Vélo : gérer l'explosion de la pratique
Le vélo est devenu un élément incontournable des politiques de mobilités urbaines ou rurales. Les collectivités doivent en maîtriser toutes les dimensions. Par Martine Kis
S’en est suivi l’explosion des « coronapistes » : 700 km créés en quelques mois ! Ces aménagements transitoires, parfois décriés pour leur marquage jaune disgracieux, ont permis une expérimentation grandeur nature d’un nouveau partage de la voirie. Près d’un an plus tard, est arrivé le moment de pérenniser ou non ces dispositifs. Comment les collectivités s’y prennent-t-elles ? Tel a été le sujet d’un webinaire de l’AMF, organisé le 20 mai, intitulé « Les politiques vélos : leçons de la crise sanitaire et perspectives ».
Tripler la part modale du vélo
L’ambition du gouvernement est de tripler la part modale du vélo dans les transports de 2,7 à 9 % d’ici à 2024. Le projet de loi climat et résilience devait conforter ce mouvement en étendant la prime à la conversion aux vélos électriques et en soutenant la filière économique du vélo. « Le vélo pour tous et toutes est un idéal atteignable », selon Françoise Rossignol, vice-présidente de la communauté urbaine d’Arras et du Club des villes et territoires cyclables. Un idéal, certes, mais qui a un coût.
60 % des déplacements domicile-travail font moins de 5 km en 2017.
Le vélo passe 2 à 2,9 % de part modale entre 2015 et 2020 pour se rendre au travail.
(Source: Insee janvier 2021).
C’est pour mieux l’estimer et le maîtriser que le club a publié un guide sur « Le coût des politiques vélo ». Ces politiques dépassant la simple question des infrastructures pour prendre en compte les questions d’accompagnement, de formation mais aussi de gouvernance. En effet, selon Frédéric Cuillerier, maire de Saint-Ay (Loiret, 3 300 hab.), et co-président de la commission transports, mobilités, voirie de l’AMF (lire ci-dessous), « la mise en cohérence des actions et des acteurs est la clé du développement du vélo en France », sans oublier que « maires et présidents d’intercommunalité jouent un rôle essentiel, même sans être autorités organisatrices des mobilités (AOM) ». En effet, rappelle-t-il, ils réalisent les infrastructures, sont en charge de la sécurité au titre de leurs pouvoirs de police, et sont aménageurs du territoire.
Frédéric Cuillerier, maire de Saint-Ay (45),
co-président de la commission transports, mobilités, voirie de l’AMF
Pérenniser les pistes
Boris Ravignon, maire de Charleville-Mézières (08) et président d’Ardennes Métropole, cycliste lui-même, témoigne de la pérennisation des aménagements transitoires. À la veille du premier confinement, en mars 2020, le réseau cyclable commence à trouver une cohérence, entre une voie nord-sud réalisée aux trois quarts pour le « vélotaf » (déplacements professionnels) et une autre, boucle partielle le long de la Meuse, pour le loisir. Le confinement est un accélérateur avec des aménagements provisoires raccordant les pistes, étendant les zones à 30 km/h, réduisant les voies de circulation sur une rocade rapide.
Schéma cyclable
Résultats : toutes les pistes temporaires sont conservées, avec une explosion visible de l’usage du vélo. La prochaine étape consistera en une transformation du plan de circulation en « un vrai schéma des mobilités, pour parvenir à une ville 100 % cyclable, avec des pistes, des bandes et des zones 30 km/h selon le contexte », explique Boris Ravignon. Puis, un schéma cyclable sera développé au niveau communautaire, pour se raccorder aux 180 km de voies vertes départementales.
Aucun aménagement n’est décidé « sans au minimum le constat avec les associations d’usagers du vélo qu’il n’y a pas de meilleure solution », insiste-t-il. Le schéma des mobilités, lui, devrait faire l’objet d’un référendum d’initiative locale. « Il va modifier les habitudes des habitants. Ils doivent se prononcer. Cela le rendra plus facilement opposable car adopté par l’ensemble de la population. »
Le rôle de l’autorité organisatrice des mobilités (AOM)
En 2017, 4 communautés de communes fusionnent et créent Ploërmel Communauté (30 communes, 43 000 hab., Morbihan). Dès le départ, le thème de la mobilité apparaît comme un facteur de réussite de la fusion, se souvient Florence Prunet, vice-présidente en charge des mobilités. À cette époque, le vélo n’est pas une priorité. Comment se déplacer autrement qu’en voiture dans ce territoire très rural et peu dense ? Il existe cependant une stratégie touristique pour le vélo avec des itinéraires verts. Un réseau de bus est organisé pour une partie des communes et la compétence mobilité est prise par la communauté en mars 2021.
Le succès de la mise en place expérimentale d’une location de 20 vélos à assistance électrique montre qu’elle correspond à un besoin : le vélo est un moyen de transport à part entière, et pas seulement pour le tourisme ou le loisir. Il faut donc sécuriser les trajets et travailler avec les EPCI voisins. Et c’est ainsi qu’émerge un schéma vélo, accéléré par la Covid.
« Peu à peu, le vélo est devenu une composante de la politique de mobilité de l’EPCI, articulée avec le réseau de bus et une plateforme d’échange multimodale avec stationnement vélo, recharges électriques », résume Florence Prunet. « Dans les territoires ruraux, il faut tenir compte de tous les modes de transport en continuité. Le plan vélo sera mis en place par des binômes EPCI-communes, nous échangerons avec les AOM voisines et travaillerons avec le département. »
Former les utilisateurs
Face à l’attrait de la voiture, les plus beaux schémas vélo serviront peu si les nouvelles générations de cyclistes ne sont pas formées. En avril 2019, le gouvernement lançait le programme « Savoir rouler à vélo », référentiel qui propose aux enfants de 6 à 11 ans de suivre une formation de 10 heures réparties en 3 étapes, encadrée par des professionnels. La ville de Rennes (35) y a consacré deux dispositifs. « Avec ces outils, il s’agit, à court terme, de favoriser l’autonomie des enfants et, à moyen terme, de créer une génération vélo », commente Valérie Faucheux, adjointe aux mobilités.
Le premier dispositif, porté par le service de mobilité urbaine et une association, vise l’apprentissage en milieu urbain. Le second, par la direction des sports, se déroule essentiellement dans les cours d’école et alentours. 90 classes de CM1-CM2 sont concernées par an, soit 53 % des effectifs pour un budget total de 43 000 € dont 15 000 € en investissement. « Nous visons à harmoniser les deux dispositifs et à toucher 100 % de la classe d’âge sur le territoire métropolitain. Mais nous sommes limités par les contraintes humaines et financières », regrette l’adjointe.
• Guide « Rendre sa voirie cyclable. Les clés de la réussite. » www.cerema.fr
• Guide « Le coût des politiquesvélo ». www.villes-cyclables.org
• Guides « Développer le système vélo dans les territoires. Clés pour agir », et « Développer la culture du vélo ». www.ademe.fr
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Cet article a été publié dans l'édition :
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