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Maires de France

Juridique
01/01/1970 Janvier 2019 - n°364
Logement

Repérer et acquérir les biens vacants et sans maître

Les biens immobiliers sans maître peuvent être acquis par les communes dans certaines conditions, au terme du respect de formalités substantielles.

Fabienne NEDEY
Le régime juridique des biens vacants et sans maître est régi par des dispositions du Code civil et du Code de général de la propriété des personnes publiques (CGPPP). Une circulaire d’août 2006 a clarifié les modalités d’application de ces dispositions, après que la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales les ait profondément modifiées.

1 Définition des biens sans maître
L’article L. 1123-1 du Code de général de la propriété des personnes publiques pose la définition des biens sans maître. Sont ainsi considérés comme n’ayant pas de maître les biens immobiliers n’ayant pas de propriétaire connu (aucun titre de propriété publié au fichier immobilier, aucune indication au cadastre), ou dont le propriétaire est connu mais décédé depuis plus de 30 ans sans qu’aucun héritier ne se manifeste (ou héritiers ayant refusé la succession). De par leur nature, ces biens immobiliers ne font l’objet d’aucune appropriation juridique et peuvent être acquis par les communes. 

2 Modalités d’acquisition des biens sans maître
La législation distingue deux modalités d’acquisition distinctes des biens sans maître : une appropriation de plein droit par les communes en vertu de l’article 713 du code civil, et une incorporation au domaine communal après une procédure définie par l’article L. 1123-3 du CGPPP. Une enquête préalable s’impose avant toute action.
Enquête préalable. Les communes souhaitant exercer leur droit de propriété ont intérêt à s’assurer au préalable que les biens concernés sont effectivement des biens sans maître. Des informations à ce sujet peuvent être utilement recueillies auprès des services du cadastre, de la publicité foncière, ou du recouvrement des taxes foncières, des notaires, des registres d’état civil, voire via une enquête de voisinage. Au vu des résultats de ces investigations, les communes se rapprocheront de la Direction immobilière de l’État (ex-France Domaine) afin de conforter leur analyse et s’assurer qu’elles ne sont pas en train d’appréhender par erreur un bien en déshérence revenant à l’État (lire ci-dessous).
L’acquisition de plein droit organisée par l’article 713 du code civil. La loi du 13 août 2004 a accordé une nouvelle prérogative de puissance publique aux communes en matière de maîtrise foncière, en modifiant l’article 713 du Code civil. Celui-ci prévoit que les biens immobiliers n’ayant pas de maître appartiennent à la commune sur le territoire de laquelle ils sont situés. Cette appropriation est de plein droit. Elle concerne les biens immobiliers ayant appartenu à une personne identifiée, faisant partie d’une succession ouverte depuis plus de 30 ans et pour laquelle aucun successible ne s’est présenté. En application de la prescription trentenaire, les héritiers ne peuvent plus recueillir les biens en question. Ces biens n’ayant plus de propriétaire sont donc, sans discussion, des biens sans maître. Le décès (ou «l’absence », qui produit les mêmes effets que le décès) doit être établi avec certitude afin que la commune puisse faire valoir ses droits sur ces biens.

Si la commune renonce à exercer ses droits, la propriété du bien 
est transférée de plein droit à l’État.

La procédure est simple : le conseil municipal autorise, par délibération, le maire à acquérir un bien sans maître revenant de plein droit à la commune. Cette prise de possession est constatée par un procès-verbal affiché en mairie. Si la commune renonce à exercer ses droits, la propriété est transférée de plein droit à l’État qui constate, par arrêté préfectoral, le transfert du bien dans le domaine de l’État. À noter qu’une commune n’a pas le droit de renoncer à l’avance, par une délibération de principe, à l’ensemble des biens sans maître qui pourraient lui échoir à l’avenir.
La procédure de l’article L. 1123-3 du CGPPP pour les biens présumés sans maître. En présence d’un bien présumé sans maître (propriétaire disparu, taxes foncières non acquittées depuis plus de trois ans), la commune met en œuvre une procédure spécifique. Le maire a intérêt à mener une enquête pour vérifier la situation d’un tel bien et à ne pas engager trop prématurément la procédure, le non-paiement des taxes foncières ne constituant qu’un indice. La jurisprudence estime que l’administration doit vérifier que le propriétaire du bien ne doit pas être «sinon connu, du moins susceptible d’être aisément retrouvé » (CAA Versailles, 16 décembre 2010, consorts B c/ préfet du Val-d’Oise). 
Pour incorporer les biens présumés sans maître dans son domaine, la commune applique une procédure en deux phases : 
• dans la première phase, le maire constate par arrêté que l’immeuble n’a pas de propriétaire connu et que les contributions foncières n’ont pas été acquittées depuis plus de trois ans. Cet arrêté est pris après avis de la commission communale des impôts directs. L’arrêté publié est notifié, le cas échéant, au dernier domicile connu du propriétaire, ainsi qu’à l’habitant ou à l’exploitant de l’immeuble s’il y a lieu. Il est également notifié au représentant de l’État dans le département. Ces mesures de publicité constituent des formalités substantielles, dont l’inobservation constitue une illégalité (CAA Bordeaux, 28 avril 2011, commune de Montsinery-Tonnégrande) ;
• la deuxième phase est celle de l’incorporation : six mois après l’accomplissement de la dernière des mesures de publicité décrites ci-dessus, si aucun propriétaire ne s’est manifesté, le conseil municipal peut décider l’incorporation du bien dans le domaine communal, ce que constate le maire par arrêté. La délibération du conseil municipal doit être prise dans un délai de six mois à compter de la date à laquelle il a été constaté que le bien était présumé sans maître. À défaut de délibération dans ce délai, la propriété du bien est attribuée à l’État et son transfert dans le domaine de l’État constaté par un arrêté préfectoral : la jurisprudence précise que cette acquisition a lieu de plein droit (Cass, 22 mai 1970, époux Z et Y).

