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Maires de France


Solutions locales
10/08/2023
Aménagement, urbanisme, logement

Pénurie d'eau. Montauroux gèle les permis de construire

Comme les autres villages de la communauté de communes du Pays de Fayence (83), Montauroux a pris, fin janvier, cette décision extrême compte tenu de la sécheresse.

par Thierry Guerraz
Le couperet est tombé en janvier dernier : pendant cinq ans, les neuf communes varoises (Bagnols-en-Forêt, Callian, Fayence, Mons, Montauroux, Saint-Paul-en-Forêt, Seillans, Tanneron et Tourrettes) de la communauté de communes du Pays de Fayence (CCPF) refuseront toute demande d’autorisation d’urbanisme pour des projets générant la consommation d’eau.

Un vrai séisme dans un territoire, et particulièrement à Montauroux, où les nouvelles résidences ont proliféré avec, pour conséquence, le doublement de la population depuis ces vingt dernières années. Seuls sont exonérées de cette mesure les extensions du bâti, les bâtiments à usage économique et les équipements publics, ainsi que les permis accordés antérieurement à cette décision.

« Nous ne voulions surtout pas nous retrouver plus tard devant le fait accompli : le risque de rupture d’alimentation en eau, un vrai scénario catastrophe ! », commente Jean-Yves Huet, maire de Montauroux et vice-président de la CCPF. Une décision encouragée et soutenue par l’État comme en atteste le courrier du 10 mars 2023 d’Evence Richard, préfet du Var, dans lequel le représentant de l’État souligne qu’il accompagnera les communes en cas de recours de particuliers devant les tribunaux.

René Ugo, maire de Seillans et président de la CCPF, avance toutefois que «si le refus de délivrance sera la règle générale, il n’est pas exclu que des dérogations s’établissent au cas par cas, en fonction des engagements pris antérieurement et de la probabilité de contentieux que pourrait entraîner cette mesure ».

Cette décision prise collégialement par les élus le 31 janvier 2023, au cours d’une réunion avec la préfecture du Var, l’agence de l’eau et la direction départementale des territoires et de la mer est, bien sûr, lourde de conséquences pour les acteurs économiques du BTP. «Mais avions-nous vraiment le choix ?, s’interroge Jean-Yves Huet. Depuis trois ans, la pluie se raréfie dramatiquement, les sols ne cessent de s’assécher ! »
 

L’espoir du lac de Saint-Cassien

Le déficit hydrique s’accumule d’année en année. L’an dernier, la commune de Seillans avait dû recourir aux camions citernes pour se ravitailler en eau potable.

Cette situation se répètera-t-elle cette année ?

Le débit de la Sagniole, la source qui alimente le pays de Fayence, ainsi que les niveaux très bas des deux forages dont bénéficient la CCPF, le laissent penser. Pire, malgré les recommandations et les restrictions imposées aux habitants par les élus, on s’achemine tout droit vers des coupures d’eau temporaires dans certains villages. La CCPF travaille à un plan de communication au cas où plus rien ne sortirait des robinets.

« Ce n’est pas l’hiver sec de cette année avec un rechargement très faible voire inexistant des nappes souterraines et des sources qui incite à l’optimisme », déclare Jean-Yves Huet. En février 2023, la pluviométrie a chuté de 83 % !  Au point de pousser la préfecture du Var à déclencher très précocement l’alerte sécheresse, le 21 mars 2023.

Quelle solution à l’avenir ? «Nous écartons le recours à de nouveaux forages car il n’y a aucune piste allant dans ce sens », affirme Jean-Yves Huet. L’option la plus sérieuse se situe au niveau du lac de Saint-Cassien, un barrage qui pourrait être raccordé au territoire mais qui subit lui-même l’effet de la sécheresse. Un projet à 18 millions d'euros qui nécessite acquisitions foncières, déclaration d’utilité publique et discussions avec la société du Canal de Provence sur la faisabilité financière et technique d’un raccordement.

« Il faudra trouver un terrain d’entente avec le département voisin des Alpes-Maritimes avec lequel nous partageons géographiquement le lac et dont les besoins en eau sont aussi patents. Et un bon équilibre d’usage avec EDF, producteur d’électricité et gestionnaire du lac », estime René Ugo, maire de Seillans. De l’eau passera (ou pas) sous les ponts avant que ne s’offre à la CCPF une perspective de ressource nouvelle. À moins que le ciel n’en décide autrement.
 

