Trois initiatives pour lutter contre l'habitat indigne
Face à ce fléau protéiforme, les collectivités peuvent mobiliser plusieurs dispositifs. Exemples dans les Pyrénées-Atlantiques et les Hautes-Pyrénées. Par Caroline Saint-André
Aider les propriétaires occupants : Louvie-Juzon (64 - 1 037 hab.)
La commune fait partie du programme d’intérêt général « Bien chez soi » en Béarn, piloté par le département et destiné à accompagner les propriétaires aux revenus modestes afin de réhabiliter leur logement. Confiée à l’opérateur régional du réseau Soliha (Solidaires pour l’habitat), la mise en œuvre du programme a aidé à rénover plus de 1 200 logements en deux ans. Sur le volet habitat indigne, l’accompagnement de Soliha a permis de doubler les objectifs fixés, avec plus de 100 opérations complexes abouties. Parmi elles, Pierre Hamelin, directeur de Soliha Pyrénées Béarn Bigorre, et Nathalie Tozzi, chargée d’opérations, évoquent le cas d’une famille d’agriculteurs, qui vivait dans une maison très vétuste, sans accès à l’eau courante. « La maison était extérieurement bien entretenue, mais à l’intérieur, il n’y avait qu’une salle d’eau et une solution de chauffage au bois. Les murs intérieurs étaient dégradés par l’humidité. La famille a contacté directement Soliha, ce qui est plutôt rare en pareil cas où le rôle des élus et travailleurs sociaux de terrain s’avère primordial ». Résultat : 70 611 € TTC de travaux réalisés (raccordement au réseau d’eau, création d’une salle de bains, installation d’un chauffage central, etc.), financés à 75 % par des subventions – dont 41 500 € de l’Agence nationale de l’habitat (Anah), 10 250 € du département, et 600 € de la Mutuelle sociale agricole. La coordination des opérateurs et l’accompagnement des ménages et des collectivités sont ainsi l’unique gage de réussite : le rôle d’intermédiaire de Soliha est crucial, en particulier en zone rurale, où « les dossiers sont les plus difficiles à faire émerger ».
Nouer des partenariats : Oloron Sainte- Marie (64 - 11 000 hab.)
L’habitat indigne concerne plutôt le centre ancien de la commune et affecte surtout des locataires. Une opération programmée d’amélioration de l’habitat – renouvellement urbain (OPAH-RU), conduite, là aussi, par l’opérateur Soliha, permet la détection, le traitement et le suivi des situations d’habitat indigne. La mairie procède à des repérages en lien avec la Direction départementale des territoires (DDTM), qui sont consignés par l’observatoire de l’habitat. Des visites peuvent être engagées à la demande de la caisse des allocations familiales ou de la commune. Un comité de lutte contre l’habitat indigne a été mis en place par la ville pour faire le point, tous les mois, sur les situations problématiques et, à terme, pousser les propriétaires à faire des travaux. En cas de refus, des travaux d’office peuvent être décidés par le maire ou le préfet, s’il y a péril ou insalubrité. Sur ce dernier point, c’est l’agence régionale de santé (ARS) qui intervient pour réaliser les expertises. Elle peut contraindre les propriétaires à réaliser les travaux. Au-delà de l’OPAH simple, lorsque les situations restent bloquées, les dispositifs de revitalisation de territoire (opération de revitalisation de territoire – ORT –, programme petites villes de demain) permettent de trouver des solutions pour attirer de nouveaux investisseurs privés et publics, et notamment des aménageurs. Ces dispositifs partenariaux permettent d’engager une réflexion plus globale, à l’échelle de l’îlot ou du quartier.
Mobiliser les outils de planification : Tarbes (65 - 42 000 hab.)
« Nous avons créé en octobre 2020 un service habitat au sein de Tarbes. Avec la simplification des polices et des compétences entre les différents acteurs, opérée par la loi Élan de 2018, nous pouvons apporter des réponses coordonnées sur le territoire, avec nos partenaires : l’État, l’ARS, le conseil départemental, les opérateurs tels que Soliha », explique Philippe Lasterle, ancien adjoint au maire en charge de l’urbanisme, du patrimoine, de l’habitat et de la culture, et ancien vice-président de l’agglomération Tarbes Lourdes Pyrénées (65). Plusieurs cadres existent pour engager des opérations de résorption de l’habitat indigne, rappelle-t-il : les OPAH (RU) classiques, financées par l’Anah et la ville, le dispositif « Action cœur de ville » dans le cadre duquel la commune a mené 28 opérations sur des immeubles dégradés ou vacants, créé 300 logements et engagé 15 M€ de travaux. « Les ORT permettent d’encadrer des opérations plus lourdes de sortie de vacance et d’insalubrité dans les périmètres très dégradés. Près de 60 % de subventions et d’aides directes peuvent être obtenues dans ce cadre. » Le département peut aussi prendre en charge 10 % du montant des travaux, et l’Anah peut ajouter de 25 à 35 % de subventions quand l’habitat est très dégradé… De quoi attirer les investisseurs. Toujours en lien avec l’agglomération, la ville s’est aussi engagée, à titre expérimental, dans le dispositif du « permis de louer » créé par la loi Alur de 2014. Objectif : responsabiliser les propriétaires et favoriser la rencontre avec les acteurs du territoire. Autre intérêt : « cet outil permet de visiter les logements : c’est un moyen de vérifier si les règles d’habitabilité sont respectées ou non » avant la mise en location. Dans les cas d’urgence, « la ville prend immédiatement attache avec le propriétaire afin qu’il réalise les travaux nécessaires. Il faut aussi trouver des solutions de relogement pour les locataires. Ce sont alors d’autres services qui sont mobilisés (CCAS) ». Parfois, la coercition est requise. Tarbes a engagé un travail de recensement des « poches » ou îlots d’habitat indigne dans le cadre d’opérations de restauration immobilière (ORI), en partenariat avec l’établissement public foncier régional, qui réalise le portage. « Il faut d’abord identifier les immeubles concernés, puis proposer aux propriétaires un accompagnement. C’est le volet incitatif, qui vise à instaurer un dialogue. Mais il y a des situations complexes, notamment juridiquement (indivision, succession mal réglée, etc.). Dans ce cas, le volet coercitif s’enclenche, pour aboutir, in fine, à une expropriation. »

Sylvain Mathieu, délégué interministériel
à l’hébergement et à l’accès au logement
• Tenir compte des paramètres humains et sociaux avant d’agir.
• Susciter l’adhésion des propriétaires via un tiers de confiance, qui pourra proposer des solutions de financement. www.soliha.fr/
• Délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement. Tél. 01 40 81 33 60.
• Le pôle national de lutte contre l’habitat indigne
• Fiche pratique « Habitat indigne : ce qui a changé depuis le 1er janvier », Maires de France n° 388 de mars 2021, p. 51.
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Cet article a été publié dans l'édition :
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