Présidentielle 2022 : ce que les candidats proposent pour les collectivités et la décentralisation
Dix candidats sur douze sont venus exposer leur projet pour les collectivités, le 15 mars, dans le cadre de la Rencontre des libertés locales organisée à Montrouge (92) par Territoires Unis. Ils ont unanimement défendu la commune dont ils veulent conforter les responsabilités et les moyens.
Mais les dix intervenants présents – dont certains ont loué la volonté de pluralisme de l’AMF – ont pu exposer leur vision de la décentralisation et leur projet pour les collectivités locales, en présence de plus de 500 élus venus de toute la France, au cours d’une journée retransmise en direct par LCP et Public Sénat. Les candidats «se sont prêtés à l’exercice d’une audition au format original et identique pour tous, avec un temps de parole égal, dans le respect du principe d’impartialité », a souligné David Lisnard. Après une intervention liminaire de dix minutes pour chacun d’entre eux, des élus représentatifs de la diversité géographique et politique (un maire, un élu départemental et un élu régional) ont pu les interpeller sur leurs propositions relatives aux collectivités territoriales.
Les élus locaux veulent une nouvelle étape de la décentralisation
Décentralisation, réforme de l’État, services publics, aménagement du territoire, transition écologique, santé, finances locales..., de nombreuses thématiques ont été abordées par les candidats qui ne partagent évidemment pas tous les mêmes idées en la matière. Territoires Unis avait préalablement posé des jalons en leur adressant, le 2 mars, sa « déclaration » pour «une République de la confiance ». Les trois présidents des associations de Territoires unis ont enfoncé le clou en ouverture de la rencontre. Ils ont pris la parole tour à tour pour dire, chacun à leur façon, leurs craintes et leurs attentes à la veille d’une nouvelle mandature.
« Nous voulons une nouvelle étape de la décentralisation. Il ne s’agit pas d’une réforme technique, c’est une vision, un projet politique pour la France à rebours du mouvement de recentralisation auquel nous avons assisté ces dernières années », a notamment revendiqué David Lisnard au nom de l’AMF qui, la veille de l’audition des candidats, avait publié sa « contribution ». Dans ce document, intitulé «Libertés et responsabilités locales, faire le choix de l’action et de la confiance », l’Association constate un «recul » de la décentralisation et une «atteinte à l’autonomie financière et fiscale des collectivités ». Elle demande au futur chef de l’État de «donner un nouveau souffle à la décentralisation à travers une grande loi des libertés locales ». Devant les élus réunis à Montrouge, André Laignel a estimé que ce texte « devra privilégier l’intelligence des territoires, la responsabilité, la subsidiarité, l’autonomie financière et, un mot qui semble avoir disparu du dictionnaire de l’État, la confiance ».
Candidats : défense unanime de la commune
Le décor ainsi planté, les candidats se sont succédé à la tribune, certains affichant un projet structuré en matière de décentralisation, d’autres davantage des considérations, selon leur expérience, leur maîtrise des sujets et l’importance qu’ils accordent aux collectivités. En dépit des propos relativement hétérogènes, que retenir de leurs interventions ? Tout d’abord, une défense quasi unanime de la commune et du maire, souvent au détriment des intercommunalités, jugées trop vastes, mais aussi des autres niveaux de collectivités. «Les communes sont méprisées, asphyxiées financièrement, par les préfets, dans les grandes intercommunalités formées aux forceps… », a jugé Fabien Roussel (PCF), qui a promis de «démétropoliser la France » qui concentre, selon lui, «trop de pouvoirs » – un constat partagé par Philippe Poutou (Nouveau Parti anticapitaliste). «À la place de la théorie du ruissellement qui ne donne qu’aux gros et rien aux petits, je propose la théorie du “Roussellement” qui consiste à redonner les moyens aux petits et aux petites communes. Cela profitera à tout le monde », a-t-il indiqué.
Jean Lassalle (Résistons !) a rendu un vibrant hommage aux maires avant de s’emporter contre certaines réformes territoriales : «tout est devenu loin aujourd’hui ! Les grandes régions sont inutiles, l’immensité technocratique ne peut changer quoi que ce soit », a-t-il déploré. «Je supprimerai les lois Maptam et NOTRe si je suis élu », a-t-il affirmé afin de «retrouver une intercommunalité à taille humaine ». Nicolas Dupont-Aignan (Debout la France) veut aussi abroger la loi NOTRe et «redonner du pouvoir aux maires, renforcer leur statut, leur donner de la liberté, supprimer les normes, et arrêter de les embêter au jour le jour dans tous les domaines ». Marine Le Pen (Rassemblement national) s’est présentée comme «la candidate du modèle localiste ». Elle a promis aux maires que «la clause de compétence générale sera réservée aux communes ». Au nom du principe de subsidiarité, Marine Le Pen veut que «l’eau et la sécurité restent à la commune ». De même, «les compétences d’urbanisme doivent être restituées aux maires ». Et «la commune ne doit pas déléguer à l’intercommunalité des compétences qu’elle exerce mieux qu’elle. La liberté doit être la règle », a-t-elle estimé.