Interview
Jean-Yves Huet, maire de Montauroux
et vice-président de la CCPF
« Des réducteurs de débit
ont été posés chez les plus gros consommateurs »

Quelles mesures avez-vous prises pour réduire la consommation d’eau ?
À Montauroux, nous avons voulu, comme sur l’ensemble de la communauté de communes du Pays de Fayence (CCPF), faire appliquer stricto sensu l’arrêté sécheresse départemental pour sensibiliser voire même parfois contraindre. On vient chez nous pour cultiver son jardin, se baigner dans sa piscine.

La consommation d’eau atteint 400 litres par jour et par personne contre 150 litres en moyenne nationale ! Nous avons multiplié les appels à la sobriété via des courriers ou des SMS aux habitants pour les inciter à ne pas dépasser 150 litres quotidiens. Des réducteurs de débit ont été posés chez les plus gros consommateurs. Mais en règle générale, la consigne de pondération a bien été respectée. De plus, la CCPF a considéré qu’il fallait payer l’eau à son juste prix et a augmenté en conséquence son tarif d’eau potable qui peut atteindre jusqu’à 8 euros le m3 pour les plus inconséquents des administrés.

Le monde agricole est-il aussi concerné par des restrictions ?
Oui, bien sûr, mais nous essayons de concilier cela avec notre plan agricole territorial qui a sanctuarisé les terres. Il en va notamment de la subsistance des produits de maraîchage qui alimentent les écoles en bio. Les agriculteurs ont pris la juste mesure de leurs responsabilités.

 
Comment expliquez-vous la forte urbanisation sur votre territoire ?
Nous faisons face à un phénomène de densification, amplifié par la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové du 24 mars 2014 (loi Alur) qui a permis de construire infiniment plus de maisons sur une seule parcelle. Les promoteurs se sont engouffrés dans la brèche. Le plan local d’urbanisme de Montauroux sera révisé. D’ores et déjà, deux opérations d’aménagement et de programmation (OAP) inscrites dans notre plan local d’urbanisme (PLU), qui portaient sur 220 logements, sont suspendues.
 © Thierry Guerraz

 

Les acteurs clés
Les élus : les 9 maires de la communauté de communes du Pays de Fayence ont pris la lourde décision du gel des permis de construire même si des dérogations pourront être accordées.   
La régie des eaux : la communauté gère la compétence eau-assainissement depuis 2020. Pour mutualiser les moyens, les élus ont créé une régie des eaux. Elle intervient en cas de fuites sur le réseau et guide les élus dans la gestion de la ressource et le choix des investissements. Les calculs prévisionnels de la régie (production et consommation d’eau) ont été précieux dans la prise de décision des élus.
Le préfet : il a placé les 9 communes du Pays de Fayence en alerte sécheresse dès le 21 mars 2023 en interdisant le remplissage de piscines, l’arrosage de jardins potagers, etc. Le préfet a invité les élus «à refuser les demandes d’autorisation d’urbanisme en faisant application des art. L. 111.11 et R.111-2 du Code de l’urbanisme » : un maire peut refuser d’accorder un permis de construire s’il n’est pas en mesure d’indiquer dans quel délai les travaux sur les réseaux publics de distribution d’eau, d’assainissement doivent être exécutés. Il peut aussi refuser un projet de construction s’il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique.

 

Documents d’urbanisme : remise à plat
La crise de l’eau incite les deux communes de la communauté de communes du Pays de Fayence qui ne disposent pas encore d’un plan local d’urbanisme (PLU) approuvé à accélérer le mouvement. Les sept autres communes réviseront leur PLU de manière à les harmoniser avec le schéma de cohérence territoriale (SCoT) du Pays de Fayence. Ce dernier est également en cours de révision en incorporant notamment les éléments actualisés en matière de ressources en eau.

Le projet d’aménagement stratégique dans lequel la pause de l’urbanisation sera clairement mentionnée et intégrée devrait être adopté prochainement. Il devra fixer, par tranches de dix années, un objectif de réduction du rythme de l’artificialisation dans la perspective du zéro artificialisation nette (ZAN) prévu, d’ici à 2050, par la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021. L’État encourage fortement ces révisions et précise «qu’à partir du débat sur le projet d’aménagement et de développement durable d’un PLU, les communes pourront surseoir à statuer sur les demandes d’autorisation d’urbanisme ».

 

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Cet article a été publié dans l'édition :

n°414 - JUILLET-AOUT 2023
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