Tous les acteurs du secteur culturel (80 000 entreprises culturelles, pour la plupart TPE et PME, représentant 670 000 emplois, selon le ministère de la Culture) sont à genoux. Mais les communes souffrent également. « La fermeture du Casino nous a fait perdre 2 M€ d’entrées fiscales sur un budget de fonctionnement de 12 M€. Pour y faire face, nous avons dû nous résoudre à voter une hausse de 28 % de la taxe foncière cette année », témoigne Romain Bail, le maire de Ouistreham (14). L’effort bénéficiera en partie aux associations sportives et culturelles, jugées « essentielles », dont les subventions seront maintenues, voire légèrement revues à la hausse cette année (+ 5 %). L’an passé, la crise de la Covid-19 a aussi « coûté » 1 M€ à Saint-Gilles-Croix-de-Vie (85), entre les manques à gagner et la mise en place des mesures sanitaires. Pour autant, « le conseil municipal a voté la compensation de 20 à 40 % des pertes de billetterie et réglé tous les cachets, même ceux des spectacles annulés », comptabilise François Blanchet, maire de la station balnéaire. Les effets de la crise se feront sentir jusqu’en 2022, selon les professionnels. Aussi, comme en 2020, la plupart des municipalités ont maintenu cette année leur niveau de subventions au secteur culturel, en s’engageant à verser le montant voté, que les spectacles aient lieu ou pas. C’est le cas d’Avignon (84) qui, en plus, a maintenu ses appels à projets et mis en place un plan de relance de 200 000 € pour la culture. À Nantes (44) comme à Lyon (69), le conseil municipal a voté la création d’un fonds d’urgence (respectivement de 4 M€ et 1 M€) destiné à soutenir l’écosystème culturel local, notamment pour garantir le revenu des artistes. « Il faut, bien évidemment, veiller à maintenir les structures, mais il ne faut surtout pas oublier les équipes qui assureront l’activité à la reprise », souligne Nicolas Dubourg, président du Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles (Syndeac). L’État a pris la mesure du péril et présenté, à l’automne 2020, un vaste plan de relance pour soutenir le secteur culturel (lire ci-dessous), qui bénéficie par ailleurs des aides nationales (fonds de soutien, etc.) et sectorielles mises en œuvres par les différentes institutions de tutelle (Centre national du cinéma et de l’image animée, Centre national du livre, etc.). La plupart des régions ont également apporté leur contribution pour soutenir directement les équipements et structures culturelles locales. En Auvergne-Rhône-Alpes, le plan de sauvetage global atteint 32 M€ et comprend un fonds d’urgence, une participation aux frais fixes des structures, une compensation de la perte des recettes et une aide à la création artistique.
De leur côté, les petites communes pâtissent des effets de la crise. À Penmarch (5 200 hab., 22), elle a largement impacté les recettes du cinéma municipal, de la salle de spectacle et du musée du Vieux phare. La baisse de revenus est estimée à 200 000 € en 2020 sur un budget de fonctionnement de 6,5 M€, dont 1,5 M€ de charges à caractère général. Une perte sèche que la commune doit supporter quasiment seule : « Hormis une aide de 4 500 € de la région, nos petits équipements ne sont jamais éligibles aux différentes aides sectorielles des institutions et du ministère de la Culture », se désole Yohan Madec, directeur général des services. Le paradoxe est flagrant : « Quand une commune fait l’effort de mener une vraie politique culturelle, elle est mal soutenue », regrette Jean-Philippe Lefèvre, maire de Dole (39) et ancien président de la Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture. Dans ce contexte, 2021 sonne l’heure des choix. « On s’attend à ce que l’activité culturelle baisse à nouveau de 25 %, comme en 2020. Dès lors, les élus doivent organiser le redéploiement des budgets en tenant compte de l’enseignement révélé par la crise actuelle : la culture répond certes à une soif artistique mais aussi à un besoin de socialisation », souligne Guy Saez, directeur de recherche émérite au CNRS. La décision des élus sera d’autant plus cruciale que le bloc communal finance près de la moitié de la dépense culturelle publique (7,2 Mds€ sur 16,5 Mds€), devant l’État (7,1 Mds€), les régions (1,2 Mds€) et les départements (1 Mds€).