Le magazine des maires et présidents d'intercommunalité
Maires de France
Solutions locales
janvier 2019
Aménagement, urbanisme, logement

Lutter contre l'habitat indigne et les marchands de sommeil

Les communes ont la possibilité d'instaurer un permis de louer ou une déclaration postérieure à la location. Exemples avec trois d'entre elles qui ont franchi le pas.

Emmanuelle STROESSER
Illustration
L’habitat indigne et les marchands de sommeil existent partout. Pas uniquement dans les grandes villes. À Fourmies (12 364 hab.), dans le nord de la France, la problématique foncière fait que le marché peut s’avérer prospère pour les bailleurs peu scrupuleux, explique Johann Wery, responsable du service urbanisme et habitat : «Les prix très bas incitent à acheter de l’immobilier avec la garantie de louer avec des loyers alignés sur l’aide au logement. » La municipalité pouvait visiter certains de ces logements grâce à une convention signée avec la caisse d’allocations familiales (CAF) pour vérifier leur «décence », qui conditionne le versement des aides au logement. Elle avait ainsi un moyen d’entrer dans des lieux réputés indignes et tenter de faire pression sur les propriétaires. «Mais nous savions que nous ne touchions pas tout le monde », souligne le responsable du service habitat.

Le permis de louer 

Pour améliorer la lutte contre l’habitat indigne, les articles L. 634-1 à L. 635-11 du Code de la construction et de l’habitation, issus des articles 92 et 93 de loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (Alur), instaurent deux dispositifs permettant aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ou aux communes volontaires de soumettre la mise en location d’un logement par un bailleur soit à une autorisation préalable (le permis de louer), soit à une déclaration consécutive à la signature du contrat.
Le «permis » est une autorisation préalable de mise en location, accordée par la collectivité aux bailleurs dans un délai d’un mois après le dépôt de la demande. Sur un périmètre défini par la collectivité, toutes les locations (de bailleurs privés mais aussi sociaux) y sont soumises suivant ce que précise la délibération qui peut ne cibler que certains types de logements. A minima, cela permet de vérifier la bonne qualité du logement. Puis d’enjoindre le propriétaire à faire quelques travaux et mise aux normes. À défaut, l’autorisation n’est pas délivrée. Si l’état du logement le justifie, la mairie peut en effet refuser cette autorisation à un propriétaire. Celui-ci encourt des amendes s’il loue malgré tout. 
Le portage intercommunal est (quasi) obligatoire. C’est l’EPCI qui doit délibérer pour mettre en place le dispositif, s’il dispose de la compétence habitat. À défaut, c’est à la commune de délibérer seule. Une fois la délibération de l’EPCI, les communes ont ensuite le choix de l’appliquer ou non. Sur les 90 communes de la Métropole européenne de Lille (MEL), une vingtaine sont volontaires.

5 000 euros
c’est l’amende encourue par le bailleur 
en cas de mise en location sans avoir reçu l’autorisation préalable.

Les refus d’autorisation préalable de mise en location ou les autorisations assorties de réserve sont transmis à la direction départementale des Territoires, aux services fiscaux, à la CAF et à la Mutualité sociale agricole. Cela suspend le versement de l’APL. À Fourmies, au terme d’une première année d’application, les refus sont faibles (à peine une quinzaine sur 500 logements visités). Les prescriptions de travaux ou de mise en conformité d’un défaut constaté sont, en revanche, nombreuses. Sachant que d’autres demandes sont annulées, souvent par des propriétaires qui préfèrent éviter d’essuyer un refus. Le permis de louer doit être annexé au bail. Le bailleur qui loue un logement sans autorisation si celle-ci est exigée dans son secteur est passible d’une amende pouvant atteindre 5 000 € qui, en cas de nouveau manquement dans un délai de trois ans, peut être portée à 15 000 €. Il faut donc penser à informer largement sur la mise en place du dispositif. 
À La Madeleine (21 533 hab.), commune de la MEL, le maire, Sébastien Leprêtre, a voulu aller trop vite en prenant une délibération avant que l’EPCI dont il dépend ne se prononce. Il a fallu donc attendre que la métropole lilloise délibère. «Nous avons sans doute permis d’accélérer les choses », glisse-t-il. Lui aussi compte sur le fait que ce permis soit «dissuasif ». La Madeleine est une ville dense, avec un cœur historique ancien, des friches industrielles, là encore le terrain «propice pour le marché des marchands de sommeil ». Le permis de louer sera, ici, opérationnel vers avril 2019. 
Autre exemple avec la commune de Nogent-sur-Oise (Oise, 2 602 hab.). Le permis de louer est entré en application en janvier. Plus d’un millier de logements en location (20 % du marché) seraient soit aux mains de marchands de sommeil, soit vétustes selon l’adjoint au maire, Jean-Baptiste Rieunier. Ce permis donne «le moyen d’être plus réactif vis-à-vis de propriétaires récalcitrants à engager les travaux nécessaires pour mettre aux normes leurs logements ».

