Faciliter la mobilité, un premier pas vers l'emploi et l'insertion
Auto-école itinérante ou sociale, location de véhicules, covoiturage. Ces solutions pallient les problèmes de mobilité dans les territoires ruraux.

Aussi, les élus de la CC ont décidé de créer, en septembre 2019, la plate-forme Cap Mobilité Plus. Celle-ci est gérée par Agir Val d’Albret, une association d’insertion par l’activité économique. «L’absence de mobilité est un frein à l’insertion sociale et professionnelle », rappelle Valérie Debourges, directrice de l’association. Cette plate-forme regroupe plusieurs services dont une auto-école sociale. Son objectif : permettre à 40 personnes d’obtenir le permis de conduire d’ici deux ans. Le public visé : des personnes relevant du dispositif FLE (Français langue étrangère), les moins de 26 ans bénéficiaires du RSA et des personnes en situation de handicap. L’enseignement du code et de la conduite a été confié à l’auto-école Albret «qui a souhaité nous dédier du temps », indique la directrice. Parallèlement, Cap Mobilité Plus a acheté 70 scooters électriques. Ils sont proposés à la location et répondent aux besoins des personnes dont la voiture est tombée en panne. L’association dispose également de quatre voitures mises à sa disposition par le réseau de garages solidaires Apreva. « Sans mode de transport, les travailleurs pauvres risquent de perdre leur emploi », souligne Valérie Debourges.
Mobilité inclusive en Ardèche
Cette plate-forme représente un investissement de 100 000 €, financés à 80 % par le programme européen Leader, la région Nouvelle Aquitaine, la fondation Norauto et la Mutuelle sociale agricole. Le Fonds d’action sociale du travail temporaire prend en charge une partie du coût de location des scooters et des permis afin de sécuriser l’emploi des intérimaires. Pour Alain Lorenzelli, « en milieu rural, il faut développer un ensemble de services pour répondre aux différents besoins de déplacement ». C’est pourquoi, d’ici fin 2019, plus de 150 aires de covoiturage seront ouvertes dans le territoire d’Albret. Cette opération, chiffrée à 70 000 €, s’accompagnera d’une organisation de l’auto-stop via l’appli Rezo Pouce (1).
En Ardèche, les intercommunalités de Rhône Crussol, Pays de Lamastre et Arche Agglo ont décidé de créer une auto-école itinérante. Son objectif est de pallier les difficultés des jeunes pour se rendre en ville afin de suivre des cours de code. Ce projet a mis trois ans pour voir le jour. En cause : son côté innovant. « Il n’existe pas en France d’auto-école itinérante », affirme Félix Pelaez, directeur général du groupe Tremplin, spécialiste de l’insertion sociale et professionnelle, en charge de ce projet. Intéressé par cette innovation, le sous-préfet de Tournon a délivré un agrément dérogatoire à cette école. L’expérimentation sera menée pendant un an. Période pendant laquelle les mairies d’Alboussière, Boffres, Gilhoc-sur-Ormèze et Saint-Victor mettront des salles à la disposition du moniteur d’auto-école. «Les personnes fragilisées pourraient intégrer l’une de nos deux auto-écoles sociales basées à Tournon et à Annonay, mais comme elles n’ont pas de moyen pour s’y rendre, l’auto-école itinérante ira à leur rencontre », explique Félix Pelaez. Comme dans tous les départements ruraux, le permis de conduire est un sésame pour accéder à l’emploi et à la formation. «En Ardèche, il n’y a pas de train de voyageurs et les horaires des cars interurbains ne correspondent pas à ceux des entreprises », poursuit Philippe Ponton, maire d’Alboussière (1 048 habitants) et président de la CC de Rhône Crussol. Autre problématique : la localisation des zones d’emploi. Celles-ci sont majoritairement concentrées dans l’agglomération de Valence (26). « En facilitant le passage du permis de conduire, l’auto-école itinérante va favoriser une mobilité inclusive ». C’est ce qui a plu à la région Auvergne-Rhône-Alpes qui a participé au financement de cette structure. Pour Olivier Amrane, conseiller régional délégué à la ruralité, «les jeunes qui habitent dans des zones peu denses subissent une double peine : ils ont des difficultés pour accéder à une auto-école et, généralement, ils ont du mal à financer le permis ».
