Gestion de l'eau : les élus ultramarins veulent des crédits pour agir
Confrontés à la vétusté des réseaux et aux conséquences du réchauffement climatique, les maires demandent à l'Etat de soutenir leurs efforts qui doivent s'adapter aux spécificités de chaque territoire. Le gouvernement n'a, pour l'heure, pas répondu à leurs attentes.
Le manque de moyens et les problèmes d’ingénierie ont été une nouvelle fois soulignés par les élus, de même que la nécessité d’apporter des solutions tenant compte des spécificités de chaque territoire.
Remettre à plat la gestion de la ressource
Mais le ton est particulièrement alarmiste compte tenu du réchauffement climatique qui nécessite des investissements conséquents. En Guyane, touchée par une forte sécheresse, l’Etat a déclenché le plan Orsec à la demande des élus, a rappelé Michel-Ange Jérémie, maire de Sinnamary. «Le niveau des fleuves, principaux moyens de circulation, est au plus bas. Les élus sont en première ligne pour parer aux urgences : distribuer des packs d’eau dont le prix est passé de 2 à 14 euros à cause de l’inflation, trouver des solutions pour permettre aux enfants d’aller à l’école… Nous devons inventer un nouveau modèle de gestion de l’eau », a alerté président de l’association des maires de Guyane.
La sécheresse touche aussi de plein fouet la Martinique «et s’ajoute à la vétusté de notre réseau de canalisation et à la pollution de l’eau résultant des pesticides et notamment du chlordécone, a souligné Justin Pamphile, maire du Lorrain et président de l’association des maires de Martinique. Il faut remettre à plat la gestion de la ressource ».
Mayotte connait une situation similaire «qui se pose avec acuité face à la croissance démographique très soutenue, a expliqué Ibrahim Aboubacar, directeur des services du syndicat Les Eaux de Mayotte. Environ 30 % des personnes ne sont pas raccordées au réseau. Pour celles qui le sont, la sécheresse se traduit parfois par deux jours et demi de privation d’eau par semaine ! Nous avons trois solutions : créer de nouveaux forages, de nouvelles retenues collinaires et accentuer le dessalement de l’eau de mer. Mais ceci nécessite du temps et des moyens que nous n’avons pas ».
Des moyens insuffisants
Dans ce contexte, les élus ont unanimement souligné l’insuffisance des moyens débloqués par l’Etat. «Les élus ressentent une indifférence de l’Hexagone à la situation de plus en plus grave en Outre-mer, a déploré Estelle Youssouffa, députée de Mayotte. Nos populations sont en survie et luttent pour accéder à une ressource essentielle, elles sont légitimement en colère. Je pense qu’il faut créer un «droit opposable à l’accès à l’eau » et l’inscrire dans notre Constitution. L’Etat ne peut plus se contenter de saupoudrer quelques dizaines de millions d’euros en considérant que les problèmes sont réglés ».
Même position de la part d’André Atallah : le maire de Basse-Terre (Guadeloupe) milite pour que «l’eau devienne une grande cause nationale ». « On entend chaque année les mêmes constats et rien ne bouge ! Que faut-il faire pour être écouté ?, s’est interrogé Lucien Saliber, président de l’Assemblée de Martinique.
Il existe certes un «Plan eau DOM » pour une gestion durable de l’eau potable et de l’assainissement, lancé par l’Etat en 2016 pour une période de dix ans, afin notamment de lutter contre les fuites et de favoriser la réutilisation de la ressource. Mais il répond insuffisamment aux besoins spécifiques de chaque territoire.
« Il faut un plan d’urgence pour chaque département copiloté par les élus locaux et l’Etat », estime Michel-Ange Jérémie. «Les solutions sont différentes selon les problématiques. Il faut faire du sur-mesure en s’appuyant sur l’expertise et l’ingénierie locale », a abondé Jocelyn Sapotille, maire du Lamentin et président de l’association des maires de Guadeloupe. «Il faut sacraliser les budgets dédiés à l’eau car c’est un patrimoine commun en danger », a insisté André Flajolet, maire de Saint-Venant (62) et vice-président de l’Office français de la biodiversité (OFB).
Au-delà des moyens, la règlementation trop stricte empêche les élus de développer des solutions. «J’ai construit une école maternelle en demandant une double canalisation pour utiliser les eaux pluviales. L’Etat m’a dit que c’était impossible. Il faut à tout prix assouplir les règles sur la réutilisation des «eaux grises », a témoigné Maurice Gironcel, maire de Sainte-Suzanne, à La Réunion.
« La règlementation a toujours un temps de retard sur l’urgence », a admis Jean-Michel Zammite, directeur des Outre-mer à l’OFB. «Nous voulons avancer mais les services déconcentrés de l’Etat freine nos bonnes intentions sous prétexte par exemple qu’il faut préserver tel lézard au détriment de la réalisation d’un projet ! », s’est emporté Serge Hoareau, maire de Petit-Ile et président de l’association des maires de La Réunion.
Invité à clôturer cette matinée sur l’eau, François-Noël Buffet a laissé les élus sur leur faim. Le ministre des Outre-mer, qui a certes pris ses fonctions il y deux mois seulement, n’a pas apporté de réponse concrète aux attentes des maires. Il a renvoyé les élus au volet «eau » du plan national d’adaptation au changement climatique, présenté en octobre, dont les crédits doivent encore être précisés. Il a annoncé la tenue d’une «grande conférence sur l’eau » en 2025 et celle d’un comité interministériel des Outre-mer (CIOM) «à la fin du premier trimestre 2025 ». François-Noël Buffet est pris en étau entre les demandes pressante des élus locaux et… les contraintes budgétaires. Il a ainsi admis une baisse «de 37 % » des crédits de son ministère. «Nous allons essayer de reconduire les crédits de 2024. L’Etat tiendra ses engagements et sera à vos côtés », a-t-il assuré les maires. Sans les convaincre.
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