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03/05/2021 MAI 2021 - n°390
Citoyenneté Sécurité - sécurité civile

Les élus confrontés à la recrudescence des sectes

Profitant de la crise sanitaire, les mouvements sectaires se développent. L'État engage un plan de lutte et de prévention. Reste à savoir comment les maires trouveront leur place dans ce dispositif renforcé. Par Sarah Finger

Entre mars et juin 2020, la Miviludes a reçu 80 signalements. Des pratiques comme les pseudo-thérapies et les médecines alternatives ont grimpé en flèche à la faveur de la pandémie.
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Entre mars et juin 2020, la Miviludes a reçu 80 signalements. Des pratiques comme les pseudo-thérapies et les médecines alternatives ont grimpé en flèche à la faveur de la pandémie.
Après plusieurs années de sommeil, la lutte contre les sectes revient sur le devant de la scène. « Les dérives sectaires sont de nouveau une vraie priorité pour le gouvernement », confie à Maires de France Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l’Intérieur chargée de la citoyenneté. Ce phénomène, qui toucherait 140 000 personnes en France dont 90 000 enfants, a en effet connu ces derniers mois un essor inquiétant. Certains groupuscules ont su mettre à profit les angoisses liées à la pandémie ainsi que l’isolement et les fragilités générés par les confinements. Entre mars et juin 2020, 80 signalements en lien direct avec la crise sanitaire ont été comptabilisés par la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes, lire ci-dessous). Plus de 500 groupuscules auraient ainsi émergé à la faveur de la pandémie. Ces mouvements surfent volontiers sur des thématiques en vogue (théories du complot, survivalisme, discours anti-vaccinal ou apocalyptique) et touchent un large public grâce à une habile propagande diffusée en ligne et sur les réseaux sociaux. Les départements ruraux seraient désormais particulièrement touchés par ce phénomène. Le groupe national de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (GNVLDS) de la Gendarmerie nationale a ainsi comptabilisé 204 procédures judiciaires en zone gendarmerie en 2020, contre 129 l’année précédente. Plusieurs facteurs expliqueraient cette évolution : la désertification médicale, qui favorise l’activité de pseudo-thérapeutes, et l’opportunité pour des sectes de créer plus facilement des communautés à la campagne, en marge de la société et loin d’éventuels témoins. De plus, Internet offre à ces groupes une visibilité, quel que soit leur lieu d’implantation. 


« Les élus doivent avoir un rôle éclairant pour leurs équipes
et les habitants. » Pascale Duval, porte-parole de l’Unadfi







Mais les mouvements sectaires sont plus difficiles à démasquer aujourd’hui qu’hier et bien des maires ignorent qu’un mouvement suspect s’est établi sur leur commune. « C’est souvent par un article de presse qu’ils apprennent l’existence d’un groupe sectaire sur leur territoire », constate Pascale Duval, porte-parole de l’Union nationale des associations de défense des familles et de l’individu (www.unadfi.org), une structure spécialisée dans la lutte contre les sectes. Yvon Bourrel, maire de Mauguio-Carnon (34), vient ainsi de découvrir qu’une église évangélique, dans le collimateur du ministère de l’Intérieur, avait implanté une antenne sur sa commune. « Pour nous, cette association était transparente : pas de demande de subvention, pas de signalement auprès de la police municipale, pas d’échange avec la gendarmerie concernant un groupe suspect. Bref, aucune alerte. » L’élu regrette que la question sectaire ne soit jamais abordée lors de ses rencontres avec les représentants de l’état sur le terrain : « Nous avions autrefois des échanges fréquents avec les renseignements généraux, ce n’est plus le cas. Or, toutes les informations qui participent à la sécurité de nos communes sont importantes. »

