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Maires de France


Interco et territoires
01/01/1970 MAI 2021 - n°390
Culture

Les communes au chevet de la culture en crise

Frappé par la crise sanitaire, le secteur culturel vit des heures difficiles. Solidaires, les collectivités multiplient les mesures de soutien. Par Thierry Butzbach

Des artistes occupent l'opéra de Nantes (44), en mars. Pour garantir notamment leur revenu, la ville a débloqué un fonds d'urgence de 4 millions d'euros.
© Thierry Butzbach
Des artistes occupent l'opéra de Nantes (44), en mars. Pour garantir notamment leur revenu, la ville a débloqué un fonds d'urgence de 4 millions d'euros.
La culture est en danger. Alors que les occupations des lieux culturels se multiplient depuis février pour dénoncer le danger qui plane sur les filières professionnelles du spectacle, élus et citoyens manifestent sans relâche pour réclamer la réouverture progressive des établissements culturels recevant du public, même s’il faut réduire les jauges et renforcer les protocoles sanitaires. L’AMF a notamment déploré « l’absence de démarche territorialisée et l’iniquité de traitement qui est appliquée au domaine culturel, quand bien même les équipements culturels, soumis à des protocoles sanitaires stricts, ont su faire preuve de leur efficacité pour offrir les meilleures conditions de sécurité possibles ». « La culture, c’est l’âme de nos communes », fait valoir Jean-Marc Vayssouze-Faure, co-président de la commission culture de l’AMF. Comme d’autres, le maire de Cahors (46) a multiplié les initiatives en faveur d’une « culture résiliente » avec notamment des concerts-­gourmands («  Mets jeudis à Cahors ») dans les rues piétonnes de la ville. À Dole (39), l’équipe municipale a favorisé la création des « Brigades d’interventions culturelles » qui proposent des spectacles dans l’espace public ou à domicile. Partout, les collectivités ont favorisé la diffusion numérique de spectacles et multiplié l’accueil de résidences d’artistes (lire aussi « Les élus se démènent pour maintenir une vie culturelle »Maires de France n° 384 de novembre 2020, pp. 36-39).  
Pour soutenir une dizaine de cinémas indépendants, la région Grand-Est et la Banque des territoires ont créé un outil de financement à long terme : une foncière des cinémas indépendants. « Elle propose aux propriétaires d’établissements de cinémas en difficulté d’acheter leurs murs tout en leur permettant de continuer à les exploiter en bénéficiant d’un allégement de charges, avec une option d’achat au bout de cinq à dix ans », précise la collectivité qui investit 1,5 million d’euros dans ce dispositif.
 

Maintien des subventions

Tous les acteurs du secteur culturel (80 000 entreprises culturelles, pour la plupart TPE et PME, représentant 670 000 emplois, selon le ministère de la Culture) sont à genoux. Mais les communes souffrent également. « La fermeture du Casino nous a fait perdre 2 M€ d’entrées fiscales sur un budget de fonctionnement de 12 M€. Pour y faire face, nous avons dû nous résoudre à voter une hausse de 28 % de la taxe foncière cette année », témoigne Romain Bail, le maire de Ouistreham (14). L’effort bénéficiera en partie aux associations sportives et culturelles, jugées « essentielles », dont les subventions seront maintenues, voire légèrement revues à la hausse cette année (+ 5 %). L’an passé, la crise de la Covid-19 a aussi « coûté » 1 M€ à Saint-Gilles-Croix-de-Vie (85), entre les manques à gagner et la mise en place des mesures sanitaires. Pour autant, « le conseil municipal a voté la compensation de 20 à 40 % des pertes de billetterie et réglé tous les cachets, même ceux des spectacles annulés », comptabilise François Blanchet, maire de la station balnéaire. Les effets de la crise se feront sentir jusqu’en 2022, selon les professionnels. Aussi, comme en 2020, la plupart des municipalités ont maintenu cette année leur niveau de subventions au secteur culturel, en s’engageant à verser le montant voté, que les spectacles aient lieu ou pas. C’est le cas d’Avignon (84) qui, en plus, a maintenu ses appels à projets et mis en place un plan de relance de 200 000 € pour la culture. À Nantes (44) comme à Lyon (69), le conseil municipal a voté la création d’un fonds d’urgence (respectivement de 4 M€ et 1 M€) destiné à soutenir l’écosystème culturel local, notamment pour garantir le revenu des artistes. « Il faut, bien évidemment, veiller à maintenir les structures, mais il ne faut surtout pas oublier les équipes qui assureront l’activité à la reprise », souligne Nicolas Dubourg, président du Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles (Syndeac). L’État a pris la mesure du péril et présenté, à l’automne 2020, un vaste plan de relance pour soutenir le secteur culturel (lire ci-dessous), qui bénéficie par ailleurs des aides nationales (fonds de soutien, etc.) et sectorielles mises en œuvres par les différentes institutions de tutelle (Centre national du cinéma et de l’image animée, Centre national du livre, etc.). La plupart des régions ont également apporté leur contribution pour soutenir directement les équipements et structures culturelles locales. En Auvergne-Rhône-Alpes, le plan de sauvetage global atteint 32 M€ et comprend un fonds d’urgence, une participation aux frais fixes des structures, une compensation de la perte des recettes et une aide à la création artistique.
 

