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Maires de France
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décembre 2020
Santé

Tarascon-sur-Ariège aux prises avec la salmonelle

En septembre 2018, des élèves de l'école du Pradelet, à Tarascon-sur-Ariège, sont victimes d'une intoxication. En cause, des oeufs consommés à la cantine municipale. Par Bruno Leprat

Illustration
© Mairie de Tarascon-sur-Ariège
LE 3 SEPTEMBRE 2018, quelques enfants quittent l'école à Tarascon-surAriège : maux de ventre, vomissements, etc. La commune suspecte une gastro-entérite mais au fil des jours, une autre cause sera trouvée. 36 enfants seront touchés par la salmonellose.
Le vendredi 21 septembre 2018, le maire Alain Sutra est informé en fin de journée, par son directeur général des services (DGS), que des enfants ont quitté l’école en raison de «troubles digestifs ». «Au vu des symptômes, je pense à une gastro-entérite car c’est courant à cette saison », dit-il. Durant le week-end, il s’enquiert de leur santé et joins le pharmacien ainsi que le médecin. «Ils sont rassurants, dit Pascal Perez, DGS. Ils n’ont rien noté, ni gastro généralisée ni afflux d’enfants. » Le lundi, une vingtaine d’écoliers en plus sont absents. «Tout bascule, relève Alain Sutra. Nous prenons acte qu’une pathologie touche nos enfants, sans doute en lien avec le repas en cantine du (jeudi) 20 septembre ». Il alerte l’Agence régionale de santé (ARS), qui envoie le lendemain deux inspecteurs. «À ce moment, soit la nourriture est en cause, soit l’hygiène des agents ou de la cantine ; dans les deux cas, nous pensons en interne à une salmonellose dont les symptômes sont proches de la gastro. Seule- ment, elle est parfois mortelle…»
L’enjeu-clé de ce lundi 24 septembre est de juguler toute contamination supplémentaire. D’une part, la mairie suspend «par intuition » ses commandes de produits laitiers et fermiers, vecteurs majeurs de la salmonelle. Un laboratoire privé, qui suit régulièrement la cantine, est requis pour analyser l’eau du robinet et les plats-témoins. D’autre part, elle renforce le pro- tocole de nettoyage de la cantine qui continue de fonctionner. En fin de journée, Alain Sutra diffuse aux parents une note qui leur fait un état des lieux. Mardi, c’est le pic. Au total, 36 élèves sur 68 seront malades, et 2 adultes. Le maire accueille les inspecteurs de la direc- tion départementale de la Cohésion sociale et de la protection des populations (DDCSPP), mandatés par l’ARS, qui prélèvent des échantillons de plats servis cinq jours avant. «Nous lançons aussi un rappel des règles de lavage-séchage de mains chez les enfants, explique le DGS : instituteurs et animateurs sont sollicités. L’hypothèse d’une contamination non alimentaire reste plausible. »

Éviter les fake news

Mercredi, Alain Sutra réunit les agents de la cantine. L’après-midi, son DGS accueille des parents, et une note est diffusée à la sortie d’école et par mail. «Je dis ce qui se passe ; il s’agit d’éviter la panique, les fake news et procès d’intention », dit le maire. Le jeudi, les analyses internes n’indiquent rien. «Mais tous les plats servis le jour suspect n’ont pas donné lieu à échantillonnage», dit le DGS. Vendredi, la mairie – qui n’a toujours pas les résultats de la DDCSPP – réunit parents et représentants de  l’Éducation nationale. Un parent évoque la salmonellose. Alain Sutra estime préférable d’attendre les résultats officiels.
Passe le week-end. Les enfants se requinquent, le maire ronge son frein. «C’est dur de ne pas savoir. En outre, si un défaut d’hygiène est à l’origine de l’intoxication, je suis en difficulté, admet-il. La cantine en régie, c’est un choix politique. »
Lundi, soit six jours après le passage des inspecteurs, la préfecture l’informe qu’« une bactérie de type salmonelle » a été trouvée dans les selles des enfants. «Cela oriente le diagnostic vers la nourriture. Reste à identifier l’aliment infecté…» La DDCSPP lance une enquête ciblée chez des fournisseurs d’œufs (le jour du repas, il y avait de l’omelette). Deux jours plus tard, le maire est informé que la bactérie a été détectée chez l’un d’eux. «Enfin, on sait quel produit est visé et le fournisseur doit rappeler tous ses pro- duits. La marche normale de la cantine peut reprendre», se souvient Pascal Perez.
Le 5 octobre, tous les enfants sont de retour. Aucun n’a été hospitalisé. Ce jour, la mairie reçoit un rapport de la DDCSPP. Il n’émet aucune critique particulière, et lui suggère juste de mieux formaliser le nettoyage et la formation. «La page est tournée », dit Alain Sutra, qui a veillé à ce que le repas du 20 septembre ne soit pas facturé aux familles.

