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Maires de France
Solutions locales
juillet 2021
Sécurité - sécurité civile

Le village des Plantiers au c"ur d'une chasse à l'homme

En mai dernier, un double assassinat est commis aux Plantiers (260 habitants, Gard). L'auteur présumé se cache en forêt. Le paisible village cévenol va vivre durant quatre jours au rythme de cette traque. Par Sarah Finger

Illustration
Mardi 11 mai 2021, un double crime est commis dans une scierie des Plantiers. Gendarmes, hélico-ptères, équipes cynophiles quadrillent le village. Le tueur se rend le 14 mai.
Mardi 11 mai, Bernard Mounier, 66 ans, élu en 2020 maire des Plantiers, voit passer en voiture Valentin Marcone, un ancien employé de mairie. ­Bernard Mounier se souvient : « Il m’a fait un signe de la main, je l’ai salué à mon tour. Il était environ 8h00. » On connaît la suite : Valentin Marcone, 29 ans, arrive sur son lieu de travail, une scierie établie à 3 km du village. Il sort alors une arme de poing et tue son patron. Un employé tente de s’interposer, il reçoit une balle. Les deux victimes meurent sur le coup. Un troisième employé parvient à s’enfuir et donne l’alerte. Après ce double homicide, Valentin Marcone part se cacher en forêt, lourdement armé.
« J’ai vite été averti par l’ancien maire, qui était très fébrile au téléphone. Je lui ai conseillé de se mettre à l’abri chez lui, raconte Bernard ­Mounier. Ensuite, tout est allé très vite. La secrétaire de mairie était elle aussi paniquée : je lui ai dit de s’enfermer dans la mairie. Puis je suis parti à l’EHPAD, notre centre d’hébergement pour personnes âgées, pour que les 22 résidents et les 17 salariés s’enferment dans les locaux. » Dans la foulée, le maire appelle son adjointe chargée de l’enfance afin que le bus de ramassage scolaire n’amène pas les élèves au village. Puis il se rend à l’école et demande à l’institutrice de confiner dans une salle de classe les quelques enfants déjà présents. Une vingtaine de minutes après le double assassinat, les forces de gendarmerie, notamment le GIGN d’Orange (84), commencent à converger vers les Plantiers, avec des véhicules blindés, des équipes cynophiles et 8 hélicoptères qui atterrissent sur le terrain de football de la commune. « Au plus fort de la crise, 350 militaires étaient présents ici, se souvient Bernard Mounier. En l’espace de deux heures, notre population avait plus que doublé ! » 
 

Protéger les habitants

Un premier impératif s’impose d’emblée aux forces de l’ordre : protéger les habitants. Le fugitif étant armé et dangereux, tous sont devenus des cibles potentielles. Pendant ce temps, le maire doit confirmer la terrible nouvelle qui a déjà circulé dans la commune et affronter la douleur des familles directement touchées. Il raconte : «  Sur la place du village, des proches des victimes sont tombés dans mes bras. La population était angoissée, et même sidérée. Les routes d’accès aux Plantiers ont été vite bloquées et les contrôles étaient permanents. »
La salle du conseil municipal est transformée en poste de commandement. La commune est divisée en deux zones : au nord, dans un espace de montagne escarpé, la circulation est interdite. C’est là que se trouverait Valentin ­Marcone. «  Cette zone bouclée était constamment patrouillée, se souvient le maire. Les habitants des fermes et des hameaux isolés ne pouvaient pas sortir de chez eux. » Plus au sud ainsi que dans le village, les habitants ne pouvaient sortir que pour le strict nécessaire. « Pendant toute la traque, le village vivait dans un climat de crainte, poursuit Bernard Mounier. Mais les forces de l’ordre ont contribué à ce que la peur ne prenne pas le dessus. » De son côté, Bernard Mounier gère la crise au mieux : « Dans de tels cas, dit-il, on n’a pas le temps d’avoir d’états d’âme. » épaulé par son équipe, il doit avertir et rassurer les habitants isolés, installer les hommes du GIGN dans un gîte ainsi que dans le temple du village, régler les questions logistiques qui s’enchaînent, notamment celle liée aux 700 repas nécessaires aux militaires. 
Après quatre jours de traque, Valentin Marcone se rend, le 14 mai, sans opposer de résistance. « Nous étions en salle de débriefing avec les forces opérationnelles lorsque la nouvelle est tombée vers 19h00, se souvient le maire. On s’apprêtait à passer une nouvelle nuit blanche et à envisager le déploiement de nouvelles forces pour le lendemain. Lorsque la nouvelle a été confirmée, j’ai demandé l’autorisation de communiquer. Les habitants se sont approchés de la mairie, enfin soulagés. On a même fait une photo pour immortaliser cet instant. » 
 

