Polices municipales : débat autour de l'évolution des prérogatives
A la veille de la relance du Beauvau des polices municipales, le 20 novembre, le ministre chargé de la sécurité quotidienne Nicolas Daragon s'est voulu rassurant, se positionnant du côté des maires, lors du forum du 106e Congrès de l'AMF consacré au « juste équilibre des prérogatives à trouver ».
Et de rappeler un autre principe important : «Qui paye décide » ! Chaque commune doit conserver le droit de décider ou non d’avoir une police municipale, de décider de l’armer ou non. Quant aux prérogatives qui seront proposées, elles doivent restées une option et ne pas être obligatoires. «Aujourd’hui, 4 000 collectivités locales ont une police municipale, et plus de 30 000 n’en ont donc pas. Mais police municipale ou non, tous les citoyens doivent avoir un égal accès à la sécurité », a précisé Jean-Paul Jeandon.
« Nous ne voulons pas être des shérifs »
La police municipale «doit rester une police de proximité », les maires l’ont réaffirmé tout en pointant la nécessité de quelques évolutions. «Il ne s’agit pas de refaire une deuxième police nationale ou une deuxième gendarmerie, mais de répondre à des problèmes que nos polices municipales peuvent rencontrer au quotidien parce que leurs prérogatives sont limitées », a relaté Frédéric Masquelier.
Des évolutions pour gagner en fluidité et en rapidité sur un certain nombre de vérifications et pour permettre de verbaliser certains délits simples, parce qu’aujourd’hui «il faut obligatoirement appeler un gendarme ou un policier national », précise Jean-Claude Labrador, maire de Roura (973). Les maires sont donc d’accord pour une évolution des prérogatives de leurs polices municipales. Mais «jusqu’où-va-t-on ? », c’est la vraie question à se poser selon Jean-Paul Jeandon, avec un débat concernant la judiciarisation des polices municipales et la crainte d’une double autorité. «Si on change complètement de registre avec l’autorité judiciaire alors nous aussi en tant qu’élus nous changeons de registre…
Plus nous faisons évoluer les compétences de la police municipale vers la police nationale, plus nous, nous sommes en train d’évoluer vers des shérifs », a mis en garde Hélène Geoffroy, maire de Vaulx-en-Velin (69), qui s’est dit non favorable à cette évolution. «Je ne veux pas être un shérif, je veux être un maire avec mes responsabilités », a poursuivi Joseph Segura, premier édile de Saint-Laurent du Var (06) et secrétaire général adjoint de l’AMF.
Non à un transfert déguisé
Travailler en complémentarité avec les forces étatiques, comme en a témoigné Brice Ravier, maire d’Amboise (37), oui mais attention à un glissement, «d’un continuum de sécurité à un transfert de sécurité » dont parle le maire de Bordeaux, Pierre Hurmic. Les maires partagent d’ailleurs ce même constat «de prérogatives qui, petit à petit, sont laissées à la police municipale ». Rafika Rezgui, maire de Chilly-Mazarin (91) et vice-présidente de l’AMF, a tenu également à le rappeler : «si nous avons développé une police municipale, c’est en réponse à une forme d’effacement, de délaissement de la part de l’État ».
Reprenant ce mot effacement, le ministre délégué à la sécurité du quotidien, Nicolas Daragon, dit avoir ressenti lui aussi «à un moment donné, quelques difficultés sur les effectifs avec une baisse dont on se souvient tous », mais d’indiquer qu’« un virage a été pris depuis une dizaine d’années, et que les effectifs réaugmentent ».
Se présentant comme un «allié » des maires, avec sa double casquette de ministre et de maire de Valence, Nicolas Daragon a cherché à les rassurer : «pour nous, la ligne rouge à ne pas franchir c’est la libre administration des collectivités », «c’est le maire qui décide parce que c’est l’argent du contribuable », «la police municipale reste une police de proximité, de tranquillité et pas une police judiciaire, de maintien de l’ordre »…Et de présenter son dispositif de boîte à outils de prérogatives : «ce sont les maires qui décideront de prendre ou non, dans cette boîte à outils, la compétence ».
Le ministre entend s'appuyer sur les éléments de la proposition de loi portée par le député des Alpes-Maritimes d’Eric Pauget élargissant les compétences judiciaires des polices municipales, déposée le 17 septembre dernier, mais «rédigés différemment » pour que «ça passe le cap du Conseil constitutionnel ». Le ministre souhaite notamment donner un rôle d’officier de police judiciaire (OPJ) à des policiers municipaux, mais pas «besoin d’en avoir 15 ». Quid des contours précis de ces mesures ? Jean-Paul Jeandon a prévenu : «si cette boîte à outils n’est pas bornée, nous risquons d’avoir des transferts de compétences qui me semblent dangereux pour la République Française ».
La démarche du Beauvau des polices municipales, interrompue par la dissolution, a été relancée jeudi 21 novembre dans le cadre du 106ème Congrès de l’AMF par Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, Nicolas Daragon, ministre délégué à la Sécurité du quotidien, avec David Lisnard, président de l’AMF.
Méthode et calendrier ont été présentés. Dans les prochaines semaines, deux questionnaires seront ouverts en ligne l’un pour les maires ayant une police municipale et l’autre pour le public. Les premières mesures réglementaires sont annoncées à compter du 1er avril, à la suite des travaux de concertation prévus jusqu’au 31 mars, autour de quatre rendez-vous. Le travail législatif devrait aboutir au premier semestre 2025.
Pour l’AMF, il est important de conclure ces travaux et de trouver un accord entre les maires et l’État avant le mois de mars, préalable au processus législatif. L’objectif de cet exercice, selon Nicolas Daragon, est «d’étendre les compétences possibles des policiers municipaux », tout en améliorant le statut des agents. «On ne veut pas de transfert de charge déguisé et non compensé. Le tout est d’apporter du bon sens pour faciliter les missions actuelles », a pointé David Lisnard.
Revoir la vidéo du forum " Polices municipales, le juste équilibre des prérogatives à trouver " :
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Cet article a été publié dans l'édition :
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