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Maires de France
Pratique
10/11/2023
Energie Environnement

Gérer l'éclairage public dans sa commune

L'éclairage public est un gouffre énergétique. Sa modernisation permet de réaliser des économies tout en améliorant sa qualité.

Par Fabienne Nedey
Illustration
© AdobeStock
Deux milliards d'euros sont chaque année dépensés dans l'éclairage urbain en France, dont 1 milliard d'euros consacré uniquement à la maintenance. Source : Association française de l'éclairage, 2019.
Le gouvernement a présenté, il y a un an, un plan sobriété énergétique qui implique largement les collectivités territoriales. Elles doivent notamment s’engager à baisser la consommation d’électricité en matière d’éclairage public, qui «représente en moyenne 30 % des dépenses d’électricité d’une collectivité », explique Jean-Pierre Bouquet, maire de Vitry-le-François (52) et président délégué de l’association Les Éco maires.

Elle a publié, avec le Syndicat de l’éclairage, un guide pour aider les maires à agir. Seuls 15 % seulement des 11 millions de lampadaires sont des leds. Or, la modernisation de l’éclairage public, incluant la maintenance, pourrait potentiellement représenter 50 à 80 % d’économies d’énergie pour les collectivités. Mais il ne s’agit pas «que » de remplacer les ampoules, d’opter pour des coupures ou pour une extinction pure et simple de l’éclairage nocturne.

La rénovation de l’éclairage soulève des enjeux technologiques et environnementaux. Les communes peuvent développer un éclairage intelligent. Selon la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), l’éclairage public capable de s’allumer à la demande permet à lui seul de générer 30 % d’économies. Elles peuvent aussi inclure dans leurs projets une réduction des nuisances lumineuses.
 

I - Diagnostiquer son parc et évaluer les besoins

Engager un audit patrimonial (nombre de points lumineux, type de source, puissance, vétusté, recensement des armoires et de leur état) est indispensable. De très nombreuses communes comptent encore beaucoup de lampes à vapeur de mercure, interdites depuis des années. Et tous les points lumineux sont loin de respecter les exigences de l’arrêté du 27 décembre 2018 (JO du 28/12) relatif à la prévention, à la réduction et à la limitation des nuisances lumineuses.

Il convient de reconsidérer les besoins (hiérarchisation des voies, sectorisation, temporalité d’éclairage, prise en compte des aménagements à venir…) et, idéalement, de faire une étude environnementale relative à l’impact de l’éclairage sur la biodiversité. Des réunions publiques permettront de cerner les attentes des habitants et d’identifier certains points sensibles sur lesquels des solutions spécifiques devront être recherchées.
 

II - Faire les bons choix d’équipements

À Charleville-Mézières, dans les Ardennes, ces études ayant déjà été menées, des investissements étaient dans les cartons. La multiplication par quatre des prix de l’énergie, fin 2022, a accéléré le processus : un renouvellement total de l’éclairage public vient d’être engagé. Investissement : 24 millions d'euros sur quinze ans. La première tranche, de 13 millions d'euros en quatre ans, concentre les travaux ayant le plus d’impacts sur le plan de l’efficacité, pour une baisse de consommation de 82 % attendue en 2027.

« Les investissements des années suivantes permettront de conforter la performance et l’exploitation de ce parc (éclairage public et signalisation) remis en état, pilotable selon les besoins en terme de niveaux d’intensité d’éclairage et télégéré… », détaille Alain Barthélemy, adjoint au maire chargé de l’urbanisme, du patrimoine, des grands travaux et des mobilités.

Quelle que soit la taille de la collectivité, il faut penser que la reconstruction de cette infrastructure se fait pour quinze ans au moins (avec un premier retour sur investissement entre trois et cinq ans après environ), prendre le temps de définir ce que l’on en attend, choisir des équipements répondant aux besoins actuels et futurs, en portant une attention particulière à la facilité d’entretien et de maintenance.
 

III - Lutter contre la pollution lumineuse

Rénover le parc est l’occasion de réduire éventuellement le nombre de points lumineux (enlever ceux qui ne sont pas utiles), de bien les régler pour ne pas éclairer le ciel, de les mettre aux normes (arrêté du 27 décembre 2018). Les collectivités peuvent notamment travailler avec l’Association nationale pour la protection du ciel et de l’environnement nocturnes (ANPCEN, lire ci-dessous).

Lutter contre les nuisances lumineuses renvoie souvent à la problématique de l’extinction de l’éclairage, sur laquelle mieux vaut ne pas être dogmatique : c’est un outil qui peut être pertinent, mais les bénéfices et les inconvénients sont à évaluer (lire ci-dessous).

