Les collectivités agissent en faveur des mobilités actives
Après le déconfinement, l'usage du vélo a bondi de 87 % en France. Face à cet engouement, les élus intensifient les aménagements et les services.

Trois semaines après la levée du confinement, la pratique du vélo a augmenté de 87 % selon l’association Vélo & territoires. Le gouvernement a saisi la balle au bond en annonçant, le 29 mai, de nouvelles mesures en faveur des mobilités actives. Le programme «Alvéole » – destiné à faciliter l’installation de stationnement, réhabiliter les vélos des particuliers – a été prolongé jusqu’au 31 décembre 2020. Son budget a été triplé pour atteindre 60 M€. L’État a lancé, le 10 juillet, un nouvel appel à projet «Mobilités actives » pour pérenniser les 1 000 km d’aménagements cyclables temporaires réalisés pendant le confinement (lire «À retenir » ci-contre), après celui lancé en février.
Partage de la voirie
Ces fonds seront gérés par l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFTIT), indique Jean Abèle, secrétaire général de l’AFTIT. « À ce jour, nous avons engagé 100 M€ sur les 350 M€ prévus au plan vélo » lancé par le gouvernement à l’automne 2018 sur sept ans (1). Des projets surtout destinés à créer une continuité des itinéraires cyclables.
Car l’élément essentiel pour favoriser la pratique des mobilités actives (vélo, trottinettes, overboard…) est de garantir la sécurité des usagers. Il s’agit aussi d’éviter les conflits d’usages entre les automobilistes, les piétons, les cyclistes et de parvenir à un partage équitable de la voirie. Si, depuis dix ans, les collectivités ont consacré 468 M€ aux politiques vélo (un budget en hausse de 40 % selon une étude de l’Ademe publiée en avril 2020), elles ont donné un nouveau coup d’accélérateur ces derniers mois. Pendant le confinement, de nombreuses agglomérations (Grenoble, Montpellier, Paris…) ont créé des itinéraires cyclables temporaires. Des villes moyennes ont aussi joué cette carte. C’est le cas de Colmar (68) qui a réalisé ce type d’aménagement sur une rocade de 2 km ceinturant le centre-ville. Elle a par ailleurs lancé, fin juin, une concertation publique à ce sujet. « Nous voulons répondre à l’engouement et accompagner ce mode de déplacement en développant ce type d’infrastructures », explique Yves Hemedinger, 1er adjoint au maire en charge des projets urbains. « Pour l’instant, la suppression d’espaces dédiés aux véhicules n’a pas entraîné de contestations. »
Ce qui n’a pas été le cas à Aix-les-Bains (73). Cette ville de près de 30 000 habitants a réservé aux mobilités actives un tronçon d’1,5 km le long du lac du Bourget. Pour cela, elle a supprimé des places de stationnement et réduit les voies de circulation. « Nous sommes confrontés à des conflits d’usage entre les cyclistes, les riverains, les piétons, les automobilistes, les livreurs et les taxis, reconnaît le maire, Renaud Beretti. Nous allons devoir faire de la pédagogie car nous avons agi un peu vite. »
Pour éviter ce type de conflit et accompagner la montée en puissance des modes actifs, le Cerema conseille d’agir sur plusieurs leviers. Premier levier : aménager des itinéraires cyclables. « Créer ce type d’infrastructures nécessite de concevoir un plan de circulation volontariste qui décourage le trafic de transit pour le reporter sur des axes structurants, indique Thomas Jouannot, directeur de projets modes actifs au Cerema. Il faut aussi instaurer une modération de la vitesse de circulation avec des zones à 30 km/h et concevoir des aménagements cyclables assez larges pour éviter les frottements entre les cyclistes et les utilisateurs de trottinettes. »
(Source : Étude «Impact économique et potentiel de développement des usages du vélo en France », Ademe, avril 2020).
Dispositifs d’aide à l’achat
Si la pratique du vélo est surtout élevée en milieu urbain, elle est aussi un outil efficace de report modal dans les territoires ruraux. « Dans ces communes, la moitié des déplacements font moins de 5 km. Ce qui signifie qu’il y a un potentiel de développement important. » À condition que, là aussi, soient réalisées des infrastructures de type voies vertes. En Loire-Atlantique, la commune de Varades (3 500 hab.) a créé un tel aménagement en bordure de la RD 752. Cette piste d’1 km, partagée par les cyclistes, piétons et, marginalement, les cavaliers, relie le centre-ville à la gare. Elle est utilisée par des habitants qui se rendent dans les commerces de proximité, mais aussi par des scolaires et des personnes actives qui vont prendre un car ou un train à la gare.
