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03/03/2021
Entretien Santé

« Il faut associer les élus à une réorganisation du système de santé »

Frédéric Chéreau, co-président de la commission santé de l'AMF, demande à l'État que les élus prennent réellement part à la remise à plat des compétences en matière sanitaire. Propos recueillis par Emmanuelle Stroesser

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© Ville de Douai
Depuis 2020, co-président de la commission santé de l'AMF, avec Véronique Besse, maire des Herbiers (85). Depuis 2014, maire de Douai (39 634 hab., Nord). Conseiller communautaire de Douaisis agglomération.

La campagne de vaccination a débuté. Quel premier bilan en tirez-vous et quelles sont vos recommandations ?
Les agences régionales de santé (ARS) s’y sont très mal prises. Les élus sont demandeurs d’une certaine autonomie d’organisation. Ce serait plus simple et plus efficace. Qu’on nous cadre, qu’on nous indique le nombre de centres de vaccination, pourquoi pas. Mais qu’on nous laisse ensuite, élus locaux et médecins, nous organiser. Cela a été le cas dans certains endroits. Notamment ceux où des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) existent. Elles ont été de très bonnes interlocutrices. Il n’y en a pas partout et c’est sans doute ce qu’il faudrait développer. Mais il est insupportable d’entendre que des maires auraient créé des centres de vaccination de complaisance ! Quand nous ouvrons des centres, ce n’est pas par plaisir, mais par nécessité. Nous aurions bien d’autres choses à faire…

Mi-février, le gouvernement a indiqué que les collectivités pouvaient solliciter le Fonds d’intervention régional des ARS pour compenser les dépenses liées à la campagne de vaccination. De quelles dépenses s’agit-il ?
L’État a jusque-là été flou sur les dépenses prises en charge. Les communes ont engagé des ressources humaines, avec des agents mis à disposition pour tenir les standards des inscriptions pour les vaccinations par exemple. Elles ont aussi parfois mis à dispo­sition des navettes pour transporter des personnes non mobiles, notamment en milieu rural. Nous les encourageons aujourd’hui à identifier ces coûts pour qu’on puisse en faire le calcul avec l’État et assurer le remboursement des collectivités.

Quelle réorganisation proposez-vous pour être plus réactif et améliorer la proximité ?
Nous avions déjà des ARS emmurées dans un pilotage purement financier. Mais les ARS ne peuvent pas devenir des « minis Bercy » régionaux, sans vision stratégique ni travail sur la prévention, sans prendre en compte l’avis des élus voire des professionnels. Nous sommes favorables à ce que les préfets aient un droit de regard sur ces agences. Nous sommes convaincus qu’il faut repenser le système d’organisation de la santé. Nous ne pouvons pas repartir comme si rien ne s’était passé. Le tout ambulatoire, les restrictions de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) ou la baisse du nombre de lits et celle des personnels dans les hôpitaux, tout cela a fragilisé notre système. Redonner plus de poids aux élus ne va pas augmenter les dépenses. Au contraire, car si nous arrivons à développer des politiques intégrées de santé, avec une politique sanitaire reliée aux déterminants (logement, emploi, etc.), alors on pourra réduire des pathologies.

Le « Ségur de la santé » ne semble pas avoir répondu à ces attentes. Que proposez-vous ?
Nous sommes encore sur un pilotage à court terme de la crise de la part de l’État. Nous demandons que les élus soient associés à tous les niveaux, et que le système de santé ne soit pas livré aux seuls techniciens, mais piloté aux niveaux national, régional et local, avec un rôle affirmé des élus. Les outils existent pour cela, comme les contrats locaux de santé (CLS). Ils permettent de croiser les approches, entre l’hôpital (ARS), la médecine de ville (CPAM), les acteurs sociaux, etc. Je rappelle encore que nous avons été à la manœuvre pour trouver des masques quand les CPAM étaient claquemurées derrière des standards téléphoniques et que les ARS ne répondaient plus. S’il est vrai que la santé ne devrait pas nous regarder, au vu de nos compétences, la réalité de terrain et les besoins de la population nous poussent à nous en mêler. Nous sommes des acteurs essentiels.

On parle de la déprime et du mal être qui gagnent la population, jeune ou moins jeune. Les communes peuvent-elles faire quelque chose ?
Les collectivités se mobilisent pour accompagner les personnes fragilisées sur le plan ­économique, social et moral, notamment via les centres communaux d’action sociale. On espère vraiment reprendre une vie collective, ce sera le meilleur des soins pour ceux qui ne souffrent pas de pathologies psychiatriques.

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Cet article a été publié dans l'édition :

n°388 - MARS 2021
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