Tramayes (1 000 hab., Saône-et-Loire) fait figure de pionnière pour sa gestion économe de l’éclairage public et son souci de réduire la pollution lumineuse, dès 2006 ! Chaque rue du bourg disposait de lampadaires (pas d’éclairage dans les hameaux) pilotés par une cellule photoélectrique se déclenchant selon la luminosité. Mais le temps d’éclairage variait, selon les cas, entre 9 et 11 heures par jour. La première idée a été de passer à des horloges astronomiques mais très vite, une réflexion sur l’extinction a été engagée «au nom des impacts sur la biodiversité », explique Michel Maya, le maire.

Le projet d’extinction a fait l’objet d’une réunion publique, a été inscrit au programme lors des élections municipales de 2008 et appliqué tout de suite après. La coupure, de minuit à 6 heures du matin, a fait, au fil du temps, l’objet de quelques aménagements pour corriger les soucis : un projecteur avec extinction programmée après 15 minutes pour le parking de la salle des fêtes, une solution pour le terrain de boules, des ajustements horaires. La consommation d’énergie a été divisée par trois par rapport à 2006. La commune travaille maintenant avec le syndicat départemental d’énergie pour basculer sur des leds. Objectif : diviser par cinq la consommation.
 

IV - Trouver les financements

Des possibilités de subventions existent : certificats d’économies d’énergie, programme Lum’acte de la FNCCR, Fonds vert. Pour y accéder, il faut un peu d’ingénierie financière. Le reste à charge peut constituer un obstacle majeur pour une petite commune, mais il y a des solutions, comme le dispositif «d’intracting ».

Le Syndicat départemental d’énergie de Saône-et-Loire mobilise, par exemple, le Fonds vert. Ce dispositif, porté par la Banque des territoires, consent une avance aux collectivités qu’elles remboursent via les économies réalisées dans un délai inférieur à treize ans.

Objectif : remplacer, en trois ans, 18 000 luminaires pour un coût évalué à 17 millions d'euros. «En 2023, l’investissement programmé pour en changer 6 000 est de 5,5 millions d'euros : aide du Fonds vert de 1,695 millions d'euros, enveloppe débloquée par le syndicat de 1,35 million d'euros, 35 % de reste à charge pour les communes rurales et 70 % pour les communes urbaines », précise Yann ­Jaccon, directeur des services techniques du syndicat.
 

Extinction : quelle responsabilité du maire ?

Questionné sur le sujet l’an dernier par un sénateur, le gouvernement a rappelé l’absence d’obligation d’éclairage : il appartient «à la commune de déterminer les lieux nécessitant d’être éclairés ». Toutefois, pour éviter la recherche, par un juge, d’une éventuelle faute du maire dans l’exercice de ses pouvoirs de police en cas de défaut d’éclairage ayant causé un accident, l’État recommande «des mesures de signalisation visibles de nuit (panneaux réfléchissants ou clignotants) avertissant des dangers ».

 

Avis d’expert
Wilfried Kopec, chef du département AIR
(autres infrastructures en réseau) à la Fédération nationale des collectivités concédantes
et régies (FNCCR)
« La rénovation comporte
de multiples enjeux »
« Le parc d’éclairage public est vieillissant : 40 % des luminaires a plus de 25 ans. Au-delà de l’extinction dont on parle beaucoup, ce n’est pas une bonne chose de laisser en place une telle installation, de plus énergivore. D’ailleurs, même éteinte partiellement la nuit, elle consommera toujours plus qu’une installation moderne.

En outre, il y a un danger à laisser vieillir un réseau électrique situé sur le domaine public. Se poser la question de la rénovation, c’est intégrer l’idée qu’on n’est plus uniquement sur l’enjeu de «rendre de la lumière ». Il y a les exigences réglementaires et les problématiques de puissance lumineuse (arrêté du 27 décembre 2018), la prise en compte de l’environnement et de la biodiversité, une nouvelle donne technologique, la possibilité de faire jouer d’autres rôles à ces points lumineux (vidéoprotection, capteurs de pollution, borne wifi, recharge pour vélos, gestion intelligente des parkings…).

Il s’agit donc de mener une étude sérieuse sur ce que l’on veut faire de cette infrastructure. Et pour accéder à des outils performants, la mutualisation est un élément clé : une massification du parc, avec une taille critique autour de 40 000 à 50 000 points lumineux, est nécessaire. Elle correspond en général à l’échelle des syndicats départementaux d’énergie. »
Infos pratiques
Réseau des territoires à énergie positive (TEPOS)  
• Le Réseau pour la transition énergétique (anciennement Comité de liaison pour les énergies renouvelables - CLER) est une association française agréée pour la protection de l’environnement, créée en 1984. Il promeut les énergies renouvelables, la maîtrise de l’énergie et, plus largement, la transition énergétique.
• La Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), association de collectivités territoriales spécialisées dans les services publics locaux en réseau.
L’Association nationale pour la protection du ciel et de l’environnement nocturnes sensibilise et aide les élus à lutter contre la pollution et les nuisances lumineuses la nuit.

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Cet article a été publié dans l'édition :

n°416 - OCTOBRE 2023
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