Violences faites aux femmes : mobiliser les acteurs locaux
De la mise à l'abri à l'accompagnement des victimes, des territoires ruraux s'impliquent. Sans ces initiatives, davantage de féminicides seraient commis.

« Le plus compliqué c’est de rassurer, en trouvant les bons mots pour que la personne comprenne qu’elle n’est pas jugée, que nous sommes là pour l’aider à se reconstruire et que non, ce qui lui arrive n’est pas normal », reprend l’élu. Les élus ont justement été sensibilisés à cela. Ils savent aussi qu’un réseau d’acteurs va se mobiliser pour épauler la victime. « Une femme battue n’est pas seulement victime de violences. Elle est confrontée à l’isolement social, au problème de la scolarisation de ses enfants, bref, à un ensemble de difficultés qui font que le taux de retour chez elle reste catastrophique et ne s’explique pas uniquement pour des questions psychologiques », analyse Simon Rodier. C’est pourquoi la réponse doit, elle aussi, être globale.
Sur ce territoire rural du Puy-de-Dôme, la mobilisation d’élus et de professionnels (de santé, sociaux, etc.) remonte à plus de dix ans. Un réseau baptisé REPROF (REseau de PROtection des Femmes victimes de violences) s’est structuré. C’est ce réseau qui permet aujourd’hui aux élus de ne plus se sentir démunis en cas de drame conjugal. Chacun « sait quoi faire, qui contacter ». « Je vous assure qu’on sous-estime l’effet démultiplicateur de ce genre de réseau, c’est phénoménal », insiste Simon Rodier. Le résultat ? C’est que l’on affronte les situations plutôt que de tourner la tête ailleurs. « Si certains élus se demandent parfois s’ils sont utiles, je vous garantis que, dans ces situations, nous le sommes. »
« En période de confinement, le risque de violences envers les femmes et les enfants est accru, alors que les signalements sont plus difficiles à réaliser par les victimes. » L’inquiétude relayée sur le site de la ville de Bordeaux fin mars s’est confirmée. En Nouvelle Aquitaine, la gendarmerie rapporte 59 % d’interventions en plus par rapport à 2019. Au niveau national, les chiffres de la police et de la gendarmerie indiquaient une remontée des signalements de violences conjugales d’au moins un tiers durant cette période de confinement.
La force d’un réseau
Les appartements sont une partie seulement du dispositif, mais une porte d’entrée déterminante pour amorcer un accompagnement global de la personne, assure Émilie Faye, responsable du CIAS d’Ambert Livradois et Forez, en charge de cette coordination. Les appartements sont répartis sur chacune des sept communautés de communes ayant fusionné en 2017. Certains sont équipés pour héberger une famille avec des enfants notamment en bas âge. Au-delà des quatre jours, le CIAS ou le Service intégré d’accueil et d’orientation (SIAO, 115) peuvent prendre en charge des nuitées supplémentaires, le temps de trouver une solution (un relogement, un hébergement par la famille ou des amis, etc.). Un protocole de coopération relatif à l’hébergement d’urgence des victimes de violences conjugales encadre, depuis 2016, le fonctionnement de ce dispositif sur la communauté de communes. Il a été signé par l’État, le conseil départemental du Puy-de-Dôme, l’ANEF gestionnaire du SIAO (115).
Mieux connaître ces situations, pour mieux les appréhender, ne plus juger et mettre en confiance les femmes victimes de violences, c’est aussi la démarche qui a été suivie à Fontenay-le-Comte (13 226 habitants), en Vendée.
Comme dans le Puy-de-Dôme, des formations ont soudé un groupe de partenaires en leur donnant une « culture commune » et les bases pour organiser la coordination entre eux. Tous les élus ont été sensibilisés par l’association SOS Femmes Vendée, «pour leur expliquer comment accueillir ces victimes, comprendre leur comportement, dans quel mécanisme elles se retrouvent. Et ainsi ne plus considérer qu’il n’est anormal qu’elles retournent chez elles, au contraire. Cela ne veut pas dire qu’elles ne vont pas revenir. Il faut leur ouvrir cette porte le temps qu’elles soient prêtes », explique David Barthélémy, le chef de la police municipale à l’origine du projet et qui en assume la coordination au sein du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD).