Le deuxième levier à actionner est l’organisation du stationnement des deux roues. À la fois pour réguler l’espace public mais surtout pour limiter les vols. Car l’absence d’abris sécurisés pour les vélos et les trottinettes est un frein à la pratique de ces nouvelles mobilités. Ainsi, Aix-les-Bains a réparti plus de 200 arceaux dans environ 20 lieux de la ville.
Autres mesures visant au développement de la pratique du vélo : les dispositifs d’aide à l’achat. Depuis 2008, Colmar a subventionné l’achat de 11 000 vélos. À Aix-les-Bains, 800 personnes ont franchi le pas grâce à cette mesure en 2019. Enfin, la location de vélos à assistance électrique (VAE) en longue durée apparaît comme une solution efficace pour se remettre en selle. Selon l’Ademe, 43 000 vélos sont disponibles en France sous cette forme. La ville de Bayeux (14) et le Syndicat intercommunal de transport urbain ont lancé un tel service, le 15 juin, avec 50 VAE. Quatre jours après, tous étaient réservés. Dans le Pas-de-Calais, la communauté de communes du Pays de Lumbres (36 communes, 24 000 hab.) vient aussi d’en créer un. Initialement, 20 VAE ont été achetés pour organiser, en mai, un challenge mobilité. Confinement oblige, celui-ci a été annulé. La collectivité a donc décidé de les louer. L’objectif : permettre aux habitants de tester ce mode de déplacement. « C’est un service que nous envisagions de développer par la suite, explique Estelle Rose, animatrice des mobilités rurales. Or, comme le vélo a été promu comme un geste barrière, nous avons saisi cette opportunité pour le proposer aux habitants. »
(1) www.maire-info.com/upload/files/Plan_velo.pdf

Marion Lagadic, chef de projet au sein du bureau d’études et de recherche 6T
Les modes actifs doivent aussi être associés à la piétonnisation car l’amélioration de la qualité de l’espace public est toujours perçue de façon positive. Pour mener à bien ces projets, les collectivités doivent s’appuyer sur l’analyse des données. L’objectif est de comprendre comment leurs administrés se déplacent, quelles sont leurs origines et destinations, s’il s’agit de déplacements intermodaux. Ces éléments permettent de développer les infrastructures destinées aux mobilités actives, les services annexes (maisons du vélo, ateliers de réparation…) et de réguler ces modes de déplacement. »
À retenir
Doté initialement de 20 M€, le programme «coup de pouce vélo » du gouvernement, intégré au programme «Alvéole » dont le budget a été porté à 60 M€, vise à accompagner les collectivités dans l’installation de places de stationnement temporaires avec un montant de subvention pouvant atteindre 60 % du coût. Il incite aussi les particuliers à remettre en état leur vélo grâce à une aide de 50 € à faire valoir chez l’un des réparateurs référencés.
Le 15 juillet, le Premier ministre, Jean Castex, a promis un plan vélo «très ambitieux » et contractualisé avec les collectivités, avec des montants «significatifs et inégalés ».
Les grandes agglomérations ont vu se développer des services de véhicules en free floating (mise à disposition de vélos, trottinettes, scooters voire même voitures sans que ceux-ci ne soient rattachés à une station ou une borne). S’ils participent à un système de déplacement plus durable et favorisent l’intermodalité, ils occasionnent un certain nombre de nuisances quand ils ne sont pas régulés. «La LOM donne la possibilité aux collectivités de définir leurs conditions d’exploitation. Pour réguler ces flottes, elles doivent trouver un équilibre avec les opérateurs. Elles peuvent aussi percevoir une redevance pour l’utilisation de l’espace public », rappelle Thomas Jouannot, directeur de projets modes actifs au Cerema. https://bit.ly/2CS94UL
• Programme «Coup de pouce vélo stationnement ».
https://bit.ly/2WH9X9A
• Programme «Alvéole ».
https://bit.ly/2ZS51B7
• «Impact économique et potentiel de développement des usages du vélo en France », étude de l’Ademe, avril 2020. https://bit.ly/2WDn0cg
• Livre blanc de la mobilité en free-floating. Bureau 6T et
Ademe : https://bit.ly/2ONck6o
• Le réseau de collectivités Vélo&Territoires : www.velo-territoires.org
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