Analyse - Vente de biens communaux : les procédures à respecter
Les règles encadrant la vente des biens immobiliers et mobiliers communaux sont précisément définies. Les biens doivent préalablement être déclassés du domaine public. Par Fabienne Nedey
Attention : cette cession ne peut concerner que les biens relevant du domaine privé communal, après leur déclassement.
Les conditions de vente sont plus contraignantes s’agissant du patrimoine immobilier des communes (art. L. 2241-1 du CGCT) que de leurs biens mobiliers (lire ci-dessous).
• Quelques dispositions prévoient la possibilité de céder gratuitement certains biens mobiliers. L’article L. 3212-3 du CGPPP précise que les collectivités territoriales, leurs groupements et établissements publics peuvent céder gratuitement les matériels informatiques dont ils n’ont plus l’emploi, à la condition que la valeur du matériel cédé n’excède pas un seuil fixé par décret (300 € actuellement), que les bénéficiaires soient des associations de parents d’élèves, de soutien scolaire (reconnues d’utilité publique) ou encore d’étudiants, que le matériel serve à ces associations conformément à leurs statuts et qu’elles ne puissent procéder à la cession de ce matériel à titre onéreux. Les matériels informatiques et logiciels nécessaires à leur utilisation peuvent également être cédés gratuitement aux personnels des collectivités, dans des conditions équivalentes à celles décrites ci-dessus.
I - Désaffectation et déclassement des biens du domaine public communal
En vertu de l’article L. 3111-1 du Code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP), les biens du domaine public des collectivités territoriales sont inaliénables. Ils ne peuvent être vendus sans avoir été, au préalable, désaffectés et déclassés (CE, 31 juillet 1992, Soulier et art. L. 2141-1 du CGPPP). Le bien immobilier déclassé rejoint le domaine privé de la commune et peut alors être vendu. Cette procédure ne peut jamais être implicite. Mais au fond, elle est relativement simple : une délibération du conseil municipal constate la désaffectation matérielle préalable et acte le déclassement.
Pour être exécutoire, la délibération doit être transmise au contrôle de légalité quand celui-ci est exigé. Tant que la délibération n’est pas transmise, le déclassement du bien n’est pas opéré et la vente ne peut intervenir. Un arrêt du Conseil d’État du 11 mai 2011 pris sur ce motif juge qu’au cours d’une même séance, un conseil municipal ne peut à la fois déclasser un bien immobilier et le vendre : il faut deux délibérations prises à deux dates différentes. Pour rappel, il existe une exception à ce principe : sont dispensées de transmission au contrôle de légalité les délibérations relatives au classement et au déclassement des voies communales (article L. 2131-2 1° paragraphe du CGCT).
II - Conditions de vente d’un bien immobilier communal
Certaines règles issues des dispositions des articles L. 2241-1 et suivants du CGCT relatifs à la gestion des biens de la commune doivent être respectées. D’abord, c’est au conseil municipal de délibérer sur la gestion des biens et les opérations immobilières effectuées par la commune. Ensuite, dans les communes de plus de 2 000 habitants, toute cession doit obligatoirement être précédée d’un avis du service des Domaines portant sur le prix de vente envisagé. Pour les communes de taille inférieure, il n’y a pas d’obligation, mais cette démarche est conseillée. Le préfet, dans le cadre du contrôle de légalité, vérifie le respect de l’obligation de consulter le service des Domaines. À défaut d’avis rendu dans un délai d’un mois à compter de la saisine du service des Domaines, celui-ci est réputé donné.
Le fait que le conseil municipal ait autorisé une cession sans avoir préalablement sollicité cet avis n’entraîne pas obligatoirement sa nullité, sauf s’il s’avère que cette omission a eu une influence sur le sens de cette délibération (CE, 23 octobre 2015, n° 369113).
L’avis ne lie pas les collectivités (TA Montpellier, 28 novembre 2011, Association Saint-Cyprien ma ville), mais le juge contrôle l’erreur manifeste d’appréciation et peut annuler une délibération fixant un prix trop bas (CE, 8 février 1999, ville de Lourdes).
Au regard du principe d’égalité, sous réserve de l’appréciation souveraine du juge administratif, est considérée comme illégale la pratique consistant à prévoir des barèmes de prix différenciés selon l’âge des acquéreurs et le caractère principal ou secondaire de la résidence qu’ils entendent réaliser sur le terrain acquis.
III - Délibération motivée pour les communes de plus de 2 000 habitants
Sur la base de l’avis du service des Domaines, qui doit être communiqué aux membres de l’assemblée délibérante (CE, 11 mai 2011, commune de Velizy-Villacoublay), le conseil municipal décide de la cession par une délibération. Pour les communes de plus de 2 000 habitants, cette délibération doit être motivée (par exemple, elle pourra arguer de dépenses hors de proportion avec les ressources de la commune pour remettre un immeuble en état, le fait que ledit immeuble n’est pas susceptible d’être affecté utilement à un service public communal, etc.).
