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Maires de France


Interco et territoires
07/06/2021
Transports, mobilité, voirie

Les communautés de communes se saisissent des mobilités

Une communauté sur deux a pris la compétence AOM qui sera effective au 1er juillet. Les EPCI doivent maintenant élaborer leur stratégie. Par Martine Kis

Illustration
© AdobeStock
Les communautés de communes qui ont pris la compétence AOM (en % par région).
Selon les «remontées de décisions » des préfectures que le Cerema a cartographié, mi-avril (lire ci-contre), une communauté de communes (CC) sur deux (453 sur 905) a pris la compétence autorité organisatrice de la mobilité (AOM), qui prendra effet au 1er juillet (les communes membres devant se prononcer, à la majorité qualifiée, dans le même sens d’ici fin juin). Si la CC a renoncé, la compétence est exercée par la région sur son territoire, même si une communauté peut redevenir AOM après 2021 dans certains cas (lire l’avis d’expert ci-dessous). Le Cerema (Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement) observe des différences notables d’une région à l’autre. Ainsi, selon les données disponibles mi-avril, le taux de CC ayant demandé le transfert était de 93 % en Normandie, 98 % en Pays de la Loire, mais il n’est que de 23 % dans le Centre-Val de Loire, 28 % en Nouvelle-Aquitaine et… 2 % en Occitanie.  
Lors de sa commission transports, mobilités, voirie du 28 avril, l’AMF a pointé une stratégie régionale « parfois dissuasive envers la prise de compétence par les CC », les régions ne souhaitant pas la partager ou s’en défaire. « Des régions ont mis la pression sur les CC en leur expliquant que la prise de compétence incluait la gestion des transports scolaires, ce qui est faux », a souligné Frédéric Cuillerier, co-président de la commission de l’AMF. D’autres ont indiqué qu’elles réduiraient leur soutien financier aux CC en matière de mobilité. Début mars, l’AMF avait rappelé à l’ensemble des présidents de CC les règles et les objectifs de la LOM qui exclut notamment toute réduction des engagements financiers des régions et l’obligation pour les CC devenues AOM de gérer les transports scolaires. Et précisé que la région restera responsable de l’organisation du service de transport scolaire dans son ensemble, si la CC ne demande pas le transfert de ce service. Dans ce contexte, la CC du Grand Pic Saint-Loup (34) fait partie de celles qui ont renoncé. « La région Occitanie a expliqué, dans un courrier, être contre cette prise de compétence au motif que celle-ci sera trop morcelée et posera des problèmes de tarification multimodale », dit Nathalie Mas-Raval, directrice générale des services (DGS). « Nous avons l’espoir d’une collaboration intelligente », commente Hussam Almallak, vice-président à l’aménagement du territoire, qui précise que l’EPCI ne voulait pas hériter du «dossier épineux du transport scolaire ». Car lorsque la CC n’est pas AOM, c’est la région, devenue AOM locale « par substitution », qui est la seule compétente pour organiser des services publics de transport/mobilité sur le ressort de la CC (lire ci-dessous).
Les enjeux liés à la prise de compétence ont pu aussi tempérer l’engagement des CC. Il s’agit d’une compétence « mobilité » et non « transport », ce qui n’est pas neutre : les mobilités recouvrent les transports doux, l’autopartage… et non plus essentiellement les transports lourds. À charge pour les élus d’adapter l’offre aux besoins de territoires souvent peu denses. « Les maires ont été unanimes pour prendre la compétence, se réjouit Julien Poupon, vice-­président chargé des mobilités à Landerneau-Daoulas (29). La CC disposait déjà d’un plan de mobilité mais pas de la compétence pour le mettre en place. »  
 

AVIS D'EXPERT
Louise Larcher,
conseillère technique de l’AMF
« Le maire reste un acteur central »
Deux cas de figure s’offrent aux CC qui n’ont pas pris la compétence «mobilité » pour la voir revenir au niveau local : lors d’une fusion avec un ou plusieurs autres EPCI ou lors de la création ou de l’adhésion à un syndicat mixte auquel elles décident de transférer sa compétence d’organisation de la mobilité. Malgré le transfert de la compétence, la commune continue d’être un acteur central des politiques de mobilité. Le maire est seul compétent dans de nombreux domaines (création de voies et d’arrêts pour le covoiturage, délivrance des titres pour les activités de free floating, régulation de la circulation des EDP, etc.). La région peut déléguer des compétences au maire et la CC conclure des conventions de prestations de services confiant ­l’exécution de services de mobilité à la commune. Le maire reste donc un acteur central de la mobilité au quotidien, ne serait-ce qu’au travers de son pouvoir de police de la circulation en tant que gestionnaire de la voirie, le cas échéant. »

