Maire-préfet : quelle relation demain ?
Le Premier ministre a annoncé la suppression du corps préfectoral, le 6 mai, en préservant la fonction. L'AMF souhaite que cette institution « soit confortée ». Le Sénat a lancé une mission d'évaluation des services préfectoraux. Propos recueillis par Bénédicte Rallu
Françoise Gatel, sénatrice d’Ille-et-Vilaine, présidente de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation du Sénat
« L’État doit accompagner les élus qui doivent rester les décideurs. »
L’État n’a pas véritablement déconcentré ses services et a créé de nombreuses agences (Ademe, agences régionales de santé, etc.) qui dépendent des administrations centrales. Pour des opérations ordinaires, par exemple d’urbanisme, les maires ont de multiples interlocuteurs au sein de l’État, qui ont chacun leur avis. Les dossiers sont d’une lenteur et d’une complexité énormes. Les préfets ne sont pas les chefs d’orchestre qu’ils devraient être et se trouvent impuissants dans leur rôle de facilitateurs, car souvent coincés par les administrations qui veulent conserver leur pouvoir et bloquent certains projets. La mission d’évaluation des services préfectoraux et déconcentrés de l’État que le Sénat a créé fera, en fin d’année, des propositions avec l’idée que le préfet doit être un coordonnateur, un arbitre qui siffle la fin du match quand les avis divergent. Il doit, dans le cadre de son binôme maire-collectivités, être le « McGyver » des solutions avec obligation de résultat de l’action publique. Donnons-lui les moyens d’agir. S’agissant du contrôle de légalité, avant d’aller au tribunal, les élus et le préfet doivent pouvoir collaborer en bonne intelligence pour vérifier qu’un dossier soit bien construit. L’État doit accompagner les élus qui doivent rester les décideurs. Si l’on réforme la haute fonction publique, il faut d’abord se demander pour quoi faire et ce que l’on exige des administrations. »
Christophe Mirmand, préfet de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, préfet de la zone de défense et de sécurité Sud et préfet des Bouches-du-Rhône, président de l’Association du corps préfectoral (ACPHFMI)
« Guider les maires dans le maquis complexe des appels à projets. »
La proximité entre le préfet et le maire les oblige à travailler ensemble et à dialoguer étroitement. On ne peut pas imaginer des politiques publiques sans consulter les maires. Le préfet doit être attentif au territoire, faire remonter les informations du terrain, adapter les décisions, les moduler si besoin. Et les expliquer. Une décision mieux comprise sera rendue plus acceptable et mieux mise en œuvre. Les élus sont les représentants d’un territoire. Le préfet est l’interface, le croisement entre l’administration centrale et les logiques territoriales. La fonction de contrôle de légalité est marginale, la fonction de conseil prévaut. Le sous-préfet et le préfet ont un rôle d’« ensembliers » pour le maire porteur d’un projet complexe, car plus légitimes pour rassembler les différents acteurs (opérateurs de l’État, les agences comme l’ANCT, le Cerema, etc.) et jouer un rôle de coordination. Le préfet est le délégué territorial de ces agences ou, s’il ne l’est pas comme pour l’Anah, l’Anru, l’Ademe, il a une autorité fonctionnelle sur elles. Il a la responsabilité de les faire venir autour de la table. Les préfets soutiennent l’investissement local via la DETR ou la DSIL. Ils mobilisent aussi d’autres crédits pour aider les collectivités comme avec ceux du plan de relance afin de créer un effet levier. Avec les sous-préfets, ils guident les maires dans le maquis complexe des appels à projets. Cette tendance s’est accrue ces cinq dernières années. »
Cet article a été publié dans l'édition :
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