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Maires de France

Pratique
01/01/1970 Décembre 2020 - n°385
Aménagement, urbanisme, logement

Élaborer un schéma d'accueil et d'habitat des gens du voyage

Ce document, élaboré par le préfet et le département, en concertation avec les maires et EPCI, doit suivre une méthodologie précise. Par Martine Kis

© Anne-Christine Poujoulat/AFP
L’élaboration et la révision du schéma départemental d’accueil et d’habitat des gens du voyage (SDAHGV) doivent répondre aux prescriptions de la loi du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et l’habitat des gens du voyage mais aussi aux textes ultérieurs dont le décret du 26 décembre 2019 relatif aux aires permanentes d’accueil et aux terrains familiaux locatifs destinés aux gens du voyage qui a apporté, après deux ans de travaux en concertation avec l’AMF notamment, des modifications importantes aux modalités d’aménagement et de gestion de ces équipements (lire Maires de France, n° 376, février 2020, pp. 48-49). Afin d’accompagner les rédacteurs des schémas, les élus et les associations dans la mise en œuvre précise des prescriptions, le ministère chargé du Logement a publié, avec le Cerema, un guide d’élaboration/révision des SDAHGV qui se veut pragmatique. La première génération de SDAHGV se concentrait sur la production d’aires permanentes d’accueil, la deuxième traitait de la problématique des grands passages. La dernière, reflétant la prise en compte des besoins des gens du voyage, intègre les dispositions sur les terrains locatifs familiaux, équipements à créer et gérer depuis la loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et la citoyenneté.

I. CONTENU, ÉLABORATION ET SUIVI DU SDAHGV. Il programme pour six ans des équipements publics d’accueil, des équipements à usage privé d’habitat et des actions à caractère social. Le SDAHGV comporte des orientations à valeur prescriptive (nombre de places, capacité des équipements, localisation) et non prescriptives (aires de petit passage, résidence mobile en complément d’un logement, etc.). Les EPCI ont deux ans à partir de l’approbation du schéma pour le réaliser et deux ans de plus s’ils prouvent leur volonté de se conformer à leurs obligations. L’élaboration du SDAHGV était engagée par le préfet et le président du conseil départemental, la révision l’est à l’initiative de l’un ou de l’autre. Un comité de pilotage associé à une commission consultative locale anime le travail. Les EPCI et les communes concernées rendent un avis avant l’approbation du schéma par le préfet et le président du conseil départemental. Le préfet ne peut inscrire sans leur consentement les communes de moins de 5000 habitants. La commission départementale consultative en matière de suivi du schéma, seule instance obligatoire, assure le suivi du SDAHGV. Il permet de dresser des bilans des objectifs, d’identifier les dysfonctionnements, d’adapter les objectifs au contexte, jusqu’à la révision du schéma. Un comité de pilotage et des groupes de travail thématiques peuvent venir en appui.

34000 euros
Le coût moyen d’un emplacement de résidence mobile sur une aire d’accueil permanente. Le coût augmente ces dernières années en raison d’une élévation du niveau des équipements. (Source : SISAL, 2006/2018).

II. L'ACCUEIL. La notion d’accueil est associée à celle de passage. Le SDAHGV définit les secteurs géographiques d’implantation, de préférence dans une zone urbanisée et dans des secteurs autorisés par les documents d’urbanisme qui définissent des règles de constructibilité adaptées. L’accueil se présente sous quatre formes.
• Les aires permanentes d’accueil : leur capacité est de 15 à 40 places, pour des séjours de quelques jours à plusieurs mois. Leur utilisation est payante, la présence d’un gestionnaire recommandée. Les aires sont organisées en emplacements avec blocs sanitaires. Le décret du 26 décembre 2019 a apporté des modifications substantielles à leurs modalités d’aménagement et de gestion.
• Les aires de grand passage, destinées à des rassemblements occasionnels ou traditionnels, jusqu’à 200 résidences mobiles. Les séjours durent de quelques jours à deux semaines. Elles ont une surface d’au moins 4 ha, ne comportent pas d’emplacements mais des équipements énumérés par le décret du 26 décembre 2019. Elles sont d’utilisation payante. Leur occupation doit être programmée pour assurer le bon déroulement de la saison estivale.
• Les aires de petit ou de moyen passage, sans caractère prescriptif. Elles sont sommairement aménagées pour accueillir les familles de passage. Les communes de moins de 5000 hab., non soumises au schéma, doivent cependant mettre en œuvre un droit de halte, pour une durée supérieure à 48 heures et inférieure à 15 jours.
• Les emplacements pour les grands rassemblements traditionnels ou occasionnels ne sont pas prescrits par le SDAHGV. Ils peuvent accueillir plusieurs milliers de caravanes quelques semaines par an.

