Contrats de ruralité. Un dispositif à perfectionner
Depuis 2017, ils ont permis de réaliser des projets de territoire. Si l'État souhaite les faire évoluer, les élus veulent que leur financement soit garanti. Par Thierry Butzbach
489 contrats signés
Logiquement, le dispositif a suscité beaucoup d’appétence. Au terme de la période 2017-2020, pas moins de 489 contrats de ruralité ont été signés, couvrant 790 EPCI, soit près des deux tiers d’entre eux. Initialement, seulement 200 signatures étaient envisagées. Le bilan définitif reste à venir, mais on dénombre 6 475 projets pour les seules années 2018 et 2019. Sur les trois premières années (2017, 2018, 2019), l’État a mobilisé 1,3 MdE pour aider au financement de plusieurs milliers de projets issus des contrats de ruralité. Maisons de santé, maisons de services au public, micro-crèches, équipements sportifs, cinémas itinérants, médiathèques, etc., nombreux sont les projets à avoir ainsi pu voir le jour grâce à ce dispositif, qui entraîne souvent un effet de levier important pour obtenir d’autres sources de financement. Rien qu’en 2019, départements et régions ont ainsi contribué à hauteur de 225 ME au financement de projets inscrits dans les contrats de ruralité. «Les contrats ont surtout favorisé la réalisation de projets “ mûrs ” qui dormaient dans les tiroirs et n’auraient pas vu le jour sans ce dispositif », remarquent cependant Gwénaël Doré et Mohamed Chahid, enseignants-chercheurs et auteurs, en mai 2018, d’une enquête sur les contrats de ruralité pour le compte du Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET, fondu depuis au sein de l’Agence nationale de la cohésion des territoires, ANCT). D’ailleurs, l’essentiel des contrats portaient alors sur trois des six priorités (services, centres-bourgs, attractivité du territoire). Les deux consultants pointent du doigt l’une des principales critiques faites au dispositif : la part trop faible – 10 % – consacrée aux crédits d’étude et d’animation (y compris par le recrutement temporaire d’un développeur territorial), trop souvent assimilée à une aide au fonctionnement, alors que le financement de l’ingénierie est essentiel pour favoriser l’élaboration et la conduite des projets notamment dans les petites communes qui ne disposent pas de ressource interne. «En comparaison, le programme européen Leader prévoit que l’ingénierie peut représenter jusqu’à 25 % du montant du programme », rappelle Maxime Goudezeune, conseiller de l’Assemblée des communautés de France (AdCF). Du côté de l’AMF, une enquête réalisée en juin dernier avec la Banque des territoires confirme la nécessité d’une ingénierie pour le montage des projets de territoires tels que les contrats de ruralité. Si l’appui à l’ingénierie figure parmi les attributions de l’ANCT, l’AMF craint qu’il ne puisse bénéficier aux communes rurales qui n’entreraient pas dans le champ des différents programmes de l’Agence. «Comme dans les précédents pôles d’excellence rural, il y a des trous dans la raquette puisque l’on constate que les contrats de ruralité profitent d’abord aux communes dynamiques », avertit André Torre, économiste et enseignant-chercheur à l’Institut nationale de la recherche agronomique. Ce que confirme le maire de Lavoncourt (320 hab., Haute-Saône) : «Encore une fois, j’ai regardé le train passer car la priorité a été donnée aux projets intercommunaux au détriment des petites communes », déplore Jean-Paul Carteret, qui a cependant réussi à boucler le financement de l’extension de sa maison de services.
Évolutions
Les modifications successives des modalités de financement constituent l’autre grief fait aux contrats de ruralité. En 2016, une enveloppe dédiée de 216 ME leur était réservée sur le Fonds national d’aménagement et de développement du territoire (FNADT). Un engagement prometteur, signe d’une nouvelle impulsion. L’année suivante, le financement a été transféré sur la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) – des crédits de droit commun, sans ligne budgétaire spécifique. Un manque de fléchage rédhibitoire que regrette Bernard Delcros : «La mise en œuvre d’un éventuel contrat de cohésion territorial unique emporte le risque d’une dilution des crédits dédiés à la ruralité », avertit le sénateur du Cantal. Après avoir conduit une mission de contrôle budgétaire sur les contrats de ruralité, en 2019, il réclame une deuxième génération de ces contrats avec des crédits dédiés au sein du FNADT, dans le cadre d’un plan pluriannuel de financement. Le gouvernement, lui, réfléchit bien à une évolution des contrats de ruralité qui seraient intégrés dans un nouveau contrat global (lire ci-contre). Mais à ce stade, rien n’a été précisé sur leur financement.
Pour 2021-2026, le contrat de ruralité sera ouvert à de nouveaux partenaires privés ou associatifs et pourrait s’élargir à d’autres sujets (culture, santé, jeunesse, etc.). Ces contrats seront intégrés au sein de «contrats de relance et de transition écologique » dont le périmètre «a minima intercommunal sera défini dans chaque région par l’État et la région », précise le gouvernement. Ils «pourront être alimentés en crédits par le volet territorial des fonds européens et des CPER, dont ils sont une déclinaison directe ». «L’objectif est de mieux coordonner les divers contrats et programmes qui peuvent se superposer sur un même territoire. Il s’agit notamment d’augmenter les moyens dans la durée », a indiqué Joël Giraud, secrétaire d’État chargé de la Ruralité. Réunie le 16 octobre, la commission des communes et territoires ruraux de l’AMF alerte sur le risque de recentralisation qu’induirait la généralisation de la contractualisation en fléchant, notamment, les financements sur les politiques publiques décidées par l’État.
Olivier Pavy, ancien maire de Salbris (41) et ancien président de la CC Sologne des Rivières, membre du comité directeur de l’AMF
" L'état doit respecter ses engagements "
Cet article a été publié dans l'édition :
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