Prévention routière. Fédérer et mobiliser les acteurs locaux
Les maires sont trop souvent confrontés aux drames de la route et leurs missions font souvent d'eux les porteurs des pires nouvelles. Comment et avec qui peuvent-ils agir pour renforcer la sécurité routière ?
Les collectivités peuvent agir dans plusieurs domaines : l’entretien et la rénovation de l’infrastructure routière, l’aménagement de la voirie et de la signalisation, la réglementation, les contrôles par la police municipale quand elle existe, l’organisation des transports scolaires, l’éducation routière des enfants en lien avec l’école, etc. Le maire a un rôle à jouer pour fédérer tous les acteurs locaux car cette bataille en faveur de la sécurité routière ne se gagnera que collectivement.
I - Réaliser un diagnostic et fixer des objectifs communs
Chaque territoire est unique et demande une observation soigneuse pour bien identifier les facteurs accidentogènes. Du fait de son expérience et de sa proximité, l’élu dispose déjà, bien sûr, d’une bonne connaissance de la situation.
Néanmoins, il convient de dépasser parfois certaines idées reçues et d’objectiver les données. L’expérience montre qu’une réduction des décès et blessures graves peut être obtenue avec une approche méthodique (planifier, faire, vérifier, adapter), basée sur des données pertinentes, et notamment celles de l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière (ONISR), et en fédérant tous les acteurs et usagers de la route.
Parmi ceux-ci figurent la police municipale, la gendarmerie ou la police nationale, les services de secours (sapeurs-pompiers, SAMU), les parents d’élèves, les enseignants, les transporteurs, les accompagnateurs scolaires, les associations locales affiliées ou non à des structures nationales : association Prévention routière (www.preventionroutiere.asso.fr) – qui organise les labels «Ville prudente » en partenariat avec l’AMF pour soutenir les efforts des élus (lire ci-dessous) –, Ligue contre la violence routière (https://violenceroutiere.fr), Association nationale pour les transports éducatifs de l’enseignement public (www.anateep.fr), Familles rurales, les délégués locaux d’associations cyclistes, etc.
Ce travail est à engager en lien étroit avec les services déconcentrés de l’État (en premier lieu avec la coordination sécurité routière de la préfecture) : les collectivités sont invitées par les préfets à désigner des élus «correspondants sécurité routière » qui sont leurs interlocuteurs et relaient des informations relatives à la sécurité routière. La commune doit aussi travailler avec les autres échelons (intercommunalité, département, région). À partir d’un diagnostic solide, il s’agira de définir des objectifs et des actions. Par exemple, après une hiérarchisation des voies, la mise en place de modérations de vitesses est à même d’être respectées.
II - Aménager la voirie pour corriger les configurations dangereuses
De nombreuses ressources techniques sur ce sujet sont mises à disposition par le Cerema (www.cerema.fr). Par exemple, une série de 38 fiches «Savoirs de base en sécurité routière » et le replay d’un webinaire d’octobre 2022 sur l’évaluation des aménagements en matière de sécurité routière.
D’autres acteurs produisent leurs recommandations, comme la Fédération française des usagers de la bicyclette (FUB) dont la dernière note de position, «Pour une pratique du vélo en milieu rural en toute sécurité », privilégie des aménagements économes en coût et matériaux utilisant en priorité les voiries existantes.
Sécuriser et harmoniser les liaisons douces, prendre en compte les usagers de la route les plus vulnérables, définir précisément la notion de «trottoir » sont des éléments importants : il ne faut rien dissocier. Rappelons que les PLU et PLUi sont les instruments adaptés pour soutenir des stratégies d’amélioration de la sécurité routière à long terme : ils offrent la possibilité de préciser, à titre incitatif ou prescriptif, les objectifs et les mesures favorisant la prise en compte du risque routier.
