À La Laigne (17), après le séisme, une reconstruction éprouvante
Le 16 juin 2023, un tremblement de terre secoue l'ouest de la France. Le village de La Laigne (487 habitants, Charente-Maritime) en est l'épicentre. Philippe Pelletier, son maire, raconte.
Les gendarmes et pompiers inspectent les bâtiments. «Heureusement, personne n’est blessé ou tué, dit l’élu. C’est un immense soulagement. » Le village doit être évacué. Le maire, dont la maison a été affectée, s’attelle dans l’urgence à reloger les habitants. «La solidarité se met en place, note-t-il. Certains dormiront sous une tente, dans leur voiture, d’autres dans un gymnase ou chez des amis. Lui-même passera la nuit dans une caravane. S’appuyant sur le plan communal de sauvegarde (PCS), il active une «cellule de crise » où figurent conseillers, agents et bénévoles. Il l’installe en mairie (le bâtiment est sain et sauf) où se trouve également le PC des gendarmes.
Au petit matin, le panorama des dégâts se précise. Des maisons sont cisaillées, des murs fendus, lézardés, des cheminées sont au sol. À la demande des pompiers, un barriérage proscrit l’accès aux bâtiments dangereux, des rues sont coupées. Le maire est souvent sollicité par les secours : «Je suis né ici, je connais les habitants et tous les recoins de la commune. »
Les pompiers autorisent des habitants à réintégrer leur foyer. D’autres sont sidérés de voir leur bien inhabitable pour longtemps (le temps que les assurances passent et que des travaux de réparation soient réalisés). Le maire les réconforte, leur propose un suivi psychologique, de l’aide pour les dossiers. Devenu «épicentre de la solidarité », l’hôtel de ville bourdonne. Les élus, dont beaucoup ont aussi leur maison endommagée, listent les toitures endommagées ayant besoin d’être bâchées contre la pluie.
Complexités techniques
Au total, dit le maire, «sur 200 maisons de La Laigne, 64 sont inhabitables et 44 habitables en partie [NDLR : dont la sienne]. Le séisme a abîmé le domicile de presque la moitié de la population ». L’église, très touchée, fait encore l’objet de mesures de consolidation et, dans une moindre mesure, l’école, le cimetière, la salle des fêtes et les locaux techniques.
Les journalistes, le préfet, deux ministres (Transition écologique et le ministre délégué de la Ville et au Logement de l’époque), viennent au village. Des adeptes du tourisme de catastrophe aussi – «On ne peut rien contre eux, juste les égarer s’ils cherchent un lieu ou les dissuader quand ils passent une barrière », souligne Philippe Pelletier, qui fut volontaire dans l’humanitaire et a connu, par exemple, Haïti après le séisme de 2010.
L’état de catastrophe naturelle est déclaré le 7 juillet. Aujourd’hui, le village est semi-désert. Certains sinistrés sont relogés par des bailleurs sociaux. Depuis la mi-septembre, 11 mobil-homes sont installés sur l’ancien terrain de la station-service et accueillent des sinistrés. L’école (46 élèves) – qui sera reconstruite – a pris place dans la bibliothèque et la salle des associations en mairie. Elle déménagera bientôt dans deux mobil-homes. «Des années seront nécessaires pour remettre La Laigne d’équerre », prédit le maire, qui pointe les artisans et experts surmenés et les complexités techniques. Un collectif d’assurés a vu le jour, encouragé par la municipalité. Il veille à la qualité des indemnisations proposées par les compagnies d’assurance. Le maire vient de réouvrir le cimetière, où les tombes abîmées ont été bâchées. «Il n’y a eu heureusement aucun enterrement cet été ». Les devis pour la salle des fêtes se font attendre.
L’élu reste positif : «Si je m’écroule, qui va aider les sinistrés ? Je ne baisse pas les bras mais c’est vrai qu’il va falloir tenir. »
Philippe Pelletier, maire de la laigne (17)
« Mes collègues élus ont été très actifs »
C’est une drôle d’impression, on perd ses repères et le tremblement remonte dans le corps. Tout bouge, encore plus aux étages. Un grondement s’entend, des objets chutent, les parquets grincent, on ne sait si ça va durer – c’est effrayant et ça l’est encore quand tout cesse et qu’on voit les dégâts. Nous n’avons pas eu de victimes mais, côté matériel, quelle pitié de voir des maisons à terre, des tombes éventrées ou l’église bancale !
• Vous jouez un rôle important vis-à-vis de la population. Vous êtes-vous senti seul parfois ?
Non, car on reçoit des marques de soutien des institutions, des associations, des particuliers… C’est le privilège d’être un village et non une ville : on touche plus les cœurs. Mes collègues élus ont été très actifs, nous prêtant des barrières ou des véhicules pour déménager des bâtiments et déblayer des rues. Je citerai aussi la communauté de communes Aunis Atlantique et le département qui, notamment, relogent nos sinistrés, le premier en aménageant le terrain (qui lui appartient) pour les mobil-homes, le second en assurant la maîtrise d’ouvrage de ce relogement.
• Que retenez-vous à ce stade ?
C’est une triste expérience qui aurait pu être pire. Imaginez une magnitude supérieure, et s’il y avait eu un baptême à l’église, le clocher qui tombe, l’assistance touchée, la panique… ou un mariage à la salle des fêtes, et le plafond qui ploie. Alors oui, les obligations sécuritaires sont complexes et coûteuses, par exemple pour équiper un établissement recevant du public (ERP) de panneaux d’évacuation ou d’une ligne de téléphone. On se dit qu’on va investir au fil du temps, trouver moins cher, trouver des compromis mais est-ce un bon raisonnement ? Même si l’État devrait plus nous aider, je vais nous astreindre à être plus réactifs quand des aménagements seront à réaliser.
La préfecture. Le préfet est venu sur place. Ses agents ont notamment aidé le maire dans la rédaction d’arrêtés d’interdiction de telle rue ou de tel secteur. Même dans la crise, le maire voulait «rester dans la légalité ».
• Les associations. Elles ont proposé un appui à la commune, comme le Lion’s club (soutien administratif aux habitants), ou la fondation Diaconesses de Reuilly, mandatée par le Fonds d’urgence pour le relogement déclenché par l’État pour cette occasion, qui prodigue aux victimes de catastrophes naturelles aides financières et soutien psychologique. «Habitat et Humanisme » a fourni les mobil-homes.
• L’assureur public. Smacl Assurances a pris son rôle très au sérieux «dès le départ » selon le maire, avec un interlocuteur dédié et fiable. Le maire s’est adjoint les services d’un « expert d’assuré » pour mieux connaître ses droits et obligations.
Se promettant de consulter des sismologues, Philippe Pelletier s’interroge sur la pertinence d’un plan intercommunal : «Après tout, on est tous concernés par ces plaques qui bougent à quelques kilomètres sous nos pieds… »
L’élu, en tout cas, voudrait maintenant se doter d’une meilleure cartographie des réseaux : «Eau, électricité… un séisme met tout à mal, cela nous aurait permis de repérer plus vite des coupures ». Les cartes qu’il avait, lors du séisme, n’étaient pour lui pas toutes «à jour ou à portée de main ».
Raccourci : mairesdefrance.com/2481
Cet article a été publié dans l'édition :
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