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Maires de France
Interco et territoires
19/06/2023
AMF Environnement

Eau et assainissement : les élus préparent le transfert

Les communautés de communes gèreront ces compétences au plus tard le 1er janvier 2026. Cette évolution nécessite dès à présent un long travail.

Par Fabienne Nedey
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© AdobeStock
La préparation du transfert repose sur une bonne connaissance des réseaux.
Au 1er janvier 2026, la gestion de l’eau et de l’assainissement devra obligatoirement être exercée par les communautés de communes, en dépit de l’opposition de l’AMF qui bataille, depuis la loi NOTRe du 7 août 2015, contre le transfert obligatoire de ces compétences, considérant que leur périmètre ne correspond pas nécessairement à l’échelle pertinente de mutualisation.

En 2022, seules 33 % des communautés de communes exerçaient la compétence eau et 42 % l’assainissement collectif. Le temps est donc compté.

Selon Régis Banquet, président de Carcassonne Agglomération, «il faut trois ans pour anticiper ces transferts ». Il est donc urgent de s’y atteler, car plus l’avancée se fera à marche forcée, plus le chemin sera périlleux. Certains territoires l’ont bien compris et profitent du temps que leur a laissé le report à 2026 pour préparer l’échéance.

« Partant de l’idée qu’il sera plus facile de rassembler des services qui se ressemblent, les acteurs du territoire ont, dès 2018, engagé un travail d’homogénéisation avant le transfert », explique Hélène Vaginay, vice-présidente de Charlieu-Belmont Communauté (42).
 

Des objectifs à co-construire

Sur la base d’une «charte des principes guides de la démarche de transfert », les communes progressent dans l’atteinte d’objectifs co-construits : harmonisation des pratiques administratives (règlements de service), budgétaires (mise en place de budgets annexes pour celles qui n’en ont pas), techniques (gestion patrimoniale), pré-convergence des niveaux de service, etc., explique l’élue. En parallèle, la discussion a lieu au sein d’un comité consultatif dans lequel se prennent toutes les décisions afférentes au transfert.

Partout, les sujets suscitant le plus d’inquiétudes sont les mêmes : les tarifs de l’eau, le transfert des agents, les modes de gestion, le niveau de service à l’usager. «Ce transfert a du sens, mais il ne va pas de soi, constate Camille de Paul, vice-président eau et assainissement de la communauté de communes Terres du Haut Berry (18). C’est un processus difficile à mener à bien. Mais parmi les communes qui, au départ, s’y opposaient pour toutes sortes de raisons, aucune ne voudrait aujourd’hui revenir en arrière. »
 

Réaliser une étude patrimoniale

Même constat de la part de Jean-Christophe Pétriny, président de Durance Luberon Verdon Agglo (04), qui témoigne que «la solidarité nous a permis de réagir à des situations de crise, en réalisant en urgence des interconnexions non budgétées, ce qu’aucune commune seule, même importante, n’aurait pu faire ».

La clé de voûte d’une préparation réussie, de l’état des lieux au transfert effectif, est une bonne connaissance des réseaux. Une étude patrimoniale complète est un point de départ indispensable pour déterminer ce qu’il s’agit de transférer, l’état du patrimoine, les actifs. Et évaluer les besoins d’investissement.

L’étude s’accompagne d’un état des lieux de l’organisation territoriale (existence ou non de syndicats...), des modes de gestion actuels (cartographie des contrats de délégation de service public et de leur durée, ainsi que des régies), des personnels intervenant sur ces services. Au cours de cette phase, il est fondamental d’impliquer les acteurs concernés (et pas seulement de les auditer puis de leur restituer des conclusions), ce qui constituera la première pierre pour, ensuite, co-construire le projet communautaire.
 

Modes de gestion et transfert des agents

L’étude de différents programmes de travaux et des évolutions de tarifs associés est aussi une phase clé. «La question du prix de l’eau nécessite énormément de “déminage” car chacun, au départ, a toujours de bonnes raisons de craindre la fusion : ceux qui ont fait des investissements, et ceux qui ont un prix de l’eau bas parce qu’ils ne les ont pas faits, témoigne Camille de Paul. On dépasse ces mécanismes réflexes en objectivant l’état des infrastructures, l’importance des enjeux, et en décidant, ensemble, de la structuration d’un service plus solide, disposant de moyens d’ingénierie et de capacités d’investissement », estime-t-il.