Une auto-école pour revitaliser une ville
Pour mener à bien ce projet, le groupe Tremplin a investi environ 100 000 €, subventionné en partie par la région et l’Ardèche. Le 15 octobre 2019, les trois EPCI ont donné un accord de principe pour participer au fonctionnement de cette auto-école. Le groupe Tremplin estime que 20 personnes pourraient intégrer ce dispositif de formation. Les premiers cours ont débuté le 2 novembre 2019.
Autre initiative : celle de la mairie de Saint-Ouen-des-Alleux (35) qui a facilité l’installation d’une auto-école. Sa directrice, Marie-Noëlle Bourdois, occupe depuis un an les locaux de l’ancienne pharmacie, rachetée et rénovée par la commune. « Cette activité est arrivée en tête de celles que nous avions proposées pour revitaliser le centre-ville », indique Pierre Thomas, le maire. Un besoin découlant du développement démographique de cette commune. En effet, depuis l’ouverture de l’A84 en 2001, la population est passée de 800 à 1 300 habitants aujourd’hui. « Chaque année, nous enregistrons entre 30 et 35 naissances. Les enfants nés entre 2001 et 2004 ont l’âge de passer le permis de conduire. » Jusqu’en septembre 2018, ils devaient parcourir 15 km pour trouver une auto-école. Très compliqué en l’absence de transport public. En un an, la monitrice a développé sa clientèle et 30 % de ses élèves viennent de la région parisienne pour suivre des stages. La raison ? Il est plus simple et plus facile de passer son permis en province. « Paris est à 1h15 en train de chez nous », rappelle le maire. Reste que la commune ne disposait pas d’hôtel pour accueillir ces candidats. C’est pourquoi elle a acheté, en mai 2019, une maison qu’elle va transformer en logements. « D’ici huit mois, nous proposerons des chambres à la location. Et un établissement de restauration rapide ouvrira ses portes à côté de l’auto-école », annonce Pierre Thomas.
Le projet de loi d’orientation des mobilités (LOM) qui a été définitivement adopté par le Parlement, le 18 novembre 2019, prévoit plusieurs mesures pour favoriser la mobilité dans les territoires peu denses. Les communautés de communes pourront devenir des autorités organisatrices de la mobilité (AOM), et la région sera chef de file de la mobilité. Elles seront compétentes pour organiser et développer les mobilités partagées (covoiturage, autopartage) et les mobilités actives (vélo, marche). Elles pourront élaborer un plan de mobilité rural pour améliorer la mise en œuvre du droit à la mobilité.
La plate-forme France Mobilité a été créée à l’initiative du ministère de la Transition écologique et solidaire et de celui des Transports en lien avec le Cerema, l’Ademe et la Banque des territoires. Ce laboratoire d’expérimentations a pour vocation de faire émerger des projets innovants facilitant la mobilité dans tous les territoires. Les cellules régionales apportent un appui à l’ingénierie et donnent de la visibilité aux acteurs de la mobilité sur les aides publiques disponibles. C’est aussi un lieu d’échanges, de mise en relation des différents acteurs de la mobilité et de partage des bonnes pratiques. France Mobilité relaie également les différents appels à projets et manifestation d’intérêt.
www.francemobilite.fr

chef de Groupe politiques de mobilité-déplacement durable au Cerema
elles ont ce type de service en interne et elles ne savent pas toujours comment faire. Elles risquent donc de se lancer dans des projets coûteux qui ne vont rien apporter.
Le Cerema, via les cellules d’appui de la plate-forme France Mobilité (lire ci-contre), accompagne les collectivités dans l’élaboration de socles stratégiques, à partir desquels plusieurs solutions peuvent être déployées en zone rurale. Le covoiturage en est une s’il est adapté et dimensionné à l’échelle du territoire. Le vélo – deuxième mode le plus utilisé en milieu rural – est aussi une solution pour se déplacer. Autres solutions, la mutualisation des transports scolaires et le transport d’utilité sociale : c’est la possibilité donnée à des bénévoles de transporter des personnes en difficulté. Enfin, il est possible de mettre en place une mobilité inversée, c’est-à-dire apporter des services dans les centres-bourgs pour limiter les déplacements. »
Pour aller plus loin
• Financements européens : www.europe-en-france.gouv.fr
• Fédération nationale des territoires ruraux : www.leaderfrance.fr
• FASTT : www.fastt.org
• Cerema : www.cerema.fr
• Ademe : www.ademe.fr
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Cet article a été publié dans l'édition :
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