Désinformation des maires

Qu’en est-il lorsqu’un maire sait qu’une secte bien identifiée est installée sur son territoire ? Le sujet devient délicat, comme nous avons pu le constater, en tentant de joindre en vain plusieurs élus concernés. Un silence que Pascale Duval analyse avec circonspection : « Personne n’a envie que cela se produise chez soi… à cela s’ajoute un manque de connaissance du phénomène sectaire : les idées reçues sont nombreuses en la matière. De plus, les élus peuvent craindre d’attenter aux croyances d’autrui. Mais rappelons que ce qui est dénoncé relève des dérives des sectes et des atteintes à la loi, pas des croyances. » Des élus sont toutefois bien décidés à réagir, comme ce fut le cas à Sidiailles (18), tandis qu’une secte bien connue tentait de s’implanter dans la commune. « En 2010, elle a monté un projet de lotissement pour 150 personnes. Mais son objectif réel était d’installer 800 adeptes dans notre village qui compte 300 habitants », raconte Florence Lerude, maire de Sidiailles. « Cette découverte a suscité le désarroi des conseillers municipaux de l’époque mais la population s’est mobilisée, et les élus ont fait bloc face à ce projet. Le permis de construire n’a pas été accordé et la mairie a réussi à acheter le terrain convoité par la secte. » Cette affaire, toutefois, a laissé des traces selon Florence Lerude : « Ce n’est pas facile de s’opposer à une secte. L’affaire a duré quatre ou cinq ans, les élus se sont retrouvés en première ligne, les tensions ont été pénibles. Depuis, nous sommes tous vigilants. » Pour Marlène Schiappa, « le rôle des élus locaux, particulièrement des maires, est essentiel ». « C’est ensemble que nous lutterons contre les dérives sectaires », insiste la ministre, qui rappelle que dans cette lutte, les maires ne sont pas seuls : « Je les invite à se rapprocher des préfets, à qui j’ai demandé de réunir les acteurs de terrain. Par ailleurs, chaque citoyen peut saisir la Miviludes pour obtenir un avis ou signaler une situation inquiétante. Ce service est ouvert aux élus et aux professionnels ; ils sont d’ailleurs de plus en plus nombreux à [la] contacter. » Les maires peuvent aussi se tourner vers une antenne départementale de l’Unadfi ou vers le Centre contre les manipulations mentales (www.ccmm.asso.fr). Le GNVLDS conseille aux élus de rester vigilants face à l’installation de thérapeutes : questionner les ordres professionnels sur des pratiques médicales ou paramédicales douteuses s’avère parfois utile. De même, il est conseillé de consulter les statuts d’une association qui peut paraître suspecte. La prévention s’impose donc. Le GNVLDS souligne en outre que les élus en questionnement peuvent contacter leur brigade de gendarmerie locale (ou le commissariat de police compétent sur leur commune) pour être aidés dans leur analyse. Des séances d’information sur les dérives sectaires peuvent aussi être organisées par la cellule départementale de « Renseignement » de la gendarmerie, en lien avec le service départemental du renseignement territorial, au profit des maires d’un secteur donné. De même, l’Unadfi peut proposer  des réunions d’information et de sensibilisation à destination des maires, des agents municipaux ou des citoyens. « Les élus doivent avoir un rôle éclairant pour leurs équipes et les habitants. L’idéal serait de les informer sur le phénomène sectaire avant qu’ils n’y soient confrontés », estime Pascale Duval. « Depuis 2015, les craintes liées au terrorisme avaient mis en sommeil l’attention portée aux sectes, analyse un expert du GNVLDS. Relancer cette thématique va accroître la vigilance des maires. »

 

Des moyens renforcés pour la Miviludes
Créée en 2002, la Miviludes (www.derives-sectes.gouv.fr) est rattachée, depuis 2020, au ministère de l’Intérieur. Hanène Romdhane, magistrate, vient d’être nommée présidente de cette structure qui se voit dotée d’un nouveau conseil d’orientation composé d’experts, de ­personnalités qualifiées, d’associations et de représentants des ministères concernés (finances, ­justices, éducation, etc.). Georges Fenech, lui aussi magistrat et ancien président de la structure, fait notamment partie de ce conseil. «Nous renforçons également les moyens sur le terrain, détaille Marlène Schiappa. L’appel à projets destiné à soutenir des initiatives et associations est multiplié par 10 : nous déployons un million d’euros, c’est inédit ! » En 2020, la Miviludes a reçu plus de 3 000 signalements et/ou demandes d’informations ; 686 cas ont été évalués comme sérieux, et 16 ont donné lieu à des procédures adressées aux autorités judiciaires. La recrudescence de signalements dans le domaine de la santé et du bien-être inquiète tout particulièrement le gouvernement qui vient de publier un état des lieux des nouvelles tendances.

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Cet article a été publié dans l'édition :

n°390 - MAI 2021
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