3 Possibilités de restitution au propriétaire
Dans le cas où le propriétaire du bien se fait connaître pendant la procédure, celle-ci est abandonnée. Le régime de droit commun prévoit en outre une obligation de restitution du bien en son état d’origine, dans le cas où le propriétaire initial du bien ou ses ayants droit se manifestent postérieurement à la date d’acquisition par les personnes publiques. Il revient évidemment à celui qui se prétend héritier de le prouver. La restitution sera subordonnée au paiement par le propriétaire ou ses ayants droit du montant des charges qu’ils ont éludées, ainsi que du montant des dépenses nécessaires à la conservation du bien engagées par la commune.
Par exception, si le bien a été aliéné (déjà vendu par la personne publique à un tiers) ou utilisé d’une manière ne permettant pas la restitution (par exemple s’il a été aménagé, notamment à des fins d’intérêt général), le propriétaire ou ses ayants droit peuvent demander une indemnité égale à la valeur du bien à la date de son aliénation ou transformation.

4 La gestion des biens en état d’abandon
Les biens sans maître ne doivent pas être confondus avec d’autres catégories d’immeubles non entretenus, notamment les parcelles en état d’abandon manifeste. Ces biens dont les propriétaires sont défaillants font l’objet d’une procédure spécifique, régie par les articles L. 2243-1 à L. 2243-4 du CGCT. Elle permet d’obliger les propriétaires à faire des travaux ou à vendre, sans nécessairement passer par l’acquisition du bien par la commune. La procédure est engagée par le maire à la demande du conseil municipal. Après avoir cherché les propriétaires ou leurs ayants droit, un procès-verbal provisoire est dressé par le maire : il constate l’abandon manifeste de la parcelle et précise la nature des travaux indispensables pour faire cesser cet état d’abandon. Ce procès-verbal fait l’objet de mesures de publicité et de notifications. Six mois plus tard, faute de cessation de l’état d’abandon, le maire prend un procès-verbal d’état d’abandon définitif. Il saisit ensuite le conseil municipal qui décide s’il y a lieu de déclarer la parcelle en état d’abandon manifeste et d’en poursuivre l’expropriation au profit de la commune. Prononcée dans les conditions prévues par l’article L. 2243-4 du CGCT et le Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, l’expropriation doit avoir pour but soit la construction de logements, soit tout objet d’intérêt collectif relevant d’une opération de restauration, de rénovation ou d’aménagement.        


Le cas des successions en déshérence
En application des articles 539 et 768 du Code civil, les successions dites «en déshérence » appartiennent à l’État, quelle que soit la date du décès des personnes considérées. Il s’agit de successions abandonnées consistant en une universalité et non en un bien isolé, provenant de personnes ne laissant, à la date de leur décès, aucun héritier ou seulement des héritiers du degré non successible, et n’ayant pas consenti de legs universel. L’État effectue la gestion de la succession, puis celle-ci est liquidée après que «l’envoi en possession » ait été autorisé par le tribunal de grande instance (TGI).

Les biens des successions vacantes ne sont pas concernés
Il ne faut pas confondre les biens sans maître, qui reviennent à la commune, avec les biens des successions vacantes dont le propriétaire est décédé depuis moins de 30 ans, qui demeurent la propriété de l’État. Une succession est vacante lorsque le défunt ne laisse aucun héritier et aucun légataire, lorsque la totalité des héritiers a renoncé à une succession de moins de 30 ans, ou lorsque les héritiers connus ne se sont pas manifestés dans un délai de six mois à compter de l’ouverture de la succession. Dans ces conditions, le patrimoine du défunt est géré par l’État qui se charge d’en apurer le passif. Une fois cette procédure aboutie, et si aucun héritier ne s’est manifesté, l’État hérite des éléments d’actifs du patrimoine du défunt. 
Avant la mise en vente d’un bien immobilier, l’État doit le proposer aux communes ou aux communautés titulaires du droit de préemption urbain, qui peuvent faire valoir leur droit de priorité. Ce droit peut être mis en œuvre pour permettre la réalisation, dans l’intérêt général, d’actions ou d’opérations d’aménagement, ou la constitution de réserves foncières autorisant la réalisation de telles actions ou opérations.
Pour tenter d’accélérer la procédure d’acquisition des successions vacantes, le maire peut demander au procureur de la République de déposer auprès du président du tribunal de grande instance (TGI) une requête demandant que la curatelle du bien soit confiée à la Direction immobilière de l’État (DIE). À l’issue d’une procédure aboutie, si aucun héritier ne s’est manifesté, la DIE demande «l’envoi en possession » auprès du tribunal et pourra ensuite mettre en vente les biens issus du patrimoine du défunt. 


Références 
• Article 713 du Code civil.
• Articles L. 1123-1 et suivants du CGPPP.
• Loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.
• Circulaire ministérielle du 8 mars 2006 relative au régime juridique des biens vacants et sans maître.
 

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Cet article a été publié dans l'édition :

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