Le magazine des maires et présidents d'intercommunalité
Maires de France
Solutions locales
janvier 2020
Écoles, éducation, alimentation

Le bio à la cantine nécessite de structurer des filières locales

Les collectivités ayant déjà atteint les 20 % de bio ont choisi une approche progressive. Elles insistent notamment sur la nécessité d'associer tous les acteurs à la démarche.

Emmanuel GUILLEMAIN D'ECHON
Illustration
À Dolus-d'Oléron (17), la commune sert 50 % de bio dans les assiettes, surtout en local et de saison. C'est d'ailleurs un maraîcher bio qui fournit la cantine via sa ferme de La Poltière.
Manger bio à la cantine n’est plus seulement une demande de certains parents d’élèves : c’est une obligation puisqu’à partir de 2022, la restauration scolaire devra servir à ses convives au moins 20 % – en valeur – de produits issus de l’agriculture biologique. La loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (Egalim) du 30 octobre 2018, qui a instauré ce quota, l’a assorti d’autres contraintes : en plus des 20 % de bio, 30 % devront correspondre à des labels ou signes de qualité ; depuis le 1er novembre, chaque cantine doit proposer au moins un menu sans viande ni poisson par semaine ; et à partir du 21 octobre, les gestionnaires devront mettre en place un diagnostic et un plan de lutte contre le gaspillage alimentaire. 

Dolus-d’Oléron : la lutte contre le gaspillage finance le bio

À Dolus-d’Oléron (3 343 hab., Charente-Maritime), la lutte anti-gaspillage a permis au maire, élu en 2014, d’augmenter  la part de bio, de 14 à 53 % des achats, essentiellement en local et de saison. Avec un rythme de 220 repas par jour, le prix des denrées achetées a augmenté de 16,6 %, car « en réduisant les déchets alimentaires de 115 à 30 grammes par repas, nous avons fait au moins 50 centimes d’économie », estime le maire, Grégory Gendre. Le déclic s’est fait en passant d’un service à table à un système de self, où les enfants peuvent se servir à volonté, et choisissent entre des assiettes remplies pour «petite, moyenne ou grande faim ». C’est le chef de cuisine, en fin de chaîne, qui sert le plat principal, ce qui lui permet d’avoir en direct les retours des enfants, et d’adapter les recettes si besoin. « En ce moment, par exemple, on sort de la période du céleri-rave pour arriver sur le chou rouge et les épinards, dont les gamins ne sont pas forcément friands. Mais en jouant sur la présentation, ils mangent avec plaisir », explique l’élu. 
La clé de la réussite a tenu dans la mobilisation de tous les services, des élus, enseignants et parents, et aussi dans l’adhésion au réseau de collectivités « Un plus bio » (1), « un super accélérateur » qui a mis Dolus-d’Oléron en relation avec la plateforme de producteurs bio du département, « Mangeons bio », mutualisé les bonnes pratiques et permis l’accès à une offre de formation pour le chef de cuisine (recettes, politique d’achats). Un équipement permettant les cuissons à basse température, coûtant 15 000 euros, a permis «d’élargir la palette des recettes », et de faire des économies énergétiques. 

 

1,87 euro    c’est le coût-denrée moyen par repas à 25 % de bio, selon l’enquête 2019 de l’Observatoire de la restauration durable.Il monte à 2,02 € pour 40 % de bio.

 

Canohès opte pour une démarche progressive

Canohès (6 285 hab., Pyrénées-Orientales) est partie de zéro, sans le soutien logistique d’un groupement de producteurs, mais a souhaité passer d’un coup, en 2011, à 25 % de bio. Elle s’est cependant heurtée – comme de nombreuses collectivités – à l’absence d’un marché bio adapté à ses contraintes sanitaires et de volumes. La tactique choisie d’un repas intégralement bio par semaine s’est vite révélée infructueuse, les petits producteurs n’étant pas toujours équipés ou disponibles pour livrer en petites quantités. 
La décision a alors été prise, « sur proposition du chef de cuisine », d’y aller plus progressivement en servant une composante bio par jour, explique Christelle Gineste, directrice des affaires scolaires. Outre un surcoût de 37,5 % sur les deux premières années, intégralement couvert par le budget communal, l’accompagnement a été crucial, « surtout au niveau des équipes de restauration, car la charge de travail a changé indéniablement », précise-t-elle. Les légumes bio et locaux sont souvent pleins de terre, moins réguliers, ce qui suppose plus de temps d’épluchage, et une organisation différente du temps de travail. Une association locale, Terres Vivantes, a mis à leur service son annuaire de fournisseurs et surtout permis d’établir un dialogue fertile avec eux pour aplanir les premières difficultés. Pour certains, la commune a mis à disposition son propre véhicule réfrigéré. Le lissage des achats sur la durée a permis d’assurer un volume régulier de commandes aux producteurs qui ont, à leur tour, évolué et investi dans la logistique. 
Avec l’augmentation de la population, il a fallu créer une nouvelle cantine : le choix a été fait de conserver une cuisine sur place, avec un self-service pour le réfectoire, ce qui a permis un travail de réduction du gaspillage alimentaire, encore mal chiffré cependant, même si le système « petite/grande faim » et le tri des déchets, fait par les enfants eux-mêmes, ont permis une « prise de conscience », accompagnée par les animateurs du périscolaire, qui déjeunent avec les enfants et ont été formés à l’éducation alimentaire. 