Anne Hidalgo (Parti socialiste) a affirmé qu’« un maire doit pouvoir être élu sur un projet et doit pouvoir le défendre ». Nathalie Arthaud (Lutte ouvrière) a insisté sur sa volonté de voir les choses organisées «d’en bas» au niveau des communes. Valérie Pécresse (Les Républicains) veut laisser les communes «définir elles-mêmes les compétences qu’elles veulent partager au sein des intercommunalités » et redonner aux maires la capacité d’adapter l’application des lois (notamment la loi SRU et le zéro artificialisation nette). Jean-Luc Mélenchon (La France insoumise) estime que la commune «est la réalité démocratique fondamentale de la Nation française » qu’il convient de préserver.
Avis divergents sur l’organisation territoriale
Comme Jean Lassalle, le leader de La France insoumise a fustigé, à l’opposé, les «grandes régions » qu’il juge «peu performantes », à l’instar de Nicolas Dupont-Aignan qui prône leur suppression, tandis que Fabien Roussel veut le «retour à des régions à taille humaine ». Logiquement, Valérie Pécresse, présidente de la région Île-de-France, a défendu cet échelon qu’elle entend doter d’un pouvoir réglementaire et de compétences renforcées, notamment en matière d’environnement, de mobilités et d’emploi. Anne Hidalgo estime aussi nécessaire de renforcer leur rôle en matière de formation, d’apprentissage et d’orientation des jeunes. Marine Le Pen n’a pas exclu de «supprimer un échelon du mille-feuille institutionnel » évoquant une «évolution du couple département-région » avec un «rapprochement via le conseiller territorial, ce qui supprimerait un scrutin ».
Aucun candidat n’a en revanche remis en cause l’échelon départemental : Jean-Luc Mélenchon voit dans le département «l’organisateur des grands services publics » et Valérie Pécresse veut leur transférer de nouvelles compétences : «la totalité de la politique médico-sociale », la médecine scolaire, les services des caisses d’allocations familiales liés aux versements du RSA. «Heureusement que les départements sont là pour le social, le grand âge et la jeunesse », a souligné Anne Hidalgo.
Décentralisation : pas de «big bang »
Quarante après les premières lois de décentralisation, peu de candidats souhaitent engager un nouvel acte en la matière pourtant réclamé par Territoires Unis. Marine Le Pen a exclu «une énième loi de réforme des collectivités » mais affiché sa volonté de «créer un gouvernement d’union nationale qui associera les élus» pour «redresser le pays ». Pour Yannick Jadot, «un des enjeux du prochain quinquennat sera de repenser la décentralisation avec de véritables compétences et avec une autonomie qui ne soit pas une forme de déconcentration sous contrainte ou sous surveillance ». Fabien Roussel a promis «une vraie loi de décentralisation » et a proposé de «redonner la clause de compétence générale à toutes les collectivités territoriales (départements et régions) ». À l’inverse, Marine Le Pen veut réserver cette clause aux communes tandis que «les compétences des autres niveaux de collectivités seront limitativement énumérées par la loi ». Objectif de la députée du Pas-de-Calais : «mettre fin aux compétences partagées et aux financements croisés».
Valérie Pécresse a dit vouloir porter «un projet de décentralisation le plus puissant de l’histoire de notre pays » à travers «un pacte de liberté et de confiance » entre l’État et les collectivités. Elle a assuré que son projet de «République des territoires » serait «l’une des priorités » du début de son quinquennat. Elle souhaite aussi lancer un «choc de simplification » administrative (à l’instar de Nicolas Dupont-Aignan), inscrire le droit à la différenciation dans la Constitution et que les collectivités puissent «adapter les règlements nationaux » aux réalités locales.
Finances locales : préserver l’autonomie des collectivités
Au chapitre financier, la plupart des candidats ont déploré la baisse des moyens des collectivités, ces dernières années, et leur perte d’autonomie. Fabien Roussel a promis de «rendre en 15 ans les 15 milliards d’euros pris sous le quinquennat Hollande », avec une DGF «indexée sur l’inflation » et «adaptée à chaque collectivité ». Il mettra en place «un pacte financier » pour que les élus aient une certaine «lisibilité » sur toute la durée du quinquennat, et prône «une fiscalité plus redistributive » en rendant aux collectivités les «moyens de prélever les impôts ».
