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février 2021
Culture

Des collectivités s'engagent pour « ouvrir plus » leur bibliothèque

Deux ans après la publication du rapport d'Érik Orsenna, le bilan de l'extension des horaires des bibliothèques s'avère positif, même si elle nécessite des moyens. Par Sophie Le Gall

Illustration
© Ville de Fontainebleau
La médiathèque de Fontainebleau a augmenté son amplitude horaire de 20 à 31 heures. Cela a nécessité le recrutement de quatre agents et de deux vacataires.
Fortement médiatisée en 2018 à la faveur des propositions du rapport de l’académicien Érik Orsenna et de l’inspecteur général des affaires culturelles Noël Corbin, « Voyage au pays des bibliothèques, lire aujourd’hui, lire demain », l’extension des horaires des bibliothèques a réellement commencé trois ans plus tôt en s’appuyant sur le rapport de la sénatrice d’Ille-et-Vilaine Sylvie Robert (lire ci-dessous), « L’extension des horaires d’ouverture des bibliothèques publiques ». « Sur notre territoire, plusieurs bibliothèques n’ont pas attendu 2018 pour ouvrir davantage, souvent à la faveur de la rénovation du bâtiment », confirme ainsi Énora Oulc’hen, conseillère pour le livre et la lecture à la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC) de Bretagne.

Prendre en compte les habitudes de vie

En 2019, à l’échelle nationale, près de 750 équipements situés dans 343 communes affichaient, en moyenne, une augmentation de l’amplitude horaire hebdomadaire de 8 heures 30, selon le rapport de Colette Mélot, sénatrice de Seine-et-Marne, et de Sylvie Robert, présenté en juillet 2020, qui souligne que « 9,1 millions de Français sont concernés ». L’aide financière de l’État, amorcée en 2016 et renforcée en 2018 par le biais de la dotation générale de décentralisation (DGD dont 8 millions d'euros sont fléchés annuellement sur l’extension des horaires), sert à couvrir en moyenne 70 % des dépenses supplémentaires, presque entièrement dédiées au recrutement d’agents titulaires ou de contractuels. Reste que pour les bibliothèques qui ont été les premières à entreprendre d’« Ouvrir plus, ouvrir mieux », selon l’expression chère à Érik Orsenna, cette aide financière, d’une durée de cinq ans, arrive à échéance en 2021. Elles devront à l’avenir se tourner vers les crédits du plan de relance (lire ci-dessous) et puiser dans leurs ressources propres. Si le mouvement semble global, il connaît de nombreuses variantes locales qui sont à mettre en rapport avec la taille des communes. «Les villes de grande taille vont avoir tendance à ouvrir le dimanche car elles disposent d’une équipe étoffée alors que les petites communes vont se positionner sur une soirée ou une journée continue », remarque Énora Oulc’hen. 

8h30 
l’augmentation de l’amplitude horaire hebdomadaire des bibliothèques depuis 2016 (Source : rapport de Colette Mélot et de Sylvie Robert, Sénat, juillet 2020).

C’est à la faveur de sa rénovation que la médiathèque de Fontainebleau (Seine-et-Marne, 15 000 hab.), la Charité Royale, ré-ouverte fin 2019, a augmenté son amplitude horaire de 20 à 31 heures. « La population avait émis le souhait de disposer d’un lieu moins vieillot et mieux dimensionné », précise Judith Reynaud, adjointe à la culture. Pour répartir ces heures supplémentaires, la ville s’est calée sur les habitudes de vie de ses administrés. « Notre ville vit la journée et en semaine. Nous avons ainsi opté pour des ouvertures tardives en début de semaine, sur la pause méridienne et le dimanche après-midi, et non le dimanche matin déjà animé par le marché, très fréquenté, et la messe », détaille l’élue. Une rénovation et une stratégie visiblement payantes : la fréquentation de la médiathèque est passée de 1 230 à 2 330 abonnés actifs entre 2018 et 2020, soit une hausse de près de 100 %. Avec l’accompagnement de la DRAC, la ville a recruté 4 agents et 2 vacataires, « surtout présents le week-end, ce qui permet d’organiser le temps de travail ». 
Depuis septembre 2019, la bibliothèque municipale de Dinan (Côte-d’Armor, 11 000 hab.) est ouverte 33 heures par semaine (24 heures auparavant). « Une enquête auprès de la population nous a permis de cerner les attentes. Nous ouvrons désormais un dimanche après-midi par mois et le mercredi et le samedi, en continu. En quelques mois, nous avions déjà observé une hausse des inscriptions », se félicite Joëlle Le Guiffant, adjointe à la culture. L’aide obtenue auprès de la DRAC de Bretagne a permis de recruter 2 agents supplémentaires et de développer les actions de médiation numérique. 
À Argelès-Gazost (Hautes-Pyrénées), c’est le rôle social de la médiathèque qui a conduit la commune à élargir les horaires d’ouverture. Sur les 3 000 habitants que compte la station thermale, environ un millier sont adhérents à sa médiathèque. Pierre Duval, DGS de la commune, explique cette forte fréquentation par le rôle que joue l’équipement : « un des rares lieux de maintien d’une certaine sociabilité. Une confiance mutuelle entre les 2 agents (1,7 équivalent temps plein) et des personnes isolées peut se créer dans ce lieu qui reste assez intimiste ».