INTERVIEW
Bernard Mounier, maire des Plantiers
« Les élus sont tous des cibles potentielles »
Connaissiez-vous les protagonistes de ce drame ?
Je connaissais bien Luc, 55 ans, le patron de la scierie. Je l’avais connu enfant quand j’étais directeur d’un centre de vacances, et toute sa famille habite aux Plantiers. Je connaissais moins Martial, 
32 ans, son employé. Quant à Valentin Marcone, je ne le connaissais que de vue, car il se tenait à l’écart de la vie sociale du village, mais je connais sa famille. Son beau-père est d’ailleurs conseiller municipal. Je savais que Valentin Marcone était réputé procédurier. Il avait été employé à la mairie par mon prédécesseur et avait lancé plusieurs procédures à son encontre pour des conflits autour de son temps de travail et de ses heures supplémentaires, mais rien de très grave.

Quelles réflexions cela a-t-il provoqué chez vous, en tant qu’élu ?
Sept personnes au total ont été exfiltrées des Plantiers par le GIGN afin d’éviter tout risque que Valentin Marcone s’en prenne à eux : l’ancien maire et son frère, un ancien adjoint, un employé de mairie, ainsi que trois épouses. Avec le recul, j’ai pris conscience que les élus occupent un poste à risque, qu’ils sont des cibles potentielles pour des prétextes anodins, comme la non-délivrance d’un permis de construire. Nous pouvons tous être confrontés à des gens qui ressemblent presque à des guerriers, et qui ignorent la culture de la négociation. C’est choquant et effrayant.

Comment avez-vous géré la forte pression médiatique durant ces événements ?
Les nombreux médias présents ont été bloqués dans une zone spécifique du village et j’allais régulièrement les informer moi-même de l’évolution de la situation. J’ai fait ce choix pour protéger les habitants et les familles concernées, mais aussi pour éviter tout écart de langage d’éventuels témoins, qui aurait pu entraîner de nouvelles tensions. 

 

Les acteurs clés
• La préfète du Gard et la sous-préfète du Vigan, présentes aux Plantiers durant les événements, ont apporté une aide et un soutien précieux à l’équipe municipale. Elles ont facilité l’accès du maire aux informations détenues par les forces opérationnelles, l’associant aux prises de décision, notamment lors des trois séances quotidiennes de débriefing organisées par les militaires.
• La gendarmerie, au-delà de l’action déterminante du GIGN durant toute la crise, a poursuivi son action sur le terrain, bien au-delà de l’issue de ce drame. Une dizaine d’hommes de la compagnie de Saint-Jean-du-Gard a en effet continué à patrouiller jour et nuit dans le village pendant 3 semaines afin d’éviter toute tension ou tout autre incident. Ces militaires ont aussi nettoyé les lieux qui avaient été occupés par les centaines d’hommes mobilisés.
• Une cellule psychologique gérée par des médecins, des infirmières et la Croix-Rouge a été mise en place dès le début du drame, et maintenue jusqu’au week-end suivant l’arrestation du fugitif. La mairie a souhaité que ce processus d’accompagnement de la population des Plantiers se poursuive dans le temps, mais de façon plus discrète.

 

Une communauté à reconstruire
Trois familles résidant aux Plantiers, soit une dizaine de proches, ont été directement touchées par ce drame : celles des deux victimes et celle du tueur présumé, dont l’épouse travaille au centre d’hébergement pour personnes âgées des Plantiers, avec la sœur d’une des victimes. «J’ai su que, plus tard, ces deux femmes avaient pris un café ensemble sur la place du village, raconte le maire, Bernard Mounier. Avec ce geste, elles ont posé la barre de la dignité très haut et il nous incombe, en tant qu’élus, d’être à notre tour à la hauteur. Notre reconstruction passera par cette paix et cette acceptation. »
La mairie souhaite marquer cette nouvelle étape par un moment de partage autour d’un repas. L’occasion de donner aux habitants des perspectives d’avenir et d’ancrer plusieurs projets fédérateurs : la fin de la zone blanche qui handicape le village, un nouveau dispositif de télémédecine pour lutter contre le désert médical et la création d’un marché autour de producteurs locaux.

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Cet article a été publié dans l'édition :

n°392 - Juillet - Août 2021
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