Ce que dit le décret du 26 décembre 2019
• Les nouvelles prescriptions sur l’aménagement des aires permanentes d’accueil ne s’appliquent qu’aux travaux de création ou d’aménagement des aires dont la déclaration préalable ou la demande de permis d’aménager sera déposée après le 31 décembre 2020.
• Chaque aire d’accueil temporaire doit disposer d’un règlement intérieur.
• La mise aux normes des terrains familiaux existants doit être réalisée avant fin décembre 2024. Pour ceux en création, elle doit l’être dans les 5 ans suivant la demande de déclaration préalable ou de permis d’aménager déposée avant le 1 er janvier 2021.

 

III. L'HABITAT. Le schéma traite de lieux où les gens du voyage vivent de manière pérenne dans des résidences mobiles. Même les familles voyageant beaucoup possèdent un ancrage territorial marqué. Ce besoin est pris en compte par les terrains familiaux locatifs dont l’implantation est devenue prescriptive par la loi de janvier 2017. Le décret du 26 décembre 2019 précise les règles de création et de gestion des terrains familiaux locatifs. Il est essentiel de prendre en compte les besoins d’habitat des gens du voyage dans les documents de planification et d’urbanisme et de disposer de procédures foncières et d’aménagement adéquates. L’EPCI peut déléguer la gestion à un bailleur social. Il est conseillé de s’assurer que le loyer est adapté aux capacités des ménages. Le terrain familial locatif doit être pensé en complément de l’offre d’accueil et en fonction des besoins de la population concernée.

IV. L'ACCOMPAGNEMENT SOCIO)ÉDUCATIF. L’insertion professionnelle, la santé, la scolarisation et l’accès aux droits constituent les volets obligatoires d’un schéma. L’accompagnement des écoles proches des aires d’accueil relève d’une concertation entre les communes, les EPCI et l’Éducation nationale. L’accès aux services de droit commun est difficile pour une population méconnaissant les aides, manquant de confiance envers les institutions, au mode de vie éloigné des critères d’éligibilité, etc. Il nécessite de la part des collectivités la mise en place de dispositifs de médiation et l’adaptation des modes d’accompagnement. La domiciliation est un préalable à l’accès au droit, notamment au niveau des CCAS comme le favorise le Bas-Rhin. L’état de santé des populations du voyage est dégradé avec une espérance de vie réduite de 15 ans. L’accès aux soins et à la prévention peut être facilité par un accompagnement social et le déplacement des services de santé sur le lieu de vie. À l’instar du Maine-et-Loire avec ses actions d’« Aller vers » qui proposent vaccinations sur les aires ou des ateliers cuisine sur les questions de nutrition et d’hygiène bucco-dentaire.

Avis d’expert 
Laurent El Ghozi,

président de la Fédération nationale des associations solidaires d’action avec les Tsiganes et les Gens du voyage (FNASAT)
«Il faut faire en sorte que la vie des gens du voyage soit aussi proche que possible de celle des gens “ordinaires”. C’est simple à dire, mais cela implique beaucoup. il faut respecter le décret du 26 décembre 2019. il précise de façon pragmatique et concrète comment réaliser une aire d’accueil. Malheureusement, la Fnasat et la commission nationale consultative pour les gens du voyage n’ont pas obtenu la rétroactivité de son application aux aires en service. en cas de révision du schéma et de travaux, il faut cependant rendre l’aire aussi conforme que possible au décret. Les aires sont trop souvent là où personne ne veut habiter, pas plus les gens du voyage que les autres. il faut aussi un réel travail social, ce qui est rarement le cas, avec une association médiatrice qui connaît la population visée, son mode de vie, jouit de sa confiance et sert d’intermédiaire avec les pouvoirs publics. Le préfet doit s’assurer concrètement que le projet social et l’association seront bien présents. Bien qu’il y ait plus de schémas, la situation sur le terrain n’est pas meilleure. J’espère que cela évoluera avec leurs révisions. nous essayons de le faire valoir en intervenant dans les commissions départementales consultatives des gens du voyage.»
 
Références
• Loi du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage.
• Décret du 25 juin 2018 relatif aux subventions de l’État pour des projets d’investissement (et arrêtés pris en application).
• Décret du 5 mars 2019 relatif aux aires de grand passage.
• Décret du 26 décembre 2019 relatif aux aires permanentes d’accueil et aux terrains familiaux locatifs destinés aux gens du voyage.
INFO PRATIQUE
• Le schéma départemental d’accueil et d’habitat des gens du voyage. Guide d’élaboration /révision. Ministère chargé du LogementCereMa. https://bit.ly/3kZ7eii
• Fnasat : www.fnasat.asso.fr/

 

 

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Cet article a été publié dans l'édition :

n°385 - Décembre 2020
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