Concilier son mandat avec une activité professionnelle
Activité chronophage par excellence, un mandat local suppose des qualités dignes d'un homme-orchestre lorsque l'on exerce par ailleurs un métier. PAR CHRISTOPHE ROBERT
ÉQUATION IMPOSSIBLE ?
Il est vrai que dans les communes rurales, largement majoritaires dans l’Hexagone, les maires peuvent difficilement compter sur d’autres aides techniques et administratives que celles d’un ou d’une secrétaire de mairie, bien souvent à temps non complet. «En plus de la gestion de détails techniques, il nous faut prendre en compte la dimension humaine : connaître chacun des habitants, les rencontrer, gérer les soucis de voisinage, y compris le dimanche!», poursuit Véronique Le Guillous. Une tâche d’autant plus difficile que les attentes et les exigences des habitants à l’égard de leur maire ont manifestement évolué avec le temps. «Les habitants nous demandent désormais d’intervenir dans des domaines qui nous semblaient autrefois très extérieurs à nos compétences, confirme Bertrand Hauchecorne, maire de Mareau-aux-Prés (1 250 hab., Loiret) depuis 1995.On nous presse par exemple de faire venir des médecins ou de mettre en place des maisons de santé», explique cet ancien professeur de mathématiques, retraité depuis peu. L’exercice d’un mandat local et d’une activité professionnelle relèverait-il alors d’une équation impossible? «Sans compter qu’il faut ajouter dans cette équation une troisième variable importante qui est la vie familiale », affirme Bertrand Hauchecorne. Selon lui, «outre la question du temps, il faut aussi gérer sa disponibilité mentale afin d’être efficace dans chacune des situations». «Dans beaucoup de professions, s’absenter est difficile et de nombreux élus sont gênés vis-à-vis de leur employeur. C’est tout un état d’esprit qu’il faudrait changer », considère aujourd’hui l’édile, selon qui «il faudrait que la société en général reconnaisse l’apport essentiel des élus au fonctionnement de la vie collective de la Nation». Et si Bertrand Hauchecorne devait donner un conseil aux nouveaux élus, ce serait celui de «rester à l’écoute des citoyens tout en sachant garder une distance, de leur faire comprendre, par exemple, que les appels téléphoniques doivent se faire, sauf en cas d’urgence, d’abord en mairie». Dans les villes aussi, les nouveaux élus doivent apprendre à composer avec les moyens du bord. À l’instar d’Élodie Taillandier, élue adjointe au maire de Champhol (3 762 hab., Eure-et-Loir). Mère de 4 enfants, cette professeure des écoles a vite fait son choix depuis son élection en demandant à sa hiérarchie académique de passer à mi-temps (lire ci-contre). Les textes législatifs et règlementaires prévoient des dispositifs précis pour permettre aux élus de concilier leur mandat avec une activité professionnelle (lire ci-dessous), s’agissant notamment des temps d’absence (autorisations d’absence, crédit d’heures, congé formation, etc.). Cependant, les dispositifs relatifs au statut de l’élu(e) demeurent encore trop méconnus, tant des élus locaux que de leurs employeurs privés ou publics, quand ils ne sont tout simplement pas appliqués.
SAVOIR DÉLÉGUER
La loi «engagement et proximité » du 27 décembre 2019 a donc prévu l’organisation, à la demande de l’élu, d’un entretien avec son employeur en début de mandat pour fixer les modalités de conciliation entre le mandat et le métier, et informer l’employeur des dispositions relatives au statut de l’élu. La loi prévoit l’inscription dans le Code du travail du principe de non-discrimination pour les élus ayant une activité professionnelle. Et l’éligibilité prioritaire au télétravail est instaurée pour tous les élus lorsque l’activité professionnelle s’y prête. «Si l’on voulait véritablement améliorer le sort des élus locaux, il faudrait qu’ils soient indemnisés directement par l’État, pour déconnecter leurs indemnités des budgets des collectivités, notamment dans les plus petites où le sujet est souvent sensible », propose Dimitri Doussot, maire de Vauconcourt-Nervezain (215 hab., Haute-Saône) depuis 2014. Âgé de 35 ans, ce juriste vient d’être élu président de la Communauté de communes des Quatre Rivières (41 communes, plus de 10 000 hab.). Chargé d’enseignement en droit public à l’Université de Franche-Comté, il considère l’engagement public comme son «carburant» et sa «source d’énergie». Le jeune élu avoue ne pas compter ses heures mais mettre beaucoup de rigueur dans son emploi du temps : «Je cloisonne strictement mes différentes activités et me fixe des plages horaires pour chacune d’entre elles. » Pour lui surtout, la clef de la réussite suppose de «ne pas hésiter à déléguer et faire confiance aux adjoints ». «Lorsque l’on est un exécutif local, on a tendance à vouloir tout faire. C’est une profonde erreur, d’autant que les personnes qui s’engagent aujourd’hui dans un conseil municipal souhaitent être utiles au fonctionnement de leur commune». Une analyse que partage son homologue, Bertrand Hauchecorne : «Il ne faut pas oublier que la conduite d’une commune est une oeuvre collective et qu’une équipe municipale soudée est le meilleur gage d’un mandat apaisé.» Et le maire de Mareau-aux-Prés de conclure : «Alors les nouveaux maires comprendront, après une première année stressante, que la fonction de maire fait partie des plus belles.»
Le Statut de l’élu(e) local(e) sur www.amf.asso.fr (réf. BW7828) et la fiche sur «Les conditions d’exercice du mandat», parue dans Maires de France, n° 380, juin 2020, pp. 51-52.
Élodie Taillandier, adjointe au maire de Champhol (3 762 hab., Eure-et-Loir)
« LES NUITS SONT PLUTÔT COURTES ! »
Cet article a été publié dans l'édition :
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