Il n’existe aucune obligation imposant aux EPCI de procéder à l’harmonisation des modes de gestion. Le volet humain ne doit pas être négligé : il convient d’organiser le plus en amont possible des rencontres tripartites avec les agents transférables et de les rassurer face aux changements à venir.

« Pour ceux qui le souhaitent, il y a des opportunités d’évolution de carrière : travailler sur de nouveaux équipements, se former, changer de fonctions », souligne Stéphanie Guiraud-Chaumeil, présidente de la communauté d’agglomération de l’Albigeois (81).

Les agents dont les missions ne sont que partiellement liées à l’eau ou l’assainissement sont l’objet de discussions «serrées » avec les communes : sur ce volet, la communauté de communes Terres du Haut Berry a conventionné avec chacune des communes en fixant, au cas par cas, une compensation financière «sur mesure » pour les prestations réalisées au titre des compétences transférées.
 

Une nouvelle gouvernance

Autre sujet épineux : l’existence d’excédents budgétaires ou pas (avec la difficulté particulière des communes n’ayant pas de budget annexe) et la question de leur transfert à l’EPCI. «La loi permet, sous certaines conditions, le transfert de la compétence sans transfert des excédents budgétaires, ce qui est aberrant car cela implique que l’usager va payer deux fois.

Pour éviter cette situation, le sujet avait été longuement évoqué avec les élus et, le jour du vote, ils ont d’abord été appelés à acter le fait que le transfert de compétence emporterait celui des excédents budgétaires, puis à délibérer sur le transfert de la compétence en lui-même », relate Camille de Paul.

Dernier point clé : dans la continuité des instances de travail et décisionnelles mises en place pendant la phase préparatoire (comité de pilotage, comité technique, comité de suivi...), les élus doivent construire la future gouvernance en organisant l’implication, après transfert, des anciennes autorités compétentes. Durance Luberon Verdon Agglo a, par exemple, institué une commission eau et assainissement comportant des représentants de chaque commune sur les programmes d’investissement, les orientations budgétaires et tarifaires.
 

Le transfert est bien obligatoire
Le 30 mars, évoquant la gestion de l’eau et de l’assainissement, le chef de l’État a parlé «d’intercommunalité choisie », évoquant «un modèle différencié qui repose (…) sur la diversité des territoires ». Ses propos ont pu faire penser que le gouvernement reculait sur le transfert obligatoire en 2026. Il n’en est rien.

Le lendemain, Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique, a affirmé qu’« il n’y a pas de remise en cause de l’intercommunalisation » de l’eau et de l’assainissement, «il n’y aura pas d’alternative à la mutualisation ». «Nous assumons la fin de la commune isolée en gestionnaire. » Mais «peut-être que d’autres formes de mutualisation que l’intercommunalité peuvent être étudiées. »

Une «mission parlementaire » va donc être lancée pour étudier dans certains territoires (montagne, «hyper-ruraux ») des coopérations à plus petite échelle que celle «d’une grande intercommunalité ».

 

TÉMOIGNAGE
Chloé Jaillard, directrice associée
de Calia Conseil
« Le 1er janvier 2026 est une date pivot »
« Préparer le transfert des compétences eau et assainissement, c’est bien évidemment mobiliser du temps pour recueillir des données, mener des études sur tous les plans – administratif, technique, financier, organisationnel. C’est surtout un changement important pour les différentes parties prenantes : l’intercommunalité, les communes, les partenaires, les usagers. Cette dimension de conduite du changement doit donc être structurante.

Aussi, l’objectif du 1er janvier 2026 ne devrait pas être perçu comme une date butoir, une ligne d’arrivée, mais plutôt comme une date pivot. Nous le voyons bien par les retours d’expérience des précédents transferts : c’est un nouveau départ, les effets de la phase préparatoire vont continuer à se déployer pendant plusieurs mois et même plusieurs années après cette date. Il faut donc veiller à poursuivre ­l’accompagnement de la dynamique collective. »

 

 

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Cet article a été publié dans l'édition :

n°413 - JUIN 2023
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