Investissement. Une nouvelle gestion des aides de l'État s'impose
Les dotations d'investissement (DETR et DSIL) et le Fonds vert donnent lieu à des procédures et à un calendrier largement perfectibles, selon les maires.
L’appui de l’État aux projets locaux est complété cette année par le Fonds vert de 2 Mds€, créé par la loi de finances pour 2023 pour financer la transition écologique, dont le gouvernement a annoncé, le 12 avril, la pérennisation au-delà de 2023. Les trois dispositifs font l’objet d’une gestion déconcentrée, laquelle est confiée au préfet de département (DETR et Fonds vert) ou de région (DSIL).
Une gestion proche du terrain, que le représentant de l’État assure en lien avec une commission d’élus, pour la seule DETR. L’instance intervient dans la détermination des catégories des projets à financer et des taux de subvention, ainsi que dans l’allocation des aides d’un montant de plus de 100 000 euros. Les réunions organisées par le préfet donnent lieu à peu de débats, en particulier sur la définition des priorités de financement, relate Michel Lafont, maire de la commune nouvelle Thue-et-Mue (6 150 hab.). Mais, selon ce membre de la commission DETR du Calvados, « les élus locaux s’y retrouvent plus ou moins, car les thématiques prioritaires sont larges ».
Le préfet tente de convaincre les membres de la commission de la nécessité de retenir certains thèmes chers à l’état, analyse, de son côté, Bruno Bethenod, maire d’Arceau (987 hab., Côte-d’Or). Il souligne cependant la qualité du dialogue avec le représentant de l’État.
En Meurthe-et-Moselle, les élus locaux ont insisté pour que les projets d’investissement en matière de voirie soient éligibles à la DETR. Ils ont eu gain de cause, se félicite Rose-Marie Falque, maire d’Azerailles (750 hab.) et présidente de l’association départementale des maires.
Délais de candidature trop brefs
Concernant la DSIL – dispositif ayant vocation à financer des projets structurants portés par tous les types de communes et EPCI –, la commission d’élus est seulement informée de la liste des projets retenus par le préfet. La gestion des demandes de subventions qui en relèvent est « opaque », critique Bertrand Hauchecorne, maire de Mareau-aux-Prés (1 600 hab., Loiret).
Un constat partagé par nombre d’édiles, pour qui il faudrait donc créer pour cette dotation-là une commission d’élus équivalente à celle de la DETR, ou élargir les prérogatives de la commission existante.
Selon Rose-Marie Falque, les communes de faible taille et ayant un projet d’investissement « visent la DETR ». La dotation a pour finalité de subventionner les investissements de proximité, portés par les communes et intercommunalités situées en milieu rural. La procédure d’appel à candidatures qui lui est associée a pour avantage d’être « claire et nette », souligne-t-elle.
Mais, aux yeux de beaucoup d’élus locaux, les délais de constitution des dossiers, de 45 jours en moyenne, sont trop courts. Pour la DSIL, ils ne sont guère plus longs – 52 jours, selon une enquête de l’AMF en juillet 2022. Une période de « quatre mois » serait justifiée par la difficulté que rencontrent notamment les petites communes pour obtenir des devis, considère Laurance Bussière, maire de Daubeuf-la-Campagne (238 hab., Eure).
Certaines d’entre elles ratent le coche. C’est une des raisons pour lesquelles des préfets, comme ceux du Calvados et du Loiret, ont instauré une instruction des dossiers «au fil de l’eau ».
Pour des aides pluriannuelles
Le calendrier de notification des dotations est, lui aussi, perfectible, selon Bertrand Hauchecorne. Après le dépôt des dossiers de candidature en début d’année, l’arrêté attributif n’intervient qu’« au mois d’avril », à l’échéance du vote du budget primitif. Pour la DSIL, la nécessité d’une signature des arrêtés par le préfet de région « peut allonger les délais d’environ un mois », soulignait Christine Pires Beaune, dans un rapport d’octobre 2020.
Dans un tel « brouillard », les maires peinent à « anticiper et à programmer les projets sur une année précise », regrette le co-président de la commission transition écologique de l’AMF.
Pour lui, l’idéal serait que les aides à l’investissement local soient « pluriannuelles ». Cette question de calendrier est particulièrement épineuse dans la période actuelle d’inflation, car les devis ont une durée de validité limitée. Lors de leur actualisation, les prix sont revus à la hausse. Or, la subvention allouée par l’état est calculée sur la première version des devis. Les collectivités doivent donc prendre entièrement à leur charge les écarts de coûts.
De surcroît, les entreprises du BTP sont en surchauffe. Leurs délais d’intervention dérapent, alors que les collectivités sont soumises au respect d’échéances pour le commencement et l’achèvement des travaux subventionnés.
« Nous courons pour lancer à temps la réhabilitation d’une salle des fêtes. Car, à l’ouverture des plis contenant les offres des entreprises, le projet ne rentrait plus dans le budget que nous nous étions fixés. Nous avons dû tout ré-imaginer avec des architectes qui étaient débordés », témoigne Michel Lafont, maire de Thue-et-Mue.