Le choix de la proximité

Des habitants en difficulté sociale ont ainsi pu être réorientés vers le CCAS ou les services du département. Pour valoriser ce lien à la population, la commune a procédé, en octobre 2020, à une hausse du volume horaire hebdomadaire de 28 à 35 heures concentrée sur le vendredi soir et le samedi « afin de correspondre au rythme des habitants qui travaillent en dehors de la ville ». Cette évolution s’est faite sans solliciter d’aide financière auprès de la DRAC, avec un coût estimé à 7 800 € par an. 
« Notre principale difficulté est de devoir compter sur seulement 2 agents et 1 seul en période de congés ou de maladie. Dans ces périodes, nous devons restreindre l’ouverture au public, ce qui n’est pas toujours compris des habitants », commente le DGS.

6 286 370 Français étaient inscrits dans
les bibliothèques publiques en 2020, soit + 4,2 % par rapport à 2019 (arrêté du 12/11/2020). Un chiffre en hausse : ils étaient 6 032 051 en 2019.
(Source : ministère de la Culture). 

L’extension des horaires d’ouverture ne convient cependant pas à toutes les situations. Saint-Herblain (Loire-Atlantique, 46 000 hab.) a ainsi renoncé à ce choix et privilégié avant tout le maillage de son territoire. Comme le souligne ­Frédérique Simon, adjointe à la culture, les cinq bibliothèques municipales – un nombre conséquent rapporté à la taille de la ville – « auraient du mal à ouvrir davantage, affichant déjà une amplitude horaire hebdomadaire de 40 heures depuis plusieurs années ». « Notre priorité est d’être présents dans chaque quartier très peuplé, en particulier dans les deux quartiers prioritaires de la politique de la ville, et d’offrir un service gratuit pour tous », poursuit l’élue. Autre choix qui distingue la commune : ne pas ouvrir le dimanche, « sans intérêt rapporté aux habitudes de la population », mais plutôt renforcer l’accompagnement vers la lecture en passant par le jeu pour le jeune public et par des ateliers d’apprentissage du français pour les adultes. Pour renforcer ce choix de la proximité, la ville travaille actuellement avec sa voisine, Nantes, sur un projet de bibliothèque mobile dans le cadre d’un contrat territoire-lecture : « il s’agit bien d’aller au pied des immeubles », souligne ­Frédérique Simon. 
 

Témoignage
Sylvie Robert, sénatrice d’Ille-et-Vilaine
" il faut préserver les financements "
« Dans le prolongement de mon rapport “L’extension des horaires d’ouverture des bibliothèques publiques”, remis en juillet 2020 et rédigé avec Colette Mélot, sénatrice de Seine-et-Marne, je vais bientôt reprendre mon bâton de pèlerin pour défendre cette cause auprès des élus locaux, même s’ils doivent actuellement faire face à de nombreuses priorités. Je veux leur rappeler que les horaires étendus, en étant plus conformes aux plages de disponibilité des citoyens, entraînent une hausse de la fréquentation et une diversification des publics. C’est donc une réussite, pour leur commune comme pour le service rendu à la population. De plus, l’extension des horaires favorise les embauches, notamment de titulaires. L’urgence est d’assurer la pérennité financière des projets en cours au-delà des cinq années de ­soutien de l’État et de veiller au financement des nouveaux projets. Il faut anticiper dès aujourd’hui la baisse des aides financières, en tenant compte que les budgets 2021 et 2022 seront certainement très ­difficiles à boucler. »
En savoir +
« L’extension des horaires d’ouverture des bibliothèques publiques : une politique d’inclusion culturelle, sociale et territoriale à conforter », rapport du Sénat, juillet 2020. www.senat.fr/notice-rapport/2019/ r19-581-notice.html

 

 

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Cet article a été publié dans l'édition :

n°387 - FEVRIER 2021
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