une approche vers un PLUi », rejeté lors de la mandature précédente.

De fait, quand on épluche les documents, de nombreuses politiques publiques reviennent d’un contrat à l’autre : covoiturage et transport à la demande dans la catégorie mobilité, rénovation thermique des bâtiments publics, sauvegarde de la biodiversité… Pour les petites communes rurales, l’avantage est qu’elles peuvent y inclure des projets courants : refaire l’école, rénover les logements communaux… Reste à voir si cette nouvelle manière de faire permettra un peu plus d’équité entre les communes et EPCI déjà bien équipés en ingénierie et ceux qui ont pris l’habitude de regarder passer les trains.
 

Près de la moitié des CRTE ont été signés
Au 10 décembre 2021, 400 contrats de relance et de transition écologique ont été signés par les préfets, avec des avancées variées selon les départements, certains étant intégralement couverts par des contrats signés (Cantal, Haute-Savoie, Loiret, Oise…), d’autres ne comptant aucune signature (Bas-Rhin, la quasi-­intégralité des régions Occitanie et Bourgogne-Franche-Comté…).

Selon le cabinet de la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, Jacqueline Gourault, 400 autres signatures étaient « prévues d’ici la fin de 2021 et une cinquantaine pour début 2022 ». Le ministère précise aussi que les crédits prévus dans le cadre du plan de relance seront toujours accessibles pour les derniers signataires.


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