Pour autant, comme mobilité et sécurité routière ne tiennent pas compte des limites communales, il faut trouver moyen de coordonner les projets d’aménagement routiers entre les communes, les intercommunalités et le département.
III - Réglementer, informer, contrôler, sanctionner
C’est bien sûr le rôle crucial de la police municipale quand elle existe. Une collaboration efficace avec les forces de sécurité nationale (convention de coordination avec la police et la gendarmerie, élaboration conjointe d’une stratégie locale de prévention et de contrôle routier…) est indispensable.
Il conviendra de communiquer auprès des usagers de la route et de la rue sur les nouveaux aménagements et les nouvelles règles d’usage de la voirie : instauration de zones 30, zones piétonnes, sécurisation des espaces urbains autour des établissements scolaires et des zones de ramassage scolaire (en lien avec le départements et la région pour les collégiens et les lycéens), sécurisation des zones «de rencontre » (en agglomération, zone de cohabitation apaisée où chaque usager doit respecter certaines règles), plan des mobilités sécurisant les liaisons douces, plan d’organisation du stationnement.
IV - Construire une culture commune de la sécurité routière
Diminuer l’accidentalité sur un territoire implique forcément d’obtenir l’adhésion des habitants et des automobilistes, de lutter contre les idées préconçues, de faire évoluer les comportements individuels. Des initiatives peuvent être prises en déclinant les programmes «Savoir rouler à vélo » ou «Permis piéton » dont l’AMF est partenaire, en recourant à la boîte à outils du label «Ville prudente », en mettant en place le programme pédibus ou vélobus (caravane d’enfants encadrés par des adultes pour se rendre en toute sécurité à l’école à pied ou à vélo).
En Vendée, l’Association intercommunale Familles rurales (AIFR) du secteur de Rocheservière a fait réaliser par des jeunes des vidéos sur les règles de sécurité à respecter dans le cadre des transports scolaires (port de la ceinture, du gilet de sécurité, traversée de la route…).
La 6e édition du label «Ville prudente », organisée par l’association Prévention routière et ses partenaires, dont l’AMF, a eu lieu durant le 105e Congrès des maires de France. 112 labellisations ont été délivrées en 2023 : 81 à de nouvelles communes, 31 à des communes relançant leur candidature et, pour certaines, augmentant leur niveau de labellisation (Beauvais, Palaiseau et Avignon ont obtenu leur 4e cœur).
Les candidatures pour la 7e édition sont ouvertes jusqu’au 16 septembre 2024.
En savoir + : villeprudente.fr
Frédéric Cuillerier, maire de Saint-Ay (45), co-président de la commission transports, mobilités, voirie de l’AMF et représentant de l’AMF au Conseil national de la sécurité routière (CNSR)
« Réaliser un bilan annuel de la sécurité avec tous les acteurs »
Une autre préconisation est de faire des commissions départementales de sécurité routière de réels instruments de mobilisation effective et partagée, notamment dans l’optique d’une meilleure cohérence des aménagements routiers réalisés par les différents gestionnaires. Sur le plan de l’animation, de la prévention et de la formation, les parties prenantes doivent privilégier un travail en réseau.
Tout cela demande des moyens financiers : le CNSR recommande d’ouvrir des appels à projets aux communes, intercommunalités, départements et régions, avec des financements spécifiques de l’État.
Je rappelle que, plus largement, l’AMF appelle à un nouveau modèle financier pour la route, l’État percevant aujourd’hui l’essentiel des recettes qui y sont liées alors que les collectivités territoriales gèrent 98 % du patrimoine routier* (64 % pour le seul bloc local) et y investissent plus de 7 Mds€ par an. »
* Chiffres clés du transport, CGEDD, 2019
• «Les maires et la sécurité routière, 8 leviers pour agir », un livret édité par la Délégation à la sécurité routière, l’AMF et le Cerema : tinyurl.com/s2njbs9j
Raccourci : mairesdefrance.com/2522
Cet article a été publié dans l'édition :
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