Plan de relance : 2 milliards d'euros annoncés
À l'automne 2020, l'État a dévoilé la mise en œuvre d'un vaste plan de relance de 2 milliards d'euros pour redynamiser le secteur culturel et soutenir l'activité du secteur. L'initiative vise d'abord le patrimoine (614 M€), qui allie activité et attractivité, mais aussi le soutien à la création et à la diffusion artistique (426 M€), à l'emploi artistique (113 M€), la consolidation et la modernisation des filières culturelles (presse, livre, cinéma et audiovisuel, 428 M€) et la mise en place d'une stratégie d'avenir pour l'ensemble des industries culturelles et créatives (419 M€). Dans les territoires, 460 M€ seront répartis entre le patrimoine (280 M€) et le spectacle vivant (80 M€). L'État a aussi annoncé, en mars, 100 M€ supplémentaires pour soutenir les artistes et les festivals.



Les petites communes en difficulté

De leur côté, les petites communes pâtissent des effets de la crise. À Penmarch (5 200 hab., 22), elle a largement impacté les recettes du cinéma municipal, de la salle de spectacle et du musée du Vieux phare. La baisse de revenus est estimée à 200 000 € en 2020 sur un budget de fonctionnement de 6,5 M€, dont 1,5 M€ de charges à caractère général. Une perte sèche que la commune doit supporter quasiment seule : « Hormis une aide de 4 500 € de la région, nos petits équipements ne sont jamais éligibles aux différentes aides sectorielles des institutions et du ministère de la Culture », se désole Yohan Madec, directeur général des services. Le paradoxe est flagrant : « Quand une commune fait l’effort de mener une vraie politique culturelle, elle est mal soutenue », regrette Jean-Philippe Lefèvre, maire de Dole (39) et ancien président de la Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture. Dans ce contexte, 2021 sonne l’heure des choix. « On s’attend à ce que l’activité culturelle baisse à nouveau de 25 %, comme en 2020. Dès lors, les élus doivent organiser le redéploiement des budgets en tenant compte de l’enseignement révélé par la crise actuelle : la culture répond certes à une soif artistique mais aussi à un besoin de socialisation », souligne Guy Saez, directeur de recherche émérite au CNRS. La décision des élus sera d’autant plus cruciale que le bloc communal finance près de la moitié de la dépense culturelle publique (7,2 Mds€ sur 16,5 Mds€), devant l’État (7,1 Mds€), les régions (1,2 Mds€) et les départements (1 Mds€).

 

Témoignage
Frédéric Hocquard, président de la Fédération
nationale des collectivités territoriales pour
la culture (FNCC)
« Territorialiser les aides à la culture »
« Beaucoup de collectivités font des efforts pour soutenir localement le secteur culturel. Le souci, c'est qu'elles le font à budget constant et que leurs finances ne sont pas extensibles. Comme la culture n'est pas une compétence obligatoire, il y a un risque de voir certaines collectivités s'en détourner à terme par manque de moyens. Pour pallier ce danger, il faut réfléchir à mieux territorialiser les actions de soutien à la culture, à imaginer d'autres formes de redistribution des aides publiques. Car les besoins ne sont pas identiques à Paris et à Cahors. Un premier pas a déjà été fait avec la création des conseils territoriaux pour la culture en région, qui ont montré la pertinence d'un dialogue de proximité. La crise actuelle est l'occasion d'aller plus loin dans la coopération entre l'État, les collectivités territoriales et les professionnels en matière de politique culturelle. » 

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