Le village des Plantiers au c"ur d'une chasse à l'homme
En mai dernier, un double assassinat est commis aux Plantiers (260 habitants, Gard). L'auteur présumé se cache en forêt. Le paisible village cévenol va vivre durant quatre jours au rythme de cette traque. Par Sarah Finger
« J’ai vite été averti par l’ancien maire, qui était très fébrile au téléphone. Je lui ai conseillé de se mettre à l’abri chez lui, raconte Bernard Mounier. Ensuite, tout est allé très vite. La secrétaire de mairie était elle aussi paniquée : je lui ai dit de s’enfermer dans la mairie. Puis je suis parti à l’EHPAD, notre centre d’hébergement pour personnes âgées, pour que les 22 résidents et les 17 salariés s’enferment dans les locaux. » Dans la foulée, le maire appelle son adjointe chargée de l’enfance afin que le bus de ramassage scolaire n’amène pas les élèves au village. Puis il se rend à l’école et demande à l’institutrice de confiner dans une salle de classe les quelques enfants déjà présents. Une vingtaine de minutes après le double assassinat, les forces de gendarmerie, notamment le GIGN d’Orange (84), commencent à converger vers les Plantiers, avec des véhicules blindés, des équipes cynophiles et 8 hélicoptères qui atterrissent sur le terrain de football de la commune. « Au plus fort de la crise, 350 militaires étaient présents ici, se souvient Bernard Mounier. En l’espace de deux heures, notre population avait plus que doublé ! »
Protéger les habitants
Un premier impératif s’impose d’emblée aux forces de l’ordre : protéger les habitants. Le fugitif étant armé et dangereux, tous sont devenus des cibles potentielles. Pendant ce temps, le maire doit confirmer la terrible nouvelle qui a déjà circulé dans la commune et affronter la douleur des familles directement touchées. Il raconte : « Sur la place du village, des proches des victimes sont tombés dans mes bras. La population était angoissée, et même sidérée. Les routes d’accès aux Plantiers ont été vite bloquées et les contrôles étaient permanents. »
La salle du conseil municipal est transformée en poste de commandement. La commune est divisée en deux zones : au nord, dans un espace de montagne escarpé, la circulation est interdite. C’est là que se trouverait Valentin Marcone. « Cette zone bouclée était constamment patrouillée, se souvient le maire. Les habitants des fermes et des hameaux isolés ne pouvaient pas sortir de chez eux. » Plus au sud ainsi que dans le village, les habitants ne pouvaient sortir que pour le strict nécessaire. « Pendant toute la traque, le village vivait dans un climat de crainte, poursuit Bernard Mounier. Mais les forces de l’ordre ont contribué à ce que la peur ne prenne pas le dessus. » De son côté, Bernard Mounier gère la crise au mieux : « Dans de tels cas, dit-il, on n’a pas le temps d’avoir d’états d’âme. » épaulé par son équipe, il doit avertir et rassurer les habitants isolés, installer les hommes du GIGN dans un gîte ainsi que dans le temple du village, régler les questions logistiques qui s’enchaînent, notamment celle liée aux 700 repas nécessaires aux militaires.
Après quatre jours de traque, Valentin Marcone se rend, le 14 mai, sans opposer de résistance. « Nous étions en salle de débriefing avec les forces opérationnelles lorsque la nouvelle est tombée vers 19h00, se souvient le maire. On s’apprêtait à passer une nouvelle nuit blanche et à envisager le déploiement de nouvelles forces pour le lendemain. Lorsque la nouvelle a été confirmée, j’ai demandé l’autorisation de communiquer. Les habitants se sont approchés de la mairie, enfin soulagés. On a même fait une photo pour immortaliser cet instant. »
Bernard Mounier, maire des Plantiers
« Les élus sont tous des cibles potentielles »
Je connaissais bien Luc, 55 ans, le patron de la scierie. Je l’avais connu enfant quand j’étais directeur d’un centre de vacances, et toute sa famille habite aux Plantiers. Je connaissais moins Martial,
32 ans, son employé. Quant à Valentin Marcone, je ne le connaissais que de vue, car il se tenait à l’écart de la vie sociale du village, mais je connais sa famille. Son beau-père est d’ailleurs conseiller municipal. Je savais que Valentin Marcone était réputé procédurier. Il avait été employé à la mairie par mon prédécesseur et avait lancé plusieurs procédures à son encontre pour des conflits autour de son temps de travail et de ses heures supplémentaires, mais rien de très grave.
• Quelles réflexions cela a-t-il provoqué chez vous, en tant qu’élu ?
Sept personnes au total ont été exfiltrées des Plantiers par le GIGN afin d’éviter tout risque que Valentin Marcone s’en prenne à eux : l’ancien maire et son frère, un ancien adjoint, un employé de mairie, ainsi que trois épouses. Avec le recul, j’ai pris conscience que les élus occupent un poste à risque, qu’ils sont des cibles potentielles pour des prétextes anodins, comme la non-délivrance d’un permis de construire. Nous pouvons tous être confrontés à des gens qui ressemblent presque à des guerriers, et qui ignorent la culture de la négociation. C’est choquant et effrayant.
• Comment avez-vous géré la forte pression médiatique durant ces événements ?
Les nombreux médias présents ont été bloqués dans une zone spécifique du village et j’allais régulièrement les informer moi-même de l’évolution de la situation. J’ai fait ce choix pour protéger les habitants et les familles concernées, mais aussi pour éviter tout écart de langage d’éventuels témoins, qui aurait pu entraîner de nouvelles tensions.
• La gendarmerie, au-delà de l’action déterminante du GIGN durant toute la crise, a poursuivi son action sur le terrain, bien au-delà de l’issue de ce drame. Une dizaine d’hommes de la compagnie de Saint-Jean-du-Gard a en effet continué à patrouiller jour et nuit dans le village pendant 3 semaines afin d’éviter toute tension ou tout autre incident. Ces militaires ont aussi nettoyé les lieux qui avaient été occupés par les centaines d’hommes mobilisés.
• Une cellule psychologique gérée par des médecins, des infirmières et la Croix-Rouge a été mise en place dès le début du drame, et maintenue jusqu’au week-end suivant l’arrestation du fugitif. La mairie a souhaité que ce processus d’accompagnement de la population des Plantiers se poursuive dans le temps, mais de façon plus discrète.
La mairie souhaite marquer cette nouvelle étape par un moment de partage autour d’un repas. L’occasion de donner aux habitants des perspectives d’avenir et d’ancrer plusieurs projets fédérateurs : la fin de la zone blanche qui handicape le village, un nouveau dispositif de télémédecine pour lutter contre le désert médical et la création d’un marché autour de producteurs locaux.
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Cet article a été publié dans l'édition :
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