Une gestion proche du terrain, que le représentant de l’État assure en lien avec une commission d’élus, pour la seule DETR. L’instance intervient dans la détermination des catégories des projets à financer et des taux de subvention, ainsi que dans l’allocation des aides d’un montant de plus de 100 000 euros. Les réunions organisées par le préfet donnent lieu à peu de débats, en particulier sur la définition des priorités de financement, relate Michel Lafont, maire de la commune nouvelle Thue-et-Mue (6 150 hab.). Mais, selon ce membre de la commission DETR du Calvados, « les élus locaux s’y retrouvent plus ou moins, car les thématiques prioritaires sont larges ».
Le préfet tente de convaincre les membres de la commission de la nécessité de retenir certains thèmes chers à l’état, analyse, de son côté, Bruno Bethenod, maire d’Arceau (987 hab., Côte-d’Or). Il souligne cependant la qualité du dialogue avec le représentant de l’État.
En Meurthe-et-Moselle, les élus locaux ont insisté pour que les projets d’investissement en matière de voirie soient éligibles à la DETR. Ils ont eu gain de cause, se félicite Rose-Marie Falque, maire d’Azerailles (750 hab.) et présidente de l’association départementale des maires.
Concernant la DSIL – dispositif ayant vocation à financer des projets structurants portés par tous les types de communes et EPCI –, la commission d’élus est seulement informée de la liste des projets retenus par le préfet. La gestion des demandes de subventions qui en relèvent est « opaque », critique Bertrand Hauchecorne, maire de Mareau-aux-Prés (1 600 hab., Loiret).
Un constat partagé par nombre d’édiles, pour qui il faudrait donc créer pour cette dotation-là une commission d’élus équivalente à celle de la DETR, ou élargir les prérogatives de la commission existante.
Selon Rose-Marie Falque, les communes de faible taille et ayant un projet d’investissement « visent la DETR ». La dotation a pour finalité de subventionner les investissements de proximité, portés par les communes et intercommunalités situées en milieu rural. La procédure d’appel à candidatures qui lui est associée a pour avantage d’être « claire et nette », souligne-t-elle.
Mais, aux yeux de beaucoup d’élus locaux, les délais de constitution des dossiers, de 45 jours en moyenne, sont trop courts. Pour la DSIL, ils ne sont guère plus longs – 52 jours, selon une enquête de l’AMF en juillet 2022. Une période de « quatre mois » serait justifiée par la difficulté que rencontrent notamment les petites communes pour obtenir des devis, considère Laurance Bussière, maire de Daubeuf-la-Campagne (238 hab., Eure).
Certaines d’entre elles ratent le coche. C’est une des raisons pour lesquelles des préfets, comme ceux du Calvados et du Loiret, ont instauré une instruction des dossiers «au fil de l’eau ».
Le calendrier de notification des dotations est, lui aussi, perfectible, selon Bertrand Hauchecorne. Après le dépôt des dossiers de candidature en début d’année, l’arrêté attributif n’intervient qu’« au mois d’avril », à l’échéance du vote du budget primitif. Pour la DSIL, la nécessité d’une signature des arrêtés par le préfet de région « peut allonger les délais d’environ un mois », soulignait Christine Pires Beaune, dans un rapport d’octobre 2020.
Dans un tel « brouillard », les maires peinent à « anticiper et à programmer les projets sur une année précise », regrette le co-président de la commission transition écologique de l’AMF.
Pour lui, l’idéal serait que les aides à l’investissement local soient « pluriannuelles ». Cette question de calendrier est particulièrement épineuse dans la période actuelle d’inflation, car les devis ont une durée de validité limitée. Lors de leur actualisation, les prix sont revus à la hausse. Or, la subvention allouée par l’état est calculée sur la première version des devis. Les collectivités doivent donc prendre entièrement à leur charge les écarts de coûts.
De surcroît, les entreprises du BTP sont en surchauffe. Leurs délais d’intervention dérapent, alors que les collectivités sont soumises au respect d’échéances pour le commencement et l’achèvement des travaux subventionnés.
« Nous courons pour lancer à temps la réhabilitation d’une salle des fêtes. Car, à l’ouverture des plis contenant les offres des entreprises, le projet ne rentrait plus dans le budget que nous nous étions fixés. Nous avons dû tout ré-imaginer avec des architectes qui étaient débordés », témoigne Michel Lafont, maire de Thue-et-Mue.
Autre écueil : les multiples pièces justificatives réclamées à l’appui des demandes de subventions et qui supposent parfois la réalisation d’études – par exemple, s’il s’agit d’évaluer l’impact du projet en matière énergétique. Dans le cadre du Fonds vert, la réponse aux renseignements exigés par l’État peut virer au casse-tête. Ainsi, dans le Loiret, les communes candidates aux aides à la modernisation des luminaires installés sur la voie publique sont bien en peine d’indiquer quelle serait la « réduction de la température de couleur moyenne de l’éclairage sur la surface du projet ».
De telles informations doivent pourtant être fournies, en sachant que les subventions ne seront peut-être pas octroyées, notamment parce que les enveloppes de crédits sont parfois très insuffisantes. Dans le Finistère, une ville moyenne va, à elle seule, consommer la moitié des 491 000 euros consacrés à la rénovation de l’éclairage public. Les autres collectivités lauréates n’auront que la moitié restante à se partager, déplore Nadine Kersaudy, maire de Cléden-Cap-Sizun (915 hab.).
Dans une telle situation, les communes disposant de ressources en ingénierie tirent plus facilement leur épingle du jeu. Le savoir-faire de leurs agents dans le montage des dossiers est un réel atout, confirme Michel Lafont. L’élu constate d’ailleurs, sur son territoire, que la création d’une commune nouvelle a été, sous cet angle, un vrai « plus ». Nombre de ses collègues alertent cependant l’état pour qu’il alloue aussi ses dotations aux communes les moins outillées.
Lire aussi l'article de Maires de France :