Des modes de logement alternatifs pour les personnes âgées
Des petites collectivités bataillent pour offrir des solutions entre l'EHPAD et le maintien à domicile, permettant aux aînés de demeurer dans leur commune.

Le succès des MARPA
Aujourd’hui, la grande maison abrite trois studios, ainsi qu’un quatrième logement pour recevoir des visites et une salle commune. À l’étage, une famille du village, à qui la commune a proposé un loyer avantageux, assure une vigilance de « bon voisinage ». « Nous ne nous sommes pas inscrits dans un cadre particulier pour veiller sur les personnes âgées, nous comptons sur la bienveillance collective », précise l’élue. Au quotidien, les occupants bénéficient des services offerts par le centre intercommunal d’action sociale (CIAS) de la communauté de communes du Plateau de Lannemezan.
En 2050, un habitant sur trois serait âgé de 60 ans ou plus, contre un sur cinq en 2005, selon l’Insee. La part des jeunes diminuerait, ainsi que celle des personnes d’âge actif. En 2050, 69 habitants seraient âgés de 60 ans ou plus pour 100 habitants de 20 à 59 ans, soit deux fois plus qu’en 2005.
Philippe Decroocq, maire de Bey (Saône-et-Loire, 830 hab.) a, lui aussi, « bataillé » pour parvenir à ouvrir cinq logements sur un terrain communal destinés à des personnes âgées ou handicapées à qui il voulait offrir une solution « locale, de qualité et abordable ». « C’est la rencontre avec un bailleur social, séduit par le projet, qui a permis de débloquer la situation », retrace-t-il. « Nous récupèrerons les logements à la fin du bail emphytéotique de cinquante ans. Nous avons construit du patrimoine », se félicite-t-il.
À une plus grande échelle que les logements communaux, on trouve le concept de la MARPA ou « maison d’accueil rurale destinée aux personnes âgées » de 60 ans et plus, autonomes ou présentant, à leur entrée, une légère dépendance. Imaginé par la Mutualité sociale agricole (MSA) au milieu des années 1980, le concept est aujourd’hui présent dans plus de 200 communes, à l’initiative ou avec la participation de la collectivité. Si le concept favorise le maintien du lien social avec une capacité d’accueil de maximum 24 résidents et des temps collectifs, les services – aide à domicile, soins infirmiers… – sont apportés par des intervenants extérieurs.
200
maisons d’accueil rurales pour les
personnes âgées (MARPA) accueillent plus de 4 700 retraités.
(Source : MSA).
En général, la MARPA, structure sans but lucratif, est gérée par une association et peut accueillir des personnes disposant de revenus modestes. Ouverte il y a vingt ans, la MARPA de Vanault-les-Dames (Marne, 370 hab.) a « en permanence une liste d’attente », explique Caroline Issenhuth, venue sur la commune pour occuper le poste de directrice de l’établissement, et qui, par la suite, en est devenue la maire. « La MARPA accueille en moyenne une ou deux personnes de la commune. Nous rayonnons sur le territoire de la communauté de communes. Les maires sont un peu nos ambassadeurs en conseillant notre MARPA aux familles à la recherche d’une solution », poursuit-t-elle. Concernant la gestion de l’avancée des résidents dans la dépendance, la directrice s’est fixée deux limites : « elle peut être médicale, quand le résident a besoin d’un intervenant presque en permanence, ou quand le comportement de la personne devient dangereux pour le groupe ». Excepté ces deux cas de figure, les résidents peuvent vivre leurs derniers jours à la MARPA.
La MARPA de Souvigny-de-Touraine (Indre-et-Loire, 390 hab.) est peut-être la plus connue, ayant même fait l’objet d’un documentaire (1). Le maire, Laurent Borel, a ouvert en 2015 une «MARPA-école », en lui donnant une forte dimension intergénérationnelle. L’établissement abrite sous le même toit 24 logements accueillant des anciens qui partagent de manière volontaire le quotidien des 53 enfants de l’école (de 7 à 10 ans), notamment pendant les repas.
La piste de l’accueil familial
« En ayant donné une réalité au concept abstrait d’intergénérationnalité, nous sommes très observés par des communes, même à l’étranger, qui aimeraient faire de même. Mais avec la baisse des dotations et l’augmentation constantes des normes à respecter, je ne sais pas si je parviendrais aujourd’hui à boucler le montage financier, soit un budget total de 3,8 Me, dont la moitié avancée par la commune », estime, à regret, Laurent Borel.
En secteur rural, l’accueil familial, c’est-à- dire l’hébergement de personnes âgées ou handicapées au domicile d’accueillants (trois par famille), agréés par le conseil départemental, permet à des aînés de vieillir au sein du village qu’ils ont toujours connu et représente souvent un second revenu pour des foyers, notamment du secteur agricole. La formule est économique pour les familles des résidents et pour le conseil départemental, comparé au coût de séjour en EHPAD. Aujourd’hui, des conseils départementaux mènent des campagnes de communication pour recruter des accueillants familiaux, la fonction étant peu valorisée. Des élus locaux soutiennent cette solution. Le département du Nord a voté, en 2017, une délibération qui permet d’adapter l’accueil familial aux contraintes des agriculteurs, avec un accueil de quelques heures ou journées par semaine en fonction de la charge de travail des exploitants. À Mauroux (Lot, 520 hab.), la commune a acquis une maison. Ouverte en 2003 en partenariat avec un bailleur social, elle regroupe des logements que la commune loue aux accueillants. La proximité leur permet de s’absenter sur de courtes périodes, les accueillants étant souvent accaparés 7j/7. Si cette solution est appréciée par les résidents, le maire, Jean-Pierre Jouannic, déplore que lorsqu’un des logements est vide, la commune doit verser les loyers au bailleur. « Nous avons aussi beaucoup de mal à recruter des accueillants », regrette l’élu.
(1) Diffusé le 12 janvier dernier sur Public Sénat.
Mickaël Blanchet,
docteur en géographie sociale (1)
Un sujet en débat
La recherche de solutions de logement alternatif pour les seniors était à l’ordre du jour du colloque « Maires et grand-mères, les élus d’Île-de-France face au défi du vieillissement », organisé le 20 février dernier, notamment par l’association des maires d’Île-de-France (AMIF). À la question « comment les maires peuvent-ils inventer un autre “chez-soi ?” », Christophe Borgel, membre de Think Tank Matières Grises (1), co-organisateur du colloque, a conseillé aux élus locaux d’initier ou de soutenir des solutions qui, additionnées, répondent «à un large panel de revenus ». (1) www.ehpa.fr/matieres-grises/
En savoir +
• La loi n° 2015-1776 d’adaptation de la société au vieillissement du 28/12/2015.
• Le gouvernement a présenté, en mai 2018, sa «feuille de route pour relever le défi du vieillissement et de la perte de l’autonomie ». Il a annoncé le lancement d’un débat associant tous les acteurs et les citoyens «pour aboutir à des propositions en 2019 ».
• L’AMF a formulé, le 13 mars, des propositions pour la prise en charge des personnes âgées. www.amf.asso.fr (réf. BW39324).
À lire
• «Les personnes âgées en 2030 : portrait-robot de la génération qui vient », étude du Think Tank Matières Grises sur la nature des besoins de la population âgée. www.ehpa.fr/matieres-grises/
• « L’action des bourgs face à l’enjeu du vieillissement de la population. Analyse de 25 dossiers de candidature au programme national de revitalisation des centres-bourgs », CGET, avril 2017. www.cget.gouv.fr
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Cet article a été publié dans l'édition :
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