Aides d'État et commande publique : vers un assouplissement des règles ?
Les élus locaux demandent davantage de << souplesse >> pour tenir compte des spécificités des services publics. Une décision sera prise après le scrutin européen.
Le calendrier est important au moment où la Commission européenne est sous la pression d’un double agenda : juridique et politique. Juridiquement, elle a choisi de prolonger jusqu’en 2020 et 2022 sept règlements et lignes directrices s’appliquant aux aides publiques. Ce délai lui permettra d’analyser « les charges administratives excessives, les chevauchements, les manquements, les incohérences et/ou les mesures obsolètes qui ont pu apparaître » depuis la dernière modernisation des règles applicables aux aides d’État en 2014, expliquait la Commission en lançant une consultation qui s’est achevée le 7 mars.
Politiquement, la Commission européenne a choisi de reporter les décisions après les élections européennes du 26 mai prochain. Autrement dit, de transmettre à la nouvelle Commission issue du scrutin la « patate chaude » de cette réforme toujours réclamée et jamais pleinement aboutie.
L’œil fixé sur cet agenda, les représentants des collectivités locales, des syndicats ou des employeurs du service public prennent tour à tour position pour réclamer un changement radical de perspective. « Près de 25 ans après l’introduction du marché unique européen et après 60 ans de règles de concurrence européennes, il est temps d’évaluer leur état », commente l’Association française du Conseil des communes et régions d’Europe dans une position adoptée en décembre dernier. L’AFCCRE demande davantage de « souplesse » dans l’application des cadres règlementaires sur les aides d’État et sur les marchés publics pour tenir compte des spécificités des services publics locaux. Le régime actuel pour les aides d’État est « très complexe et nécessite la connaissance de différents éléments de la législation de l’Union européenne en fonction du secteur concerné, de l’objectif de l’aide et des montants financiers impliqués », note l’AFCCRE en regrettant que cette complexité « empêche des projets locaux de grande valeur d’avancer ».
Privilégier la dimension locale
Sur la même longueur d’onde, le CEEP (2), association représentant les employeurs et entreprises de services publics, demande dans son programme 2019 une simplification radicale : la suppression de l’approche actuelle par «exemption ». Pour l’heure, la Commission part du principe que les subventions et aides publiques menacent a priori le libre échange dans l’Union européenne. Ne sont autorisées que
des aides « exemptées » en raison de leur montant « minimal », de leurs « catégories » (social, culture…) ou de leur nature de « service d’intérêt général » notamment. Pour l’AFCCRE comme pour le CEEP, il serait temps de renverser la « charge de la preuve » en donnant à la Commission la responsabilité de prouver qu’une aide est contraire aux règles du marché européen. Surtout, il serait temps, plaident les associations, de tenir davantage compte de la dimension locale de l’intervention publique : en facilitant l’attribution de commandes publiques à des PME locales et en reconnaissant que certaines aides n’ont aucun impact à l’échelle européenne.
La Commission européenne reconnaît de plus en plus ces dernières années ce caractère local. C’était le cas en 2015 et 2016 pour le soutien public d’un centre médical de Durmersheim, dans le Baden-Württemberg en Allemagne, ou pour le prolongement d’un quai au port de Lauwersoog, aux Pays-Bas. Reste que la notion même « d’aide publique à des activités purement locales » est en elle-même difficile à appliquer juridiquement. Le gouvernement français avait reconnu de facto cette complexité dans sa circulaire du 5 février 2019 sur l’application des règles européennes de concurrence relative aux aides publiques aux activités économiques (3). Le Premier ministre y attirait l’attention sur « la nécessité de renforcer l’expertise en matière de réglementation des aides d’État » dans les collectivités territoriales. Or, cette expertise, qui doit souvent être déléguée à des consultants extérieurs, a un « coût disproportionné par rapport au montant impliqué », l’AFCCRE. Ces revendications seront-elles entendues par la prochaine Commission ? Difficile de le savoir à ce stade, tant la «couleur » de la prochaine commission issue des élections européennes de mai est incertaine.
(1) http://www.afccre.org/fr
(2) https://www.ceep-france.org/Actualites
(3) http://circulaires.legifrance.gouv.fr/pdf/ 2019/02/cir_44368.pdf
Une évaluation en cours
Tout en les prolongeant jusqu’en 2022, la Commission européenne a lancé, le 7 janvier, une évaluation d’une dizaine de règles qui précisent dans quels cas les aides d’État doivent être notifiées à Bruxelles et sont autorisées. Plusieurs concernent les collectivités locales :
• le règlement général d’exemption par catégorie (RGEC) détaille quels sont les services exonérés de notification, allant de la santé au patrimoine culturel ;
• le règlement de minimis fixe le seuil de notification à 500 000 euros sur trois années ;
• les lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale ;
• l’encadrement des aides d’État à la recherche, au développement et à l’innovation (RDI) ;
• les lignes directrices concernant les aides d’État aux aéroports et aux compagnies aériennes ;
• l’encadrement des aides d’État pour la protection de l’environnement et l’énergie
Cet article a été publié dans l'édition :
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