 

Travailler à l’échelle des bassins de mobilité

La plupart des communautés ne sont pas si avancées. En dépit des alertes de l’AMF auprès du gouvernement sur la nécessité de décaler l’échéance pour la prise de compétence, en raison notamment de la Covid, le calendrier imposé par la loi d’organisation des mobilités (LOM) du 24 décembre 2019 a obligé nombre de CC à, d’abord, prendre la compétence, puis à élaborer leur stratégie avant de se lancer enfin. D’autant plus que la réflexion sur l’offre en matière de mobilité du quotidien doit se mener à l’échelle des bassins de mobilité et se traduire par des contrats de mobilité entre la région et les AOM. La coopération s’impose aussi avec le département et avec les métropoles voisines pour relier urbain et périurbain, mais aussi avec les représentants des employeurs, les associations d’usagers ou d’habitants et tout acteur que l’AOM estime en mesure de pouvoir l’aider à évaluer les besoins de mobilité et les réponses à déployer. Le retour sur expérience montre la nécessité d’un travail à long terme et progressif. « Le Bassin de Pompey a été avant-­gardiste », s’enthousiasme Valentin Dethou, vice-président délégué aux mobilités et intermodalités de la CC du Bassin de Pompey (54), qui a pris la compétence transport dès 1997. En 2001, la communauté ajoute la mobilisation de sa flotte en renfort du transport scolaire départemental. Disposant d’un plan de déplacement urbain dès 2008, elle lance un plan de déplacement interentreprises en 2011. En 2021, elle intègre ses différentes démarches dans un plan local d’urbanisme intercommunal habitat et déplacements. « Être AOM permet d’être un accélérateur des changements de pratiques. » La CC, entièrement couverte par les transports publics, développe désormais le transport à la demande, a lancé un plan vélo participatif, se pose la question de la location de vélo, réfléchit aux trajets vers l’école… versement mobilité Ces politiques demandent des moyens financiers. L’AOM peut lever le versement mobilité (VM), si elle met en place un service régulier de transport public de personnes. Ce qui demande souvent du doigté. Ainsi, la commune de Landerneau perçoit déjà le versement mobilité, ce qui n’est pas le cas de la CC. Un travail de diagnostic et de réflexion y est mené avec les entreprises pour identifier leurs besoins et problématiques. Ce n’est qu’après concertation, que le versement mobilité serait perçu à l’échelle communautaire. Decazeville Communauté (12), qui exerce la compétence depuis 2015, a, elle, du mal à percevoir le VM. « Deux grandes entreprises, en redressement judiciaire, ne le versent pas. Il n’est pas non plus versé en cas de chômage partiel et nous avons des entreprises de moins de 11 salariés exonérées de VM », décrit Michèle Couderc, vice-présidente en charge des transports. «L’année prochaine, équilibrer financièrement notre offre se fera au détriment d’autres projets. »
 

Quand la région devient AOM locale
Lorsque la CC n’est pas AOM, c’est la région, devenue AOM locale «par substitution », qui est la seule compétente pour organiser des services publics de transport/mobilité sur le ressort de la CC, en plus de son rôle d’AOM régionale. La CC ne peut cofinancer un service de mobilité, sauf à le justifier au titre d’une autre compétence inscrite dans les statuts (voirie, action sociale, aménagement de l’espace). Pour les financements, elle ne pourra pas prétendre aux aides pour lesquelles les AOM sont identifiées en tant que collectivités éligibles. Par ailleurs, l’article L. 1231-4 du Code des transports introduit par la LOM vient assouplir les règles de délégation, en offrant la possibilité pour la région de déléguer une partie seulement des services qu’elle organise à la CC.

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Cet article a été publié dans l'édition :

n°391 - JUIN 2021
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