Transport : les collectivités tentent de maintenir leurs investissements
La crise sanitaire a eu un impact financier important pour les autorités organisatrices de la mobilité. Certaines ont fait le choix d'adapter les projets pour garantir un service de qualité.
Face à l’inquiétude des élus, l’état a missionné Philippe Duron, co-président du think tank TDIE, pour mener une étude destinée à dégager des solutions pour consolider le modèle économique des transports publics. Ce rapport, remis mi-juillet au gouvernement, comprend 50 recommandations (lire ci-dessous) tout en évaluant les besoins d’investissement à près de 20 Mds€ pour 36 AOM. La crise a cependant fait peser la menace d’un coup de frein sur les investissements et d’une réduction de l’offre de services. Impensable en matière de transition écologique.
Dans son rapport sur « Le modèle économique des transports collectifs », remis en juillet au gouvernement, la mission Duron recommande d’abaisser le taux de la TVA sur les transports de 10 à 5,5 %. Elle préconise aussi d’instaurer une équité de traitement sur l’ensemble du territoire concernant les dispositifs d’accompagnement des AOM, quel que soit leur mode de gestion : régie, syndicat mixte, délégation de service public.
La mission souhaite «sanctuariser » le versement mobilité. Si l’AMF émet des réserves sur certaines recommandations du rapport, elle soutient ces propositions d’aides financières. Le rapport suggère d’inverser la tendance à la baisse de la part payée par les usagers.
Pour diversifier les sources de financement du transport public, la mission propose de flécher une partie de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques vers les AOM, de taxer les colis transitant par les plateformes en ligne et d’instaurer une écotaxe sur les poids lourds. Enfin, la mission préconise un transfert de compétences des communes vers les EPCI en matière d’urbanisme et de stationnement «pour homogénéiser les mobilités ».
Selon le Gart (Groupement des autorités responsables de transport), «la crise sanitaire n’a pas entamé le dynamisme des collectivités en matière d’investissement ». Une raison à cela : le VM n’a fléchi «que » de 5 %. «Quand nous avons commencé à travailler, nous pensions que la baisse serait de l’ordre de – 25 à – 30 % », indique Philippe Duron. «En 2021, nous estimons que le produit du VM atteindra le même niveau, voire sera supérieur à celui de 2020. »
Il n’empêche que certaines collectivités ont décidé de décaler dans les temps les investissements prévus en 2021. C’est le cas de Metz métropole (Moselle) «qui s’en tire plutôt bien », selon son président, François Grosdidier, «avec un manque à gagner de 2 M€ ». Cette collectivité a perçu une avance de la part de l’état de 700 000 € «qui ne sert pas à grand-chose car il faudra la rembourser à court terme ». Mais cela a permis de ne pas réduire l’offre. Au contraire, en 2022, la collectivité injectera 500 000 € supplémentaires dans les transports.
En revanche, François Grosdidier a des incertitudes s’agissant du financement des nouveaux projets de mobilité (réorganisation du réseau, création d’un troisième bus à haut niveau de service, de navettes fluviales, verdissement du parc de bus) planifiés sur ce mandat et chiffrés à 80 M€. «Aujourd’hui, je suis incapable de lancer ces projets car le futur contrat de plan état-région a exclu les mobilités et je ne sais pas ce qui sera cofinancé. Or, seule l’amélioration de l’offre peut attirer les clients encore rétifs à prendre les transports collectifs. »
À une autre échelle, Decazeville communauté (12 communes, Aveyron) a mis en suspend la création d’une troisième ligne de bus. Un projet dont le coût d’exploitation était chiffré à 75 000 € par an. «Nous n’avons pas les moyens de mener à bien ce projet car cela aggraverait le déséquilibre de notre budget transport », indique Michèle Couderc, vice-présidente chargée de la mobilité.
Redonner confiance aux usagers
Dans cette communauté de 18 500 habitants, où la baisse de la fréquentation a été de – 35 %, les élus s’attendent à un effondrement du produit du VM lié à la baisse de l’activité économique et aux difficultés rencontrées par deux entreprises depuis deux ans. «Nous envisageons d’augmenter la participation des collectivités et le taux du VM pour préserver le budget transport et maintenir l’offre actuelle. » à Belfort, le Syndicat mixte des transports en commun (SMTC90) a aussi décidé de faire passer cette taxe de 1,7 à 1,8 % en juillet 2021 et a revu à la hausse la part payée par les usagers, tout en supprimant la moitié des services de soirée.
Dans ce territoire de 145 000 habitants, le SMTC 90 organise la mobilité dans 101 communes. «Les collectivités n’abondent pas notre budget », précise Marc Rovigo, directeur général du syndicat mixte. D’où ces décisions pour «adapter la voilure à nos recettes » et surtout pour maintenir l’investissement programmé visant à acheter, cette année, cinq bus à hydrogène. Le syndicat a vu ses pertes de recette et de VM entièrement compensé par l’état, soit 2,6 M€. «Nous avons fini 2020 avec un léger excédent. 2021 ne nous inquiète pas trop car le dispositif de compensation du VM a été inscrit dans la loi de finances », poursuit le responsable. Mais nous risquons d’avoir des déconvenues quand cette perfusion nous sera retirée. Surtout si le VM ne se redresse pas et si les usagers ne reviennent pas dans les transports en commun. »
Tout l’enjeu des AOM est de redonner confiance aux usagers dont une partie a opté pour des modes de déplacement individuels. Pour cela, elles doivent continuer à investir dans la mobilité. Angers Loire Métropole a entrepris l’extension de son réseau de tramway. Une opération chiffrée à 270 M€. Dans cette agglomération, la baisse du VM a été en deçà des prévisions et l’AOM a réduit de 3 M€ les dépenses de fonctionnement en supprimant quelques services de soirée. «Le manque à gagner est de 7 M€. Mi-2020, nous pensions qu’il serait de 10 à 12 M€ », indique Christophe Béchu, président de la métropole. Une perte sèche compensée par l’état sous forme d’avances remboursables. «Si nous avions été sur le point de lancer les travaux du tramway en 2020, nous aurions attendu pour y voir plus clair », reconnaît l’élu.
L’Agence de financement des infrastructures de transport (AFITF), que préside Christophe Béchu, n’a pas été épargnée par le Covid. En 2020, elle a dû faire l’impasse sur un demi-milliard d’euros consécutivement à l’arrêt du trafic aérien et à la baisse d’activité des sociétés d’autoroute. «L’intégralité de ce manque à gagner a été couvert par l’état au titre du “quoi qu’il en coûte”. Nous pourrons donc continuer à financer les projets d’infrastructures avec un budget de 3 Mds€ », explique cependant son président. En tant qu’opérateur du plan de relance, l’AFIFT va gérer une enveloppe supplémentaire d’1 Md€ d’autorisations d’engagements pour accélérer les travaux visant à moderniser les systèmes de transport. «Nous pensons débloquer cette année environ 400 M€ ». à ces crédits s’ajouteront ceux issus du 4e appel à projets. Près de 200 dossiers ont été déposés, équivalant à 11,5 Mds€ d’investissement, selon le Gart.
Cet article a été publié dans l'édition :
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