 

INTERVIEW 
Alain Sutra, 
MAIRE DE TARASCON-SUR-ARIÈGE
" RÉPARTIR LES RÔLES "
• Comment avez-vous traversé cette crise ?
Quand la nouvelle d’une intoxication tombe, je prends un coup sur la tête, d’autant que nous avons toujours veillé à mettre en place à la cantine (120 repas par jour) une stratégie alimentaire sécuri- sée et de qualité. Dans ces moments, on ne sait rien, les réponses se forgent au fil des jours. Heureusement, nous n’avons eu aucun décès mais il est sûr qu’un maire n’est pas formé à la gestion de toutes les crises. Je pense qu’il faudrait former les nouveaux maires sur cet aspect. on peut avoir à faire des choses très crues lors d’un mandat.
• À quoi avez-vous veillé ?
À tenir au courant les parents et la presse, afin notamment que les premiers soient informés par moi avant tout. ensuite, je tâchais de dire tout ce que je savais, sans anticiper ni digresser. nous n’avions rien à cacher. J’ai aussi réparti les rôles : à mon DGS et aux services de gérer l’opération- nel, à moi le relationnel. une crise, c’est perturbant : on est en première ligne, qu’on soit responsable ou pas, et il s’agit d’être entouré. J’ai la chance d’avoir des collaborateurs qui savent quoi faire – l’un d’eux, par exemple, a travaillé pour la protection civile en préfectorale –, sont autonomes et ont des réseaux.
• Que retenez-vous de cet épisode ?
D’abord, la vitesse à laquelle les rumeurs se diffusent. J’ai essayé, Via des notes et réunions, d’être le plus transparent. Mais l’anxiété gagne vite, il faut toujours alimenter en informations, justes et véri- fiées, sinon la panique et l’agressivité affleurent. Il y a toujours matière à s’améliorer. Depuis cette intoxication, nous revoyons régulièrement nos procédures sanitaires, ce qui nous a d’ailleurs permis de mieux affronter la Covid. nous avons demandé aux parents leurs suggestions. nous avons eu peu de réponses, ce qui ne nous empêche pas de veiller constamment à ce qui améliorerait notre prestation municipale, à la cantine ou ailleurs.
 
 
Les acteurs-clés
L'AGENCE RÉGIONALE DE SANTÉ MARSU
Elle dispose d’une procédure d’alerte et d’investigation quand des patholo- gies lui sont signalées. Sitôt prévenue, elle a envoyé le jour suivant – en lien avec la préfecture – des inspecteurs à la cantine de tarascon-sur-ariège. Six jours plus tard, elle communiquait des résultats tangibles à la mairie.
LES PARENTS D'ÉLÈVES
Ils ont très vite fait part de leurs inquié- tudes, même si leur enfant n’avait pas des symptômes (ou des symptômes approchants) ; la mairie les a reçus deux fois, qu’ils soient «délégués » ou volontaires, et leur a adressé trois notes (dont deux par courriel) afin de les tenir au courant.
LES AGENTS COMMUNAUX
Un cuisinier et 2 agents de l’économat et au service.
un temps, ils ont pu croire que leur hygiène ou celle de leurs locaux était en cause ; le maire les a réunis. Ils les a motivés pour qu’ils restent profession- nels et prennent soin des enfants, eux aussi perturbés. pascal perez, directeur général des services, est désigné par le maire de Tarascon-sur-Ariège comme le «chef d’orchestre » opérationnel de la gestion de cette crise, tandis que l’élu gérait le relationnel.
 
Un monde « bactérien »

L’épisode de l’intoxication a, selon le maire, «préparé la collectivité à mieux appréhender la crise de la Covid». Pascal Perez, directeur général des services, complète : «La leçon (salmonelle comme Covid) est que nous vivons dans un monde bactérien et qu’en matière de restauration collective, et de vie sociale, nous devons l’intégrer, même si nous ne “ voyons ” pas l’ennemi. Comment faire ? Il nous faut de la rigueur, une connaissance des règles et de la traçabilité. Cela rend efficace et permet, à tout moment, de se justifier. Ce qui, dans un monde procédurier, est important.
Un bémol toutefois : nous ne pouvons ni ne devons tout porter. Un des objectifs du service public est d’apprendre aux citoyens à participer aux actions collectives. Par exemple, c’est aux parents, le matin, de rappeler à leurs enfants les consignes d’hygiène comme se laver les mains. Pendant la Covid, c’est à eux de prendre leur température avant de les envoyer à l’école. À chacun sa partition. »

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Cet article a été publié dans l'édition :

n°385 - Décembre 2020
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