Casse-tête administratif
Autre écueil : les multiples pièces justificatives réclamées à l’appui des demandes de subventions et qui supposent parfois la réalisation d’études – par exemple, s’il s’agit d’évaluer l’impact du projet en matière énergétique. Dans le cadre du Fonds vert, la réponse aux renseignements exigés par l’État peut virer au casse-tête. Ainsi, dans le Loiret, les communes candidates aux aides à la modernisation des luminaires installés sur la voie publique sont bien en peine d’indiquer quelle serait la « réduction de la température de couleur moyenne de l’éclairage sur la surface du projet ».
De telles informations doivent pourtant être fournies, en sachant que les subventions ne seront peut-être pas octroyées, notamment parce que les enveloppes de crédits sont parfois très insuffisantes. Dans le Finistère, une ville moyenne va, à elle seule, consommer la moitié des 491 000 euros consacrés à la rénovation de l’éclairage public. Les autres collectivités lauréates n’auront que la moitié restante à se partager, déplore Nadine Kersaudy, maire de Cléden-Cap-Sizun (915 hab.).
Dans une telle situation, les communes disposant de ressources en ingénierie tirent plus facilement leur épingle du jeu. Le savoir-faire de leurs agents dans le montage des dossiers est un réel atout, confirme Michel Lafont. L’élu constate d’ailleurs, sur son territoire, que la création d’une commune nouvelle a été, sous cet angle, un vrai « plus ». Nombre de ses collègues alertent cependant l’état pour qu’il alloue aussi ses dotations aux communes les moins outillées.
L’objectif est de donner aux collectivités de la « visibilité sur leurs projets ». L’exécutif insiste en outre sur le fait que la DETR a vocation à « soutenir des projets ayant un impact sur le développement rural ».
Autre information clé : les dotations destinées à l’investissement local sont cumulables avec les aides du Fonds vert. La transition écologique des territoires figure au premier rang des priorités de financement de l’État. Les préfets tiendront compte du caractère écologique des projets pour fixer les taux de subvention.
Parmi les autres priorités : le soutien à la rénovation du patrimoine culturel ou naturel, la sécurisation des ouvrages d’art et la construction et la rénovation d’équipements sportifs.
En savoir + : lire Maire-info du 21/03 et Instruction dotations investissement territoires 2023 ".
Lire aussi l'article de Maires de France :
Cet article a été publié dans l'édition :
- Le maire et la lutte contre l'habitat indigne
- Cadeaux et invitations : les bonnes pratiques recommandées
- Investissement. Une nouvelle gestion des aides de l'État s'impose
- ZAN : des mesures pour améliorer la réforme
- Incendie : l'État ne veut pas modifier la loi
- Prévention des feux de forêt : la proposition de loi du Sénat
- Catastrophe naturelle : proposition de loi pour mieux indemniser les particuliers
- Squats : protéger les logements contre l'occupation illicite
- L'Union européenne finance aussi le sport
- " Europe direct " : informer les élus locaux
- Programme Leader : formation en ligne
- Anticiper les crises : le Comité des régions se mobilise
- L'Île-de-France au top de l'attractivité
- Énergies renouvelables. Les élus se mobilisent
- En Ille-et-Vilaine, la réussite scolaire compte
- Jeunesse : la communauté de communes de l'Orée de la Brie (77) a signé une convention territoriale globale
- Données financières : réaliser une cartographie
- Élus locaux : déclaration des indemnités de fonction
- Dotation globale de fonctionnement : guide pratique
- EPCI : comment remplacer un élu issu d'une commune de moins de 1 000 habitants ?
- École. Les solutions pour la préserver
- Eau. Comment préserver la ressource
- La médiathèque de Grenay accueille une Micro-Folie
- Inclure la santé mentale dans un contrat local de santé
- Les loups mènent un raid dans la commune
- Il expérimente le temps médical partagé
- Régler un problème ponctuel de sécurité publique
- Fonds vert : fonctionnement et modalités de candidature
- Travailler avec le BRGM
- Équipements sportifs. Innover sans se ruiner
- Trottinettes : bientôt de nouvelles règles
- Mise en place des référents déontologues au 1er juin
- Formation des élus : report intégral des droits
- Légalité d'un acte : utiliser le " rescrit "
- Pesticides : distances d'épandage
- « Dark stores, dark kitchens » : un statut clarifié
- Éclairage public : la responsabilité du maire peut-elle être engagée en cas d'extinction ?
- Révision du décret pour les bâtiments tertiaires
- Communications opérationnelles de sécurité et de secours : création d'une agence
- Gestion. Le tiers financement pour favoriser la rénovation énergétique des bâtiments publics
- Sapeurs-pompiers. Promotions pour actes de bravoure : les règles évoluent
- Grève : doit-il y avoir un service minimum dans les services publics locaux ?
- Le maire peut-il utiliser une voiture de service à des fins personnelles ?
- Gestion des risques majeurs. Se former pour mieux faire face
- Les modalités de remplacement des élus
- Le maire et la cinéaste
Maires de France est le magazine de référence des maires et élus locaux. Chaque mois, il vous permet de décrypter l'actualité, de partager vos solutions de gestion et vous accompagne dans l'exercice de votre mandat. Son site Internet, mairesdefrance.com, vous permet d’accéder à toute l'information dont vous avez besoin, où vous voulez, quand vous voulez et sur le support de votre choix (ordinateur, tablette, smartphone, ...).