Pour toutes les communes, la délibération doit définir les conditions de la vente ainsi que ses caractéristiques essentielles, en précisant tous les éléments constitutifs : référence cadastrale, description sommaire, situation locative du bien, prix, conditions suspensives ou résolutoires, etc. Même si le défaut de précision de la délibération n’est sanctionné par aucune disposition légale, son caractère approximatif peut avoir des conséquences sur la validité de la vente et des actes de procédures subséquents.
La vente peut se faire à l’amiable. Si le conseil municipal choisit plutôt la voie de l’adjudication publique, il devra le préciser dans sa délibération et respecter les règles fixées par l’article L. 2241-6 du CGCT (dépôt d’un cahier des charges en mairie comprenant notamment le prix de démarrage des enchères, publicité, bureau d’adjudication).
IV - Pas de publicité ni de mise en concurrence
Les ventes de biens immobiliers du domaine privé des collectivités ne sont pas soumises aux dispositions du Code des marchés publics ou du CGCT concernant les délégations de service public. Dès lors, les collectivités peuvent céder à l’amiable, à la personne de leur choix, leurs immeubles, sans procéder à une publicité ou à une procédure de mise en concurrence. Le maire est simplement tenu d’informer le conseil municipal de l’ensemble des candidatures dont il a connaissance (TA Clermont-Ferrand, 29 octobre 1987, Lopez-Mendez).
En théorie, la commune n’est pas non plus obligée de donner la préférence au mieux offrant. Attention tout de même à ne pas céder le bien à un prix excessivement bas, car il est interdit aux personnes publiques de consentir des libéralités.
La jurisprudence nuance ce dernier principe, s’agissant de ventes portant sur des terrains nus. Le Conseil d’État a ainsi admis (lire ci-dessous) qu’une commune pouvait céder un terrain nu pour un franc symbolique, la vente étant justifiée par des motifs d’intérêt général (création d’emplois), comportant des contreparties jugées suffisantes et étant assortie d’une sanction en cas de non-respect des engagements (obligation, pour l’acquéreur, de rembourser à la commune le prix du terrain tel qu’il avait été évalué par le service des Domaines). Il faut toutefois que le prix du terrain, tel qu’évalué aux conditions du marché, se situe en dessous des seuils au-delà duquel les collectivités ne peuvent accorder une aide à une entreprise sans avoir à respecter la procédure préalable de notification et d’approbation auprès de la Commission européenne.
Dans un arrêt du 3 novembre 1997, « commune de Fougerolles » (n° 169473, https://bit.ly/3yToyjP),
le Conseil d’État a validé la vente par une commune d’une parcelle de terrain à une société commerciale pour un prix largement inférieur à sa valeur (en l’espèce, le terrain avait été cédé pour un franc symbolique).
Le juge a estimé que cette vente était justifiée par des motifs d’intérêt général et comportait des contreparties suffisantes en matière d’engagement de création d’emplois. Cette cession entrait, pour le Conseil d’État, dans la catégorie des aides indirectes que les collectivités ont la liberté d’accorder (article 4 de la loi du 7 janvier 1982) aux entreprises en vue de permettre la création ou l’extension d’activités économiques.
V - Forme de l’acte de vente
Au terme de la procédure de vente, le contrat est signé par l’exécutif de la collectivité. Mieux vaut opter pour un acte de vente établi devant notaire. Cependant, pour rappel, la cession peut faire l’objet d’actes passés en la forme administrative. Le maire est en effet habilité à recevoir et authentifier, en vue de leur publication au bureau des hypothèques, des actes concernant des droits réels immobiliers passés en la forme administrative lorsque sa commune est partie prenante des actes. L’habilitation à authentifier les actes étant un pouvoir propre qui ne peut être délégué, le conseil municipal désigne alors par délibération un adjoint pour signer l’acte, en présence du maire qui procède à l’authentification.
VI - Formalités administratives
En application de l’article L. 2241-1 du CGCT, le bilan des acquisitions et cessions opérées sur le territoire d’une commune de plus de 2 000 habitants doit donner lieu, chaque année, à une délibération du conseil municipal. Ce bilan est annexé au compte administratif de la commune.
• Articles L. 2122-22, L. 2131-2, L. 2241-1 et suivants du CGCT.
• Article L. 3111-1 et L. 3212-3 du Code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP).
• «La vente des biens communaux», note de l’AMF. www.amf.asso.fr (réf. CW40789).
Cet article a été publié dans l'édition :
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