L’Île-Saint-Denis : concertation avec les fournisseurs

En plein cœur de la métropole parisienne, L’Île-Saint-Denis (7 821 hab., Seine-Saint-Denis) n’avait pas le même accès à des petits producteurs locaux. La commune est donc passée par des grossistes. Après avoir tenté, là aussi sans succès, de mettre en place un repas 100 % bio par semaine, le choix a été fait de se concentrer sur les produits « au moindre delta de coût par rapport au conventionnel », explique Stéphane Banchereau, directeur de la restauration scolaire : les céréales et légumineuses, puis certaines viandes (eau), et les fruits et légumes. La part du bio a été progressivement montée pour atteindre les 50 % aujourd’hui (40 % en valeur), mais les gestionnaires ne peuvent pas déterminer la part de bio français et encore moins de local. 
Dès 2011, la commune a mis en place un repas végétarien hebdomadaire. Le nouveau maire, Mohammed Gnabaly, a décidé de passer en 2019 à deux repas sans viande par semaine – non pas parce qu’ils coûtent moins cher, ce qui n’est pas toujours le cas, le haché de bœuf coûtant deux fois moins cher, par exemple, qu’un haché végétal – mais pour passer à la « prochaine étape : un meilleur travail sur les approvisionnements pour acheter des légumes et fruits locaux ».
Grégory Gendre est du même avis : la commune de Dolus-d’Oléron, qui se prépare à passer au menu végétarien hebdomadaire, pourra augmenter ses commandes de légumes d’hiver et légumineuses : « pour les agriculteurs bio, ça leur permet une meilleure rotation des sols et une hausse du chiffre d’affaires. Mais ils doivent être sûrs de vendre ! » Plus de volume permet de stabiliser les filières locales, une clé pour développer un marché spécifique – et nécessaire – tenant compte des contraintes des producteurs et des collectivités.
(1) www.unplusbio.org/ 

Avis d’expert
Flora Cassonnet, ingénieure-consultante en alimentation durable à Écozept
« Partir d’un état des lieux et définir des priorités »  
« Quand on part de zéro ou presque en service de produits bio ou de qualité, il faut faire un état des lieux de ce qui est déjà fait, ce qui est un problème pour beaucoup. Les labels ne figurent pas toujours sur les factures : il faut alors mener un travail avec les fournisseurs (qui ont souvent une méconnaissance des besoins de la restauration collective) et sur la communication entre le chef de restauration qui réceptionne les commandes et le gestionnaire qui suit les budgets. Il faut voir ensuite quelle est la configuration du ou des sites de restauration, pour voir quels produits traiter en priorité. Il vaut mieux choisir un produit, par exemple les carottes, et travailler à les remplacer toutes par des carottes bio, que faire un menu 100 % bio de temps en temps, d’où un surcoût important pour un seul repas ; cela risque de décourager l’équipe et n’offre que peu de perspectives aux producteurs. 
Si l’on veut favoriser le bio local, mieux vaut commencer par un nombre restreint de fournisseurs, avec un approvisionnement régulier, ce qui permet d’optimiser la logistique et les livraisons et de construire un partenariat dans la durée.
Le menu végétarien peut permettre de dégager des marges intéressantes, mais il faut bien maîtriser les recettes et travailler des produits bruts : les steaks de soja ultra-transformés coûtent plus cher. »

Bio : un quota en valeur
Les chiffres avancés par les collectivités sur le bio sont souvent flous, et peuvent concerner parfois la proportion de composantes d’un menu, comme à Canohès ou L’Île-Saint-Denis. 
Mais la loi est claire : il s’agit bien de 20 % d’ingrédients bio en valeur, par rapport au coût total des achats de denrées.

En savoir plus
• Le Conseil national de la restauration collective a publié un vade-mecum sur les mesures de la loi Egalim, sur www.agriculture.gouv.fr 
• Le site de bonnes pratiques de l’Ademe.
https://optigede.ademe.fr
• Ressources et conseils d’une cantine 100 % bio
http://mead-mouans-sartoux.fr

 

Ce qui change au 1er janvier
• Les usagers devront être informés une fois par an de la part de produits durables et de qualité servie.
• Les ustensiles en plastique à usage unique (gobelets, couverts, pailles, assiettes, contenants divers...) et les ­bouteilles d’eau plate en plastique sont interdits en restauration scolaire (sauf conditions particulières).
• Interdiction de rendre impropres à la consommation les excédents alimentaires encore consommables. À noter qu’une démarche de lutte contre le ­gaspillage alimentaire doit être mise en place d’ici le 22 octobre 2020.

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Cet article a été publié dans l'édition :

n°375 - janvier 2020
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