Expérimentations locales

La collectivité a le choix de définir un secteur géographique plus ou moins resserré au sein duquel le permis de louer s’applique. À Nogent-sur-Oise, la municipalité a préféré resserrer dans un premier temps (six mois) sur 220 logements connus. Cela doit permettre de vérifier que l’organisation du service dédié au sein de la commune est adaptée, que le circuit des allers-retours entre la commune chargée de l’instruction et l’agglomération, pour validation, est assez rapide pour rendre la décision dans le temps imparti (un mois maximum). À terme, le périmètre pourra être revu quand la commune le décidera. À Fourmies, le parc locatif étant disséminé, les élus ont choisi d’y soumettre l’ensemble de la commune. Sur la MEL, seuls les quartiers censés être surtout exposés aux marchands de sommeil sont visés (quartiers en politique de la ville, où le marché de l’offre locative est tendu). La loi ALUR a créé une version plus souple du permis de louer, la déclaration de mise en location. La mise en location du logement doit simplement être déclarée à la mairie dans les 15 jours suivant la conclusion d’un contrat de location. Les manquements à cette obligation n’ont pas d’incidence sur la validité du bail, mais le propriétaire qui ne respecte pas cette obligation peut se voir sanctionné d’amendes administratives pouvant atteindre 5 000 €. La vérification de l’état du logement ne repose que sur les déclarations du bailleur. Cela permet à la collectivité de mieux connaître l’offre locative privé sur son territoire. À Nogent-sur-Oise, la municipalité a décidé de mixer demandes d’autorisation sur 12 logements et simple déclaration sur 60 autres, sur un périmètre choisi. 
Si les bailleurs peuvent considérer ces dispositifs comme une mesure de défiance, observent les élus et techniciens, in fine, elle est comprise et reconnue utile à tous, car elle écarte a priori les bailleurs « indélicats » ou prévient de dangers parfois sous-évalués par les propriétaires eux-mêmes. 

À retenir
Le permis de louer est prévu par le Code de la construction et de l’habitation (CCH) (articles L.634-1 à L.635-11). Le décret n° 2016-1790 du 19 décembre 2016 précise les modalités de sa mise en œuvre. La délibération concernant l’autorisation ou la déclaration préalable de mise en location doit préciser le(s) périmètre(s) d’application, le lieu et les modalités de dépôt de la demande, l’entrée en vigueur du dispositif (dans un délai minimum de six mois). Deux arrêtés parus le 27 mars 2017 rendent disponibles trois formulaires CERFA relatifs :
• à la déclaration de mise en location  : CERFA n° 15651*01 ;
• à la demande d’ autorisation préalable de mise en ­location : CERFA n° 15652*01 ;
• à la déclaration de transfert d’autorisation préalable de mise en location en cours de validité : CERFA n° 15663*01.

À lire
« Le maire, le président d’intercommu-nalité et la lutte contre l’habitat indigne », le guide publié par l’AMF, décembre 2017. www.amf.asso.fr  (réf. BW25058) .


Avis d’expert
Élise Abecassis,
responsable Habitat et Observatoire urbain de Nogent-sur-Oise (60)
« Fragiliser le “business plan” des marchands de sommeil »
« Un marchand de sommeil n’a qu’un objectif, l’argent. » Or, les permis de louer «touchent à leur porte-monnaie en fragilisant leur business plan », explique Élise Abecassis, responsable habitat et observatoire urbain de Nogent-sur-Oise. La loi ALUR permet aussi de consigner les allocations logement. L’une des mailles du filet dans laquelle se faufilent les propriétaires est en effet liée à ces allocations versées par la CAF. Celle-ci «peut interroger un numéro de l’allocataire, mais pas une adresse ». Autrement dit, sur un même logement, 
il peut y avoir 4 APL sans que la CAF puisse le vérifier... Élise Abecassis a tissé un autre filet, grâce à «une bonne connaissance de la commune » car elle a été chef du projet de renouvellement urbain, et y vit. Elle a créé un système d’information géographique (SIG), dans lequel elle intègre et croise toutes les données. C’est à partir de ce SIG que la commune a déterminé le premier périmètre sur lequel cibler le permis de louer. Pour elle, l’application à l’échelle intercommunale a du sens pour éviter de relâcher la pression sur les marchands de sommeil qui, sinon, agiront dans d’autres communes.

Gérer les demandes d’autorisation
resserrer dans un premier temps (six mois) sur 220 logements connus. Cela doit permettre de vérifier que l’organisation du service dédié au sein de la commune est adaptée, que le circuit des allers-retours entre la commune chargée de l’instruction et l’agglomération, pour validation, est assez rapide pour rendre la décision dans le temps imparti (un mois maximum). À terme, le périmètre pourra être revu quand la commune le décidera. À Fourmies, le parc locatif étant disséminé, les élus ont choisi d’y soumettre l’ensemble de la commune. Sur la MEL, seuls les quartiers censés être surtout exposés aux marchands de sommeil sont visés (quartiers en politique de la ville, où le marché de l’offre locative est tendu). La loi ALUR a créé une version plus souple du permis de louer, la déclaration de mise en location. La mise en location du logement doit simplement être déclarée à la mairie dans les 15 jours suivant la conclusion d’un contrat de location. Les manquements à cette obligation n’ont pas d’incidence sur la validité du bail, mais le propriétaire qui ne respecte pas cette obligation peut se voir sanctionné d’amendes administratives pouvant atteindre 5 000 €. La vérification de l’état du logement ne repose que sur les déclarations du bailleur. Cela permet à la collectivité de mieux connaître l’offre locative privé sur son territoire. À Nogent-sur-Oise, la municipalité a décidé de mixer demandes d’autorisation sur 12 logements et simple déclaration sur 60 autres, sur un périmètre choisi. 
Si les bailleurs peuvent considérer ces dispositifs comme une mesure de défiance, observent les élus et techniciens, in fine, elle est comprise et reconnue utile à tous, car elle écarte a priori les bailleurs « indélicats » ou prévient de dangers parfois sous-évalués par les propriétaires eux-mêmes.      

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Cet article a été publié dans l'édition :

n°364 - Janvier 2019
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