Marine le Pen propose d’instaurer «un partage de fiscalité entre l’État et les collectivités » et s’engage à compenser «à l’euro près » les transferts de charges aux collectivités. Anne Hidalgo a milité pour «l’autonomie fiscale des collectivités ». Valérie Pécresse a souligné que l’autonomie financière des collectivités devait «être garantie par la Constitution » et assuré qu’elle ne mettra pas en place de nouveaux contrats encadrant la dépense publique. En revanche, elle n’a pas mentionné devant les élus son projet de supprimer les impôts de production qui poserait sans doute la question de la compensation des pertes de recettes pour les collectivités. Nicolas Dupont-Aignan veut consolider les ressources des maires en renforçant la dotation d’équipement des territoires ruraux, en rétablissant la réserve parlementaire, mais aussi en créant un «fonds de sauvegarde du patrimoine rural » pour les petites communes et un «fonds d’investissement et de relocalisation ».
Relancer l’aménagement du territoire et préserver les services publics
L’aménagement du territoire et la préservation des services publics (notamment dans le domaine de la santé) ont été largement abordés par les candidats. Jugeant que «nous avons perdu toute vision nationale de l’aménagement du territoire », Yannick Jadot a fait une proposition iconoclaste : pour «bâtir un projet collectif des équilibres territoriaux » et mettre en place «les grandes transformations » (transition énergétique, transition agroalimentaire...), le candidat écologiste propose, tout en conservant les préfets, de créer des «commissaires de la République à la reconstruction » qui seraient «rattachés à un grand ministère des Territoires » et mettrait «les moyens de l’État au service des collectivités » et de leurs projets. Pour «reconstruire une politique territoriale », Jean Lassalle a promis de prélever «3 milliards d’euros par an sur la contribution de la France au budget européen. Cette somme ira aux communes ».
Marine Le Pen souhaite appliquer «une politique de rééquilibrage des territoires ». Elle veut que l’État «redevienne l’aménageur du territoire ». Pour garantir un développement local équilibré, la réindustrialisation du territoire et la création d’infrastructures, elle propose de «recréer des incitations fiscales comme la prime à l’aménagement du territoire » et la mise en place d’un «fonds souverain qui mobilisera l’épargne des Français pour investir » dans la création d’infrastructures. Elle souhaite que l’État garantisse «un socle minimal de services publics partout en France ». Anne Hidalgo veut instaurer un «plan de réimplantation des services publics », un moratoire sur la fermeture des écoles en milieu rural et utiliser le plan de relance pour investir dans le développement des transports et le numérique.
Valérie Pécresse projette d’« aménager le territoire en milieu rural » et promet qu’« un euro dépensé pour la politique de la ville sera aussi un euro dépensé pour la ruralité ». Fabien Roussel prévoit «des services publics dans chaque commune » via un plan pluriannuel négocié par l’État avec les collectivités «pour faire vivre le service public dans les villes mais aussi dans les villages ». Philippe Poutou veut la création «d’un million de postes » dans les services publics.
« Une grande loi sur les libertés locales »
« L’État doit s’appuyer sur nous »
de l’Assemblée des départements
de France
« Nous voulons de la confiance ! »
Elles et Ils ont dit
« Nous ferons une vraie loi de décentralisation »
« Je supprimerai les lois Maptam et NOTRe »
(Rassemblement national)
« Un gouvernement d’union nationale qui associera les élus »
« Pour une véritable démocratie à l’échelle locale »
« Pour une République décentralisée »
« Pour vous, ce sera la double peine »
" Un choc de simplification "
Je souhaite aussi inscrire le droit à la différenciation dans la Constitution [pour] que les collectivités puissent adapter les règlements nationaux selon les réalités locales. Je propose [ainsi] de sortir de la loi SRU [en la remplaçant par de] vrais contrats de mixité sociale et de mixité de logements qui seront conclus au niveau local et d'adapter le «zéro artificialisation nette » dans les communes rurales. Lorsqu’un élu sera agressé, il y aura une condamnation à un an minimum de prison ferme. Je propose de faire de la police municipale la troisième force de sécurité du pays. »
« Des commissaires de la République à la reconstruction »
« Supprimer les régions actuelles »
« La commune est la réalité démocratique fondamentale »
La cité est devenue le cœur battant de l’identité nationale des Français, leur structure de base. On ne peut pas passer à côté d’un process millénaire : le droit de vote, le vote lui-même, les majorités et les minorités, tout cela est né dans la commune. C’est pourquoi le processus néo-libéral s’en prend d’abord à la commune. »
Raccourci : mairesdefrance.com/1333
Cet article a été publié dans l'édition :
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