Ici aussi, depuis fin 2017, un logement d’urgence est réservé par la commune pour l’accueil de femmes victimes de violences. Elles peuvent y rester vingt-huit jours ou plus si besoin, le temps de trouver un logement dans le parc social de Vendée Habitat. En fait, tout a commencé par là. « Nous constations le retour fréquent de gendarmes démunis face à des violences familiales car ils se retrouvaient en pleine nuit avec une femme traumatisée à laquelle ils devaient trouver un hébergement en urgence », explique le chef de la police municipale. Le maire, Jean-Michel Lalère, lui a fait confiance lorsqu’il a suggéré de trouver un logement pérenne. Il a trouvé les appuis financiers auprès de la direction départementale de la cohésion sociale (État) et monté un partenariat avec l’association SOS Femmes Vendée. C’est elle qui se charge de l’accompagnement des femmes en détresse.
Cet investissement a débouché sur la signature, en septembre 2019, d’un contrat local contre les violences conjugales, sexuelles et sexistes qui engage les services de l’État (préfet, justice, Éducation nationale), le conseil départemental, l’hôpital, le bailleur social ainsi que des associations. Ce contrat structure le réseau des partenaires, au sein du CLSPD. L’enjeu est « le repérage en amont » des victimes de ces violences « pour optimiser leur prise en charge et leur accompagnement ». Cela passe notamment par la coordination entre ces différents acteurs, le partage d’informations, des formations, la diffusion d’outils de communication. Tous les mois au moins, un point est fait sur chaque situation rencontrée.
En 2019, à Fontenay-le-Comte, dix femmes et douze enfants ont été accueillis. Au premier semestre 2020, plus de dix personnes l’avaient déjà été. « C’est le contrecoup du confinement », se désole le maire, qui sait aussi que ce dispositif a permis « de protéger des femmes, de mettre en exergue des familles à risques, et d’éviter que des difficultés n’empirent » pendant cette période. Fin juin, David Barthélémy devait recevoir une machine à laver. Celle d’une ancienne victime qui « en fait cadeau ». « Elle avait bien vu pendant son séjour que nous n’avions pas tous les équipements dans le logement, mais elle nous avait dit : “quand je pourrais vous aider à mon tour, je le ferais.” » « C’est fort », murmure le chef de la police municipale.
Contact
• CIAS d’Ambert.
Tél. 04 73 82 07 60.
• Fontenay-le-Comte. Tél. 06 21 86 30 61.
Depuis le début du confinement, les clients peuvent désormais lire sur leurs tickets de caisse les numéros pour signaler la situation d’une femme victime de violences. Autres mesures déployées : le dispositif d’alerte dans les 21 200 pharmacies, l’ouverture du 114 aux femmes victimes de violences (lire En savoir +), ou la création de permanences dans les centres commerciaux (91 à ce jour), en partenariat avec des associations locales. L’objectif du secrétariat d’État chargé de l’Égalité entre les femmes et les hommes est de « multiplier les points de contact pour que les victimes puissent briser le cycle des violences ». Le secrétariat d’État a par ailleurs financé 20 000 nuitées d’hébergement pour mettre ces femmes à l’abri et mis en place une plateforme d’hébergement des « auteurs de violences », avec le Groupe SOS, « pour qu’ils puissent être éloignés le plus vite possible ». Une ligne d’écoute a été ouverte avec la FNACAV (1) pour essayer « d’empêcher (leur) passage à l’acte ». Depuis le 6 avril, elle a reçu « plus de 500 appels » et environ 100 auteurs « ont accepté un accompagnement psychologique ». Certains de ces dispositifs vont être pérennisés. La décision sera éclairée par les résultats, attendus pour fin juillet, de l’étude commandée sur « la mesure de la prévalence des violences conjugales pendant le confinement et sur les dispositifs à mettre en place dans l’immédiat, en cas de future pandémie ».
(1) Fédération nationale des associations et des centres de prise en charge d’auteurs de violences conjugales & familiales.
• Le 3919, numéro d’écoute national (6j/7, du lundi au samedi, 9h00-19h00).
• Le 114, numéro d’urgence destiné aux personnes sourdes et malentendantes (1), est désormais ouvert à toutes les victimes de violences intrafamiliales qui ne peuvent ni sortir de chez elles ni faire de bruit. Ce numéro, national, est accessible par visiophonie, tchat, SMS ou fax, 24h/24, 7j/7, à condition d’avoir téléchargé l’application sur un smartphone. En retour, l’interlocuteur prévient le SAMU, la police-gendarmerie, les pompiers.
(1) www.info.urgence114.fr
• La plate-forme www.arretonslesviolences.gouv.fr
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Cet article a été publié dans l'édition :
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