Sécurité du quotidien: jusqu'où s'impliquer ?
Les maires investissent de plus en plus cette compétence. Non sans s'interroger sur les limites à ne pas dépasser.
"Aujourd’hui, 4 000 collectivités locales ont une police municipale, et plus de 30 000 n’en ont donc pas. Mais police municipale ou non, tous les citoyens doivent avoir un égal accès à la sécurité", a alerté Jean-Paul Jeandon, maire de Cergy (95) et co-président de la commission prévention de la délinquance et sécurité de l’AMF, lors du forum sur les polices municipales du 20 novembre. Certains maires ne veulent pas de police municipale, quand d’autres veulent que leurs agents obtiennent davantage de prérogatives (relevé d’identité, accès à certains fichiers, sécurisation des actes pour qu’ils puissent être repris dans les procédures judiciaires, possibilité de fouiller les coffres de voiture...).
"Le principe de l’AMF, c’est la libre administration des collectivités territoriales", précise d’ailleurs son président, David Lisnard (à droite sur la photo). La sécurité, c’est la raison d’être de l’État. Il a été inventé pour protéger le groupe. Sur le terrain, nous constatons, surtout en zone police, que les policiers municipaux sont les primo-intervenants. Or, ils manquent de moyens et d’outils. Il faut permettre aux maires de sécuriser leurs policiers municipaux ». La dernière grande loi régissant les polices municipales a en effet plus de 25 ans (15 avril 1999) et les enjeux de sécurité et de tranquillité publiques ont beaucoup évolué, justifie-t-on du côté du ministère de l’Intérieur.
Les maires décident
Lancé le 5 avril dernier, le "Beauvau des polices municipales" avait dû être interrompu en raison de la dissolution de l’Assemblée nationale. Le ministère de l’Intérieur a choisi le Congrès des maires pour relancer cette réflexion globale sur les missions, les prérogatives et le statut des policiers municipaux et des gardes champêtres, dans le cadre du continuum de sécurité, c’est-à-dire en coordination avec la police et la gendarmerie nationales. Le ministre délégué chargé de la Sécurité du quotidien du gouvernement Barnier et lui-même maire de Valence (26), Nicolas Daragon (à gauche sur la photo), a ouvert le bal le 21 novembre.
Il s’est présenté comme "un allié" des maires, des policiers municipaux, des gardes champêtres et des représentants de l’État et de la justice, avec un postulat de départ clair : "c’est aux maires de décider pour ce qui concerne la création, les effectifs, les prérogatives, ou encore l’équipement de leurs polices municipales et de leurs gardes champêtres. L’État ne doit rien imposer", a-t-il estimé. "La police municipale doit demeurer une police de terrain, une police de proximité et une police de la tranquillité." L’objectif du ministre Nicolas Daragon est d’arriver "à des solutions partagées" grâce à "une concertation" et "une construction commune".
Ainsi, les maires doivent être pleinement "impliqués dans la réalisation des plans d’action départementaux de restauration de la sécurité du quotidien" que les préfets devraient présenter le 15 janvier. Une circulaire des ministres, datée du 19 novembre, leur a été envoyée en ce sens (NOR : INTK2431138J, lire Maire info du 26/11). Par ailleurs, le ministre a annoncé la publication de deux questionnaires en ligne, l’un à destination des élus qui ont une police municipale, l’autre pour le public, afin de "mieux analyser les attentes des maires et de nos citoyens". Ils ne l'ont pas été avant la démission du gouvernement le 5 décembre.
La phase de concertation devait se dérouler jusque fin mars 2025. Après la conclusion du Beauvau début avril, le gouvernement prévoyait d’adopter tout ce qui était possible par voie réglementaire et de faire adopter un texte de loi dans la foulée.
Tout le programme est à nouveau remis en cause.
Attention aux inégalités
Les propos ont été, pour la plupart, bien accueillis par la salle, maires en tête. Les élus posent toutefois des limites. À l’image de Jean Leonetti, maire d’Antibes Juan-les-Pins (06), satisfait des pistes exposées par le ministre, mais qui a exprimé "deux réticences" : "La sécurité est une prérogative de l’État. La police municipale s’occupe de tranquillité publique. Il ne faudrait pas se retrouver dans la situation d’un transfert de charges. Attention [aussi] aux inégalités devant la loi entre les villes riches qui peuvent avoir une police municipale et les autres. Il est de la responsabilité du maire d’avoir ou non une police municipale. À Antibes, c’est presque une obligation. Nous sommes dans une situation à la fois volontaire et imposée." Une réaction qui rejoint la position de Jean-Paul Jeandon, présentée la veille.
Les maires des petites communes, qui n’ont pas de police municipale, ne veulent pas être les oubliés de la sécurité. "Dans ma commune de La Gresle (865 habitants, 42), le policier municipal, c’est moi. Les regroupements de brigades ont créé un problème de distance [pour assurer la sécurité dans la commune]. Les limites départementales empêchent les gendarmes de poursuivre les délinquants au-delà de la frontière départementale. La délinquance arrive dans nos villages et on subit. Nous avons besoin d’une gendarmerie beaucoup plus forte à nos côtés", appuie Isabelle Dugelet, la maire.
Éviter le gâchis
La communication entre entités de sécurité apparaît aussi importante à Frédérique Macarez, maire de Saint-Quentin (02), qui avertit sur le risque lié aux logiciels qui pourraient bloquer la remontée d’informations importantes entre les polices municipales et forces nationales : "Rappelons-nous du gâchis dans les hôpitaux où les logiciels n’étaient pas interopérables. À l’heure de l’intelligence artificielle, il faut trouver les bons moyens pour éviter cela."
En clôture de la séance, le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau (au milieu sur la photo), affirmant qu’une "partie de la société est devenue plus violente", s’est montré plus radical : "Il faut impérativement que les maires se saisissent de la question des polices municipales. La sécurité est l’affaire de tous. Sinon, on n’y arrivera pas. Le sujet est transpartisan. Les clivages ont sauté. (…) La dimension sociale est très importante : il n’y a pas de liberté, pas d’égalité, pas de fraternité quand il n’y a pas d’ordre ! "
Sur les polices municipales (équipements, consultations de fichiers…), Bruno Retailleau voulait aller " le plus loin possible ! " Rien n